L'économiste Kamal Kheffache aborde dans cet entretien les mesures prévues dans le plan d'action du gouvernement qui sera présenté aujourd'hui aux députés de l'Assemblée populaire nationale. Pour cet expert, le plan vise à réussir la transition de l'économie nationale dépendante de la rente pétrolière à une économie diversifiée. Le Temps d'Algérie : Le plan d'action du gouvernement sera soumis au parlement dans les prochains jours. Comment qualifieriez-vous les mesures économiques qu'il a apportées ? Kamel Kheffache : Les mesures économiques contenues dans le plan d'action du nouveau gouvernement, et qui sera soumis au Parlement aujourd'hui, ont pour objectifs de répondre à l'impératif de faire face à la crise économique qui secoue le pays, d'assurer le maintien de l'équilibre économique et de favoriser et de promouvoir l'investissement. Ce plan prévoit de revoir le système des subventions sociales ainsi que celles destinées aux entreprises. Les mesures économiques envisagées prévoient la révision des subventions octroyées par l'Etat en ciblant les ménages qui y ouvrent droit, et ce, dans le but de rationaliser les dépenses publiques. Les orientations de cette nouvelle politique de subventions va conduire notre économie à aller progressivement vers la vérité des prix. En d'autres termes, à l'avenir, ce sera le marché et donc la loi de l'offre et de la demande, qui va déterminer les prix des biens et services marchands, tout en ciblant les aides aux ménages à bas revenu. Le suivi de la mise en œuvre de ce plan d'action permettra de protéger l'économie nationale et d'aller vers une rationalisation plus efficace des dépenses publiques. Intervenant dans une conjoncture difficile, le plan réussira-t-il, d'après vous, à réaliser ses objectifs ? En effet, le contexte dans lequel intervient ce Plan est difficile. Néanmoins, à mon avis, ce plan d'action a de fortes chances de réussir si seulement l'environnement du climat des affaires est assaini afin de permettre la promotion du processus d'investissement, notamment dans les domaines de l'industrie et de l'agriculture, d'une part, et la politique de rationalisation budgétaire soit mise en œuvre de manière rigoureuse pour pouvoir redresser les finances publiques d'ici l'année 2019. Ce qui permettra la réduction de la dépendance de notre économie des recettes générées par l'exportation des hydrocarbures, la création des richesses, la diversification de l'économie, la création de nouveaux emplois, et d'assurer les équilibres macro-économiques et financiers. C'est la première fois que le ciblage des subventions apparaît dans un plan d'action du gouvernement. Comment faut-il réellement procéder pour que l'argent arrive à bon port ? Comme la majorité des pays en voie de développement, depuis longtemps l'Algérie applique un système de subventions généralisées pour venir en aide à la population, où un chef d'entreprise tout comme le simple manœuvre qui gagne le SNMG, bénéficient de prix subventionnés. Ces subventions généralisées sont régressives et manquent d'équité. C'est une politique qui profite plus aux riches qu'aux nécessiteux et en la maintenant elle coûte de plus en plus cher au Trésor public, surtout depuis la chute drastique des prix du pétrole entamée depuis juin 2014 et qui a affecté considérablement le budget de l'Etat. Le système actuel de subventions est remis en cause. Le ciblage envisagé par ce nouveau gouvernement est une initiative très louable et pour que l'argent arrive à bon port, il faut mettre en place des mécanismes permettant d'atteindre les catégories éligibles aux aides de l'Etat, particulièrement les ménages à bas revenus. Par exemple, il faudra prévoir la mise en place d'un système de transferts monétaires bien ciblé en créant une caisse nationale de compensation (CNC). Il s'agit de concevoir et d'implémenter un système de péréquation intrasocioprofessionnelle ciblé appuyé par une campagne médiatique de grande envergure. Autre nouveauté, les collectivités locales sont appelées à s'impliquer pour collecter l'impôt. A quel niveau cela peut substituer à la fiscalité pétrolière ? Effectivement, le Plan d'action du nouveau gouvernement, qui sera présenté ce mardi à l'APN, prévoit aussi de nouvelles mesures fiscales pour renflouer le budget de l'Etat en impliquant davantage les collectivités locales pour collecter l'impôt. A mon avis, pour réussir la transition de l'économie dépendante de la rente pétrolière à une économie diversifiée, dorénavant, les collectivités locales auront un très grand rôle à jouer dans la collecte de l'impôt pour renforcer le budget de l'Etat par la fiscalité ordinaire et donc de se substituer partiellement à la fiscalité pétrolière. Les responsables locaux sont appelés à créer les conditions favorables pour le renforcement de l'attractivité économique des collectivités territoriales en mettant en place des structures de proximité pour l'assistance et l'accompagnement des investisseurs. L'attractivité économique des collectivités territoriales a un impact positif sur des entreprises déjà implantées, qui agrandissent leurs établissements ou en créent de nouveaux, ou sur des entreprises extérieures au territoire. Ce qui permettra de créer de la richesse et des emplois et promouvoir le développement local de façon durable.