Le Temps d'Algérie : Comment expliquez vous la quasi-absence, en Algérie, des sondages politiques ? Cela traduit-il une peur de l'opinion publique ? En Algérie, nous sommes presque à zéro sondage. C'est une question de culture, une question de l'organisation même du fonctionnement de notre Etat et de notre système politique. Nous sommes encore à l'ère du narcissisme, on parle beaucoup de soi et très peu du citoyen. On l'a vu durant les précédentes élections législatives, on parle plus des victoires des partis que de l'abstention ou de la désaffection du citoyen. Certains partis à l'instar des quatre professions politiques qui ont eu la majorité des sièges à l'APN ont fait tout de suite preuve de satisfaction, parfois irresponsable. C'est désolant parce que personne n'a dit que c'est une victoire au goût amer. Des sondages d'opinion d'abord auraient pu permettre de contrôler les urnes, car ils donnent un état des lieux par anticipation et surtout de concrétiser et d'asseoir une vraie démocratie dans notre pays. Les sondages d'opinion sont aussi un aiguillage aux partis politiques sur les thématiques de campagne, les stratégies à adopter et surtout ça leur permet de comprendre les attentes des citoyens. Une preuve qu'il existe en Algérie un fossé entre l'Etat et les citoyens ? Je pense que les 63% d'abstention, c'est une preuve d'un énorme fossé entre le pouvoir et le public ! Beaucoup de sondages sont réalisés sans êtres publiés. Pourquoi ? C'est une question de types de sondages ; publiables et non publiables. Si le client décide de ne pas publier le sondage, on respecte sa décision. Toute à fait. Dans les domaines stratégiques, ils le sont aussi. Dès qu'on parle d'étude, on parle dès lors de chiffres qui sont très confidentiels car ça permet au marque d'évoluer. Y-a-t il une évaluation des statistiques? Leur fiabilité est-elle vérifiée ? A ce titre, il faut d'abord un état des lieux de ce qui existe, et de ce qui n'existe pas. Dans les états des lieux, il faut aussi chercher s'il existe des professionnels. Par professionnels, j'entends dire quelqu'un qui pratique le métier du sondage. Il y a des agences qui activent dans ce domaine, des académiciens qui viennent entre autres de l'école des Statistiques et de l'économie appliquée, à travers les laboratoires aussi qui activent beaucoup, des institutions qui produisent des études et des sondages d'opinion dans divers domaines culturels, scientifiques… Pour nous, il était essentiel de mettre un plan entre le monde académique et le monde professionnel pour qu'on puisse déjà parler des techniques qui ont évolué à l'ère du 2.0, du Big Data, des méthodologies. Parler des dérives, d'éthique. Autant d'éléments qui nous permettent d'abord de parler de pratiques et de méthodes. Viendra le jour par la suite où on sera en vitesse de croisière en termes de production d'études, puis d'évaluation de ces études. Vous organisez un colloque international sur les sondages d'opinion et les statistiques sans la présence parmi vos invités de l'Office national des statistiques. Comment l'expliquez-vous ? Nous avons sollicité à plusieurs reprises l'Office national des satistiques. Zéro réponse. Nous avons demandé le parrainage au ministère de la Communication. La réponse du ministre était liée au fait qu'il n'existe pas encore en Algérie de lois sur les sondages donc il était difficile pour le département de parrainer l'événement. Nous en sommes à nous demander si cette loi qui tarde à venir et qui date de 2000, est finalement une façon de laisser le secteur en proie à diverses dérives. Vous le voyez dans la publicité qui n'est pas encadrée en Algérie, par exemple. Vous en êtes aujourd'hui à la troisième édition. Quelles sont vos perspectives si, comme vous le dites, le secteur est laissé en proie à des dérives ? On compte ressortir de ce colloque le fait que la pratique existe, donc la loi devrait exister. Nous sommes assez honnêtes et professionnels pour pouvoir asseoir une réelle culture du sondage en Algérie. Ce secteur devrait rester stratégique, algéro-algérien. En terme d'apport, les deux dernières éditions ne nous ont rien apporté financièrement ni commercialement, mais dans l'échange, l'évolution de la maîtrise des techniques et des méthodologies, elles nous ont apporté beaucoup. J'optimise d'un point de vue intellectuel l'organisation de ce genre de colloque parce que cela nous permet d'échanger et surtout d'évoluer. Maintenant nous sommes avec un partenariat pour la certification de la mesure d'audience avec l'organisme CESP dont la directrice générale Valérie Morrisson sera aujourd'hui en Algérie pour communiquer sur les sondages d'opinion à travers l'Afrique et surtout commencer un processus d'audit, ce qui permettra de donner des audiences d'ici 2018.