Cela s'est passé avant-hier à Bab Ezzouar. Un «père» de famille a diffusé sur son compte Facebook des clichés de son enfant à peine âgé de quelques mois, suspendu dans le vide du haut du 15e étage d'un immeuble AADL, le tenant par son tee-shirt, suivi d'un commentaire menaçant de lâcher le petit garçon s'il n'obtenait pas 1000 «j'aime/like» pour ses photos. En un laps de temps, les photos ont fait le tour de la Toile, choquant les internautes qui ont multiplié les messages d'indignation sur les pages Facebook. Qualifiant le père de «fou», d'«irresponsable», de «psychopathe», les cybernautes ont appelé le procureur de la République à «s'autosaisir» pour punir l'auteur des photos. Ils ont aussi demandé aux voisins qui reconnaîtront le «criminel» de le dénoncer auprès des services de sécurité. 48 heures après la diffusion des images, aucune réaction des autorités n'a été enregistrée. Seules les associations de protection de l'enfance ont vivement dénoncé la maltraitance du petit garçon. Le président du FOREM, Mustapha Khiati, a lui demandé l'intervention de la déléguée nationale de la protection de l'enfance qui, dit-il «doit immédiatement venir en aide au bébé». Ce cas, qui est loin de relever de l'inédit, est selon le professeur Khiati un phénomène qui se banalise dans notre société. La dernière étude de l'Unicef, réalisée conjointement avec les ministères de la Santé et de la Solidarité, prouve cet état de fait en avançant un taux de 86% des enfants algériens victimes de violences familiales. Quand des parents enferment leurs enfants dans des placards, le pire est à craindre, ajoute le Pr Khiati. L'une des raisons, estime le président de la Forem, est «l'immaturité des parents qui se marient sans avoir acquis les connaissances nécessaires pour élever et protéger leurs enfants». Ces parents, regrette notre interlocuteur, «sont de ce fait incapables d'assumer leur rôle». Evoquant les derniers chiffres de la DGSN, le professeur en pédiatrie rappelle, en outre, les 6 193 cas de violences commises à l'égard des enfants et les 50 000 cas de maltraitance enregistrés en 2016. Des chiffres alarmants d'autant qu'ils sont loin encore d'«illustrer la réalité», car, explique-t-il, beaucoup ne sont pas signalés. Mustapha Khiati regrette, à cet effet, le vide juridique entourant ce phénomène. Il fera référence à la loi sur la protection de l'enfance, promulguée en 2015, définissant la maltraitance de l'enfant dans laquelle il y relève «l'absence de modalités particulières pour assurer la prise en charge des victimes». Des parents «immatures»… La solution, ou du moins l'une d'entre elles, est d'abord, préconise notre interlocuteur, d'«organiser des formations pour les jeunes parents qui ne sont pas conscients des besoins et des droits des enfants». Une idée que la Forem a déjà proposée par le passé sans finalement être prise en considération par les autorités concernées. Le Pr Khiati estime, d'autre part, urgent d'activer des dispositifs d'écoute et de sensibilisation envers les familles, pour éviter, espère-t-il, que ces violences contre les enfants ne soient reproduites par ces derniers une fois qu'ils seront devenus adultes. Les photos choquantes diffusées sur Facebook n'ont pas non plus laissé insensible le réseau Nada qui a dénoncé à son tour la maltraitance du petit garçon par l'auteur des clichés. Abderrahmane Arar, son président, est affirmatif : «La culture de la protection et des droits de l'enfant est très fragile dans notre société». Pour le président du réseau Nada, l'acte de ce père qui a mis en danger la vie de son enfant peut en plus avoir «des conséquences graves sur le développement psychique et psychologique de cet enfant». Pour notre interlocuteur, le président de l'APC de Bab Ezzouar est le premier qui devrait réagir. «Il a le pouvoir d'intervenir dans ce genre de situation. C'est aussi à la justice, notamment au procureur de la République, de réagir face à cette maltraitance qui relève, précisons-le, du pénal».