11 candidats en route vers l'Elysée Reste que les divergences et les contradictions ne pouvaient pas ne pas apparaître au grand jour et c'est là que se situe le tournant de cette épreuve, car c'en est une, y compris pour des candidats engagés dans une chasse sur des terres communes comme Hamon et Mélenchon. Hier soir, sur TF1, les 5 «têtes de listes» de la présidentielle française, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen, ont confronté leurs programmes respectifs à la faveur du premier débat dont on attendait beaucoup du côté des indécis qui, selon les observateurs de la scène politique hexagonale, totalisent près de la moitié des électeurs, tous bords confondus. De fait, le marécage politique a atteint un tel degré de fragrance aggravée par les affaires qui ont éclaboussé les candidats de la droite et de l'extrême droite qu'un grand nombre de Françaises et de Français ne cachent pas leur désaffection, voire leur rejet du «système». Durant les meetings de cette semaine, place de la République pour Mélenchon, au Zénith pour Hamon, à Reims pour Macron, à Metz pour Marine Le Pen, on a observé combien le discours est monté d'un cran, chacun des candidats étant interpellé par l'exigence d'une mobilisation plus convaincante des voix encore disponibles. Le débat sur TF1 a revêtu ipso facto une importance majeure car c'est à une dizaine de millions d'électeurs attentifs que chaque postulant a soumis son cahier des charges, s'efforçant de convaincre, de sensibiliser et in fine de mobiliser en prévision du premier tour, particulièrement décisif pour chaque camp engagé dans la course à l'Elysée. Reste que les divergences et les contradictions ne pouvaient pas ne pas apparaître au grand jour et c'est là que se situe le tournant de cette épreuve, car c'en est une, y compris pour des candidats engagés dans une chasse sur des terres communes comme Hamon et Mélenchon. Celui-ci veut transformer de fond en comble la relation avec l'UE tandis que son rival de la gauche est partisan d'une mue constructive qui permette la pause de la rigueur budgétaire. En cela, il rejoint Macron favorable à un Parlement de la zone euro et à des investissements massifs de Bruxelles pour relancer la machine productive et l'emploi. A leur droite, Marine Le Pen brandit l'épée du «patriotisme» qui implique le repli sur soi, porte ouverte à une politique de l'exclusion et du dogme souverainiste quand Fillon prône une révision des accords de Schengen pour contrôler fermement les frontières. Tout cela pour le seul dossier européen. Quant au thème de l'immigration et de l'islam, l'opposition est radicale entre le tandem Fillon - Le Pen et le duo Hamon - Mélenchon. Les premiers veulent restreindre le regroupement familial, n'accorder des prestations sociales aux immigrés qu'après deux ou plusieurs années de séjour régulier en France, supprimer l'Aide médicale d'Etat (destinée aux étrangers sans papiers), contrôler le financement des mosquées, durcir les conditions pour devenir Français. Les seconds proposent un visa humanitaire européen pour les réfugiés, le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, encourager une «discrimination positive» à l'embauche des jeunes de banlieue.La rupture concerne également le nombre de fonctionnaires, réduit de 500.000 pour Fillon et de 120.000 pour Macron, mais augmenté de 200.000 dont 60.000 enseignants pour Mélenchon. Et tandis que Marine Le Pen veut 20.000 policiers de plus, Hamon préfère 40.000 enseignants contre 5000 pour la police. Fillon, lui, maintient ses projets drastiques comme l'abrogation des 35 heures ou le relèvement de l'âge de la retraite à 65 ans. Macron promet pour sa part de supprimer les régimes spéciaux. Enfin, en matière d'impôts, les approches sont aussi multiples que contradictoires. Pour la TVA, la CSG et l' ISF, Macron et Fillon, Cheminad, procéderaient à une baisse des cotisations, salariales ou patronales, compensée pour l'un, par une hausse de CSG, et pour l'autre, de TVA. Mélenchon baisserait la TVA, et comme Hamon, fusionnerait l'impôt sur le revenu et la CSG.L'ISF serait supprimé par Fillon, adouci par Macron, maintenu par Le Pen, renforcé par Mélenchon, fusionné avec la taxe foncière par Hamon. Mais c'est avec le revenu universel que Benoît Hamon se démarque de tous les autres candidats, une mesure en droite ligne des résolutions du Conseil national de la Résistance, plaide-t-il. Mélenchon le talonne avec un RSA étendu aux 18-25 ans quand Fillon exigerait des contreparties et Macron sanctionnerait les chômeurs refusant une deuxième offre d'emploi. D'autres sujets font aussi polémique, comme le mariage homosexuel, la PMA (procréation médicalement assistée), la sortie du nucléaire ou l'avènement d'une VIème République chère à Jean-Luc Mélenchon. En matière de politique étrangère, le clivage est encore traditionnel, malgré un léger consensus sur le nécessaire rééquilibrage des rapports avec la Russie et la volonté d'une politique plus ferme contre le terrorisme de l'Etat islamique fondée sur un dialogue avec la Syrie du président Bachar al Assad. Utile et instructif, ce débat aura, sans nul doute, permis une première décantation entre les ambitions et les promesses de chacun des cinq candidats en présence, à charge pour les électeurs de faire le tri entre ce qui leur agrée ou ce qui les séduit et ce qui les irrite ou les inquiète dans cette présidentielle si particulière par sa dimension incertaine et ses résultats en contradiction brutale avec les promesses des sondages.