Ils sont 353 à passer l'examen de plus de 40 ans et la «doyenne» des candidats seniors est une sexagénaire, née en février 1954. Chaque année, ils sont des centaines de milliers de candidats à concourir pour décrocher le «sésame» d'entrée aux campus, dont des «séniors», ces postulants d'âge mûr convaincus que le baccalauréat constitue le plus illustre des examens sans lequel aucun diplôme universitaire n'est concevable. Sur un total de 23.503 candidats inscrits au baccalauréat dans la wilaya de Constantine, dont 9838 libres, pas moins de 353 postulants de plus de 40 ans ont décidé de tenter leur chance pour décrocher la réussite à cet examen prestigieux, a indiqué Mohamed Bouhali, directeur de l'éducation (DE), révélant que la «doyenne» des candidats seniors à Constantine est une septuagénaire, née en février 1954. Ces candidats n'ont certes plus vingt ans depuis longtemps, mais leur opiniâtreté et leur désir farouche de réussite les poussent à passer l'examen du baccalauréat, pour diverses raisons personnelles intrinsèques, mais aussi sociétales. A 54 ans, Lakhdar K., père de famille et employé dans une société, passe les épreuves du baccalauréat pour la première fois cette année, dans la filière des lettres et langues étrangères (allemand) pour réaliser un vieux rêve, mais aussi pour «encourager deux neveux également inscrits au bac 2017», confie-t-il. Animé d'une volonté de fer, ce quinquagénaire, soutenu par son entourage et le personnel du Centre régional d'enseignement et de formation à distance (Crefd) de Constantine, a suivi les cours depuis la 4 ème année moyenne et obtenu son BEM, avant de songer à «relever le défi» en tentant de décrocher son bac. Un rêve commun partagé, mais aussi un challenge, par d'autres seniors, tels Abdelaziz G. (54 ans) et Mounira B. (52 ans), inscrits respectivement dans la filière gestion et économie et lettres et langues étrangères (espagnol), qui caressent, eux aussi, le rêve de faire partie des heureux lauréats du bac 2017. Cet examen représente un «réel symbole de réussite scolaire et sociale» conférant une certaine «dimension intellectuelle» à ses détenteurs, sans lequel aucun diplôme universitaire n'est concevable. Mère de deux lycéennes, Amira K. a décroché son bac il y a de cela cinq ans, à presque quarante ans, souligne-t-elle, et a dû faire preuve de beaucoup de volonté et de ténacité pour ne pas laisser tomber et abandonner avant l'examen. Refusant son unique statut de femme au foyer, mais aussi de continuer à ignorer ses précédents échecs au baccalauréat, Amira voulait, dit-elle, «combler un vide» et susciter la «fierté» de ses enfants qu'elle encourage sans cesse pour qu'ils puissent réussir brillamment dans leurs études. «Ma famille m'a beaucoup soutenue, heureusement, principalement mes filles, ce qui m'a permis de ne pas flancher, surtout que cela n'a pas été facile de se replonger dans les livres après plusieurs années», ajoute-t-elle, se rappelant avec émotion cette période qu'elle avait tant appréhendée. Aujourd'hui, cette bachelière de 44 ans a un master en anglais et souhaite aller encore plus loin dans ses études, en dépit des difficultés et de ses obligations familiales, mais avoue «ne pas regretter les sacrifices consentis pour en arriver là». A 49 ans, Ilhem B. se dit aujourd'hui «comblée» d'avoir réussi son bac, il y a de cela six ans et se sent «très fière d'avoir remporté ce challenge» dans une société où le regard de celle-ci envers les non-diplômés n'est pas toujours très bienveillant, selon elle. Affirmant que le bac lui a permis de «se débarrasser du complexe d'infériorité» qui la dévorait depuis de nombreuses années, Ilhem se sent à présent sereine et apaisée, surtout que ce sésame lui garantit de participer éventuellement à des concours qui ne lui étaient pas accessibles auparavant en vue de changer d'horizon professionnel. Détentrice d'un master en sciences économiques, cette bachelière quarantenaire confie avoir souffert, en revanche de la «jalousie de ses jeunes camarades», lesquels ont éprouvé du mal, dit-elle, à accepter sa présence eu égard à la différence d'âge, mais aussi pour les bons résultats qu'elle a obtenus en se classant en tête de sa promotion. Employée comme adjointe de l'éducation dans un collège, Fadila B., 45 ans, était, pour sa part, quotidiennement confrontée à ce qu'elle a qualifié de «complexe», avant de décrocher, en 2012, un bac en lettres et langues (arabe), avec une moyenne de 11,35. «Je voulais savoir ce que c'était de suivre des études universitaires, c'était une expérience très enrichissante pour moi», affirme-t-elle, heureuse de faire partie des bacheliers, mais surtout d'avoir vaincu son complexe vis-à-vis des autres. Cette soif de continuer des études après quarante ans, constitue, selon Abdelhamid Djekoune, recteur de l'université des frères Mentouri de Constantine, «un fait exceptionnel qu'on ne rencontre pas souvent à part peut-être dans les sciences humaines et sociales». Exprimant son admiration pour ces «seniors attachés aux études», Abdelhamid Djekoune a fait remarquer que l'université accueille beaucoup plus des personnes préalablement détentrices de diplômes d'études supérieures, ayant une activité professionnelle et qui souhaitent refaire d'autres études, généralement en langues ou en droit.