Lorsqu'on évoque l'Italie et son apport à la Révolution algérienne, une seule référence est évoquée, c'est celle de l'affaire Enrico Mattei… Et pourtant, le gouvernement italien ainsi que la société civile ont joué un rôle très important en soutenant la Révolution algérienne, et ce, dans plusieurs domaines. Pour évoquer ces relations historiques, une rencontre a été tenue à cet effet, mardi après-midi, à la librairie Chaïb-Dzaïr de l'Anep à Alger-centre, animée par Sid Ali Sekhri, modérateur, Mohamed Balhi, auteur, journaliste et consultant à l'Anep, Abdallah Cheghnane, responsable des éditions Dahlab, avec l'intervention du premier conseiller à l'ambassade d'Italie en Algérie, Martin Brook. En présentant l'ouvrage de Bruna Bagnato, l'Italie e la guerra d'algeria- 1954-1962, paru en 2012 aux éditions Rubbetino en Italie et traduit vers le français par les éditions Dahlab avec le concours de l'ambassade d'Italie, de l'Institut culturel italien et de l'ENI, et publié récemment (18 mars 2017) en Algérie, les conférenciers feront savoir qu'au-delà des dates, des noms et des événements connus de tous, il y a aussi énormément de références sur la Révolution algérienne… «C'est lors d'un colloque tenu, en 2010, à l'hôtel El Aurassi à Alger, que j'ai rencontré Bruna Bagnato pour la première fois. Elle s'est intéressée beaucoup à l'Algérie et m'avait interpellé concernant mon intervention au sujet d'Enrico Mattei et où j'avais indiqué que ce fut Saâd Dahlab qui l'avait rencontré en premier et non Abdelhafid Boussouf… et ce, d'après le livre de Dahlab, Mission accomplie, sorti en 1989 en Algérie, Dahlab qui n'est autre que mon beau-père… Deux ans après, je revois Bagnato au Salon du livre d'Alger et, là, elle me présente un ouvrage de 800 pages dans lequel elle avait intégré la partie du livre de Dahlab qui évoque Mattei. De là, et en prenant conscience de la richesse de son ouvrage, j'ai décidé de le traduire en français. Un travail minutieux que j'ai chapeauté durant deux ans», explique Abdallah Dahlab. Un livre, un trésor Même s'ils définissent les Algériens comme étant des Italiens en colère, les Italiens ont beaucoup aidé la Révolution algérienne. Et à partir du livre truffé d'informations de Bruna Bagnato, Sid Sekhri revient et explique avec une grande aisance, la naissance de cette amitié entre les deux nations. «Pour comprendre la position du gouvernement italien et de ses partis politiques ainsi que de la société civile [syndicats, étudiants, artistes, éditeurs] envers la cause algérienne, il faut au moins connaître une partie de l'histoire de l'Italie et, particulièrement, la période de la fin du XIXe siècle jusqu'à 1962… Car, c'est pratiquement l'un des derniers pays européens à avoir retrouvé son unité… », indique Sekhri. «1er novembre 1954 : déclenchement de la Guerre de libération algérienne, et en Italie ce fut l'indifférence générale. Que ce soit de la part des gouvernants italiens, des partis politiques de gauche ou du Parti communiste… Il a fallu attendre 1958 pour que l'Etat italien et le PC affirment leurs positions anticolonialistes et se proclament pour l'indépendance de l'Algérie. Durant cette année, le général de Gaulle revient au pouvoir, et ce fut une époque où les analyses des mouvements progressistes dans le monde, particulièrement la mouvance communiste, considéraient le retour de de Gaulle comme le retour du fascisme en France. Depuis cela, il y a eu beaucoup de changements dans le monde (canal de Suez, la guerre froide…), qui ont poussé beaucoup de gouvernements dans le monde à changer de positions… En Italie aussi, il y a eu une évolution dans la démocrate chrétienne et bien qu'ils avaient des engagements européens et atlantistes, les Italiens ont maintenu leur position de soutien à la cause algérienne». Des archives inédites En évoquant l'énorme soutien qu'a offert Enrico Mattei à l'Algérie, Sekhri évoque aussi un autre allié italien de taille, Pirelli. Ce résistant italien de l'extrême gauche, issu d'une grande famille bourgeoise, avait réalisé des documentaires poignants sur les conditions des combattants algériens aux frontières tunisiennes. Il s'était aussi affairé à réaliser des documentaires sur les enfants algériens qui, à travers des dessins et des mots rudes, témoignaient de leurs souffrances… Ses documentaires, qui ont eu un écho extraordinaire dans le monde, sont diffusés aujourd'hui encore dans le but de sensibiliser l'opinion publique. «On dit même que l'idée du film La bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo est de lui.». En plus du cinéma, des syndicats et des partis civils, les éditeurs ont aussi beaucoup aidé les Algériens. «Les grands textes de la Révolution algérienne ont été édités en Italie», indique Sekhri. Pour sa part, Martin Brook, premier conseiller de l'ambassade d'Italie en Algérie, dira que «des archives encore inédites et méconnues du grand public, à savoir des films et des images filmées par des Italiens en Algérie, entre autres, sont consultables à présent…».