Nassima, 41 ans, femme au foyer, Bachir, 46 ans, propriétaire d'une boutique d'articles informatiques, Ahmed, 29 ans, agent de saisie dans une boîte privée... Leur point commun : un rêve. Celui de faire des études universitaires. Comme le reste des candidats au Bac, ils sont assoiffés de créer l'exploit et de réussir après de longues années d'échec, de barrière sociale et de circonstances qui les ont empêchés de fouler les campus universitaires. Pour ces trois adultes qui ont pratiquement le double de l'âge des candidats scolarisés, reprendre les études n'est pas une utopie. C'est même une possibilité qu'ils nourrissent au plus profond d'eux. «En 1994, j'ai passé pour la première fois mon Bac sciences, mais sans succès», se rappelle Nassima rencontrée devant le lycée Aïssat-Idir. Issue d'une famille qui a longtemps vécu dans la précarité, Nassima s'est résignée à rester chez elle après son échec. «Entre les affaires scolaires, les vêtements et les frais de transport, retourner à l'école était synonyme de dépenses supplémentaires pour mes parents qui avaient déjà du mal à nourrir une famille de cinq enfants», raconte notre interlocutrice, aujourd'hui divorcée et mère de trois enfants. Sans diplôme ni travail et une famille dans le besoin, Nassima se marie jeune. «Mon père m'a mariée avec un avocat qui me dépassait de 10 ans, pensant à tort qu'il allait me prendre en charge et alléger les dépenses de la famille», confie-t-elle avouant que son mariage était «un véritable échec». «Pour mes enfants» 23 ans après avoir quitté les bancs de l'école, le Bac fait peur aujourd'hui encore à Nassima. Particulièrement en ce deuxième jour des épreuves. «Les mathématiques c'est mon vrai cauchemar, c'est à cause de cette matière que j'ai loupé mon premier Bac», confie cette candidate libre, l'air encore tétanisé par l'épreuve. Accompagnée de sa fille de 15 ans, elle dit avoir aujourd'hui le soutien de ses enfants. C'est pour eux d'ailleurs qu'elle tente l'aventure. Pour elle, au-delà de prendre sa revanche sur les années perdues, sur son quotidien difficile lorsqu'elle était élève, c'est une leçon de vie qu'elle veut donner à sa fille et à ses deux garçons. «Le Bac est la clé de réussite, la chance de faire mieux, de donner l'exemple à mes enfants, leur prouver que dans la vie, il ne faut compter que sur ses propres capacités», s'est longtemps fixé pour objectif la candidate sortie finalement satisfaite de la première épreuve du matin. «Le sujet de maths était abordable, je m'en suis inquiétée, mais là je suis un peu soulagée», nous confie-t-elle avant d'aller rejoindre ses «camarades» pour les dernières révisons d'anglais, l'épreuve de l'après-midi. Les exigences nouvelles du marché du travail contribuent essentiellement à cette volonté des adultes à replonger dans les manuels scolaire. Pour trouver un poste de travail ou pour exercer la profession qui les passionne, ils vont jusqu'à suivre des cours de soutien pour combler de vieilles lacunes. A 46 ans, faire des études supérieures est aussi un objectif pour Bachir qui passe son Bac mathématiques à Audin. Père de famille et propriétaire d'une boutique d'articles informatiques, le candidat veut avant tout «prouver qu'il n'y a pas d'âge pour réaliser ses rêves». Le sien, c'est de s'inscrire à la faculté des sciences de la télécommunication pour pouvoir développer sa boîte. «Je veux ouvrir ma petite entreprise dans le domaine des TIC. Les nouvelles technologies sont une vraie passion, un diplôme universitaire me donnera plus de crédibilité si je veux y arriver», souhaite-t-il. Comme Nassima, Bachir peut compter sur le soutien de sa petite famille. C'est elle, dit-il, qui le «propulse quotidiennement sur les sommets du bonheur». Leur avantage : l'expérience de la vie Reprendre des études après de longues années sans mettre un pied à l'école n'est pas une tare pour les 270 403 postulants en candidats libres à cette nouvelle session du Bac. D'autant qu'ils ont à leur actif un atout majeur : l'expérience de la vie. Ils n'ont souvent rien à perdre en tentant de décrocher ce fameux sésame. Le stress qui hante les candidats scolarisés est facilement «gérable», pour ces candidats libres qui ont connu plus difficile, plus stressant dans le parcours professionnel comme personnel. Ahmed 29 ans a été bachelier en 2006. Diplômé en littérature arabe, il a connu le chômage pendant plusieurs années. Aujourd'hui agent de saisie, il veut percer et décrocher un poste de travail avec un revenu plus élevé que les 30 000 Da qu'il touche actuellement. «J'ai frappé à toutes les portes. On a toujours refusé ma candidature. Je sais qu'un diplôme universitaire ne suffit pas pour travailler mais je compte conjuguer mon expérience acquise dans la vie active avec un autre Bac en poche et je suis sûr que j'irai plus loin», planifie notre interlocuteur qui passe son Bac en filière lettres et sciences humaines. A la sortie de l'épreuve du second jour, la langue arabe, Ahmed semble confiant. «Les deux sujets étaient longs, mais abordables. Nous avons eu le choix entre un poème d'Elia Abu Madhi et un texte de Tawfiq Al Hakim», fait-il savoir. Pour Nassima, Bachir, Ahmed et les 270 403 autres candidats libres, il reste encore jusqu'à jeudi pour réaliser leur rêve. Aujourd'hui, ils vont devoir garder leur volonté de réussir pour le troisième jour des épreuves. Au programme sciences expérimentales et histoire-géo, pour les scientifiques, et philosophie pour les candidats des branches littéraires.