son aide aux dirigeants de la Révolution algérienne, Mattei l'aurait payée de sa vie, lui qui voyait que le pétrole avait non seulement une importance économique mais également stratégique. Enrico Mattei est un résistant qui avait lutté pour la libération de l'Italie durant la Seconde Guerre mondiale, mais il est également ingénieur honoris causa et ancien président de l'Entreprise nationale italienne des hydrocarbures (INI). Partisan de la paix, son soutien à la cause algérienne est exceptionnel, et certains estiment que le crash de son avion, un certain 27 octobre 1962, n'est pas accidentel. Afin de rendre hommage à l'engagement d'un homme aux idées avant-gardistes, l'ambassade d'Italie en Algérie et l'Institut culturel italien à Alger, avec la collaboration de la direction générale des Archives nationales d'Algérie, l'ENI et l'ONCI, ont organisé, hier à l'hôtel El-Aurassi, à Alger, un colloque international d'une journée, placé sous le haut patronage du président de la République, portant sur la contribution de cet homme à l'indépendance de l'Algérie. Enrico Mattei a apporté une aide politique, diplomatique et même technologique à l'Algérie. Dans son allocution d'ouverture, l'ambassadeur d'Italie, Giampaolo Cantini, a déclaré que “l'Italie souhaite participer de manière effective à l'écriture d'une page de l'histoire algérienne, comme elle avait appuyé autrefois le dossier de l'Algérie dans les négociations d'évian à travers la personnalité de Mattei. Car Mattei avait aidé et conseillé les négociateurs algériens, ce qui a renforcé la position de l'Algérie.” Grâce aux pressions qu'avait exercées Mattei, notamment dans la presse, “de Gaulle a renoncé à l'idée de séparer l'Algérie du Sahara”, a signalé M. Cantini. Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, a pris part à ce colloque avec un témoignage portant sur le rapport entre Mattei et les dirigeants du GPRA dans le domaine des hydrocarbures. Peu avant les négociations de février 1962, Enrico Mattei a été “mis en relation avec les proches collaborateurs de Boussouf à l'image de son secrétaire général, Larbi Khelifa, Réda Rahal, etc., Enrico Mattei apporta son expérience et prodigua des conseils qui inspirèrent les grands axes d'une stratégie de négociations à même d'apporter à l'Algérie des solutions avantageuses pour l'exploitation des richesses pétrolières”, a-t-il souligné. Et d'ajouter : “Au cours de la reprise officielle des négociations, à partir du 11 février 1962, la surprise de la délégation française fut totale à l'argumentaire de la délégation algérienne sur ce dossier qui se résumait en six points (…) Plus que tout autre dossier, c'est celui-là qui toucha au plus profond les velléités de la partie française de conserver des intérêts majeurs dans le domaine vital de l'énergie par lequel la France visait à construire un développement économique échappant à la tutelle des multinationales.” M. Ould Kablia a conclu sa communication en rendant hommage à la bonne centaine d'Européens qui, comme Mattei, ont payé de leur vie leur soutien actif à la Révolution algérienne, tout en avançant l'argument que Mattei aurait probablement été victime d'un attentat. Selon lui, suite à l'échec des négociations, “le démon de la vengeance” se traduira “par l'élimination par les services spéciaux français à quelque temps d'intervalle, cette même année, de deux personnes, qu'ils considéraient à tort ou à raison à l'origine de leur déconvenue à savoir Salah Bouakouir, et Enrico Mattei, le conseilleur”. Bruna Bagnato, professeur d'histoire des relations internationales à l'université de Florence et spécialiste de Mattei, a présenté deux communications. La première a porté sur la stratégie de l'Italie par rapport à la guerre d'Algérie. Elle a expliqué que “la politique officielle du gouvernement était très difficile. étant un pays anticolonial, occidental et méditerranéen, l'Italie prend de la distance vis-à-vis de la France et de la Grande-Bretagne. Le gouvernement ne voulait pas miner les relations avec la France”. D'un autre côté, l'opinion publique en Italie pour la paix, et en écho au Manifeste des 121, une lettre a été adressée, en décembre 1960, au SG des Nations unies pour la paix en Algérie. Dans sa deuxième communication, Mme Bagnato a évoqué la stratégie de Mattei en Afrique du Nord et son soutien à la cause algérienne. Entamant son postulat par la célèbre citation de Mattei à propos du pétrole : “Son importance est plus stratégique qu'économique”, elle a appuyé le fait que Mattei était convaincu que c'est “le pétrole qui détermine les relations internationales”. Pour Mattei, la stratégie pétrolière du monde occidental envers les pays producteurs de pétrole devait changer. Maria Battaglia, directrice de l'Institut culturel italien, a lu la communication de Me Ali Haroun, ancien ministre des droits de l'Homme et ancien membre du Haut comité d'état, et avocat agréé à la Cour suprême, qui a porté sur le réseau de solidarité aux Algériens en Europe occidentale. De son côté, Abdelmadjid Chikhi, directeur général des Archives nationales, s'est intéressé aux ressources du Sahara algérien dans les négociations d'évian. Par ailleurs, des photographies ornent les murs du hall du niveau E de l'hôtel El-Aurassi, et une projection du long métrage l'Affaire Mattei de Francesco Rosi (Palme d'Or au Festival de Cannes 1972), devait avoir lieu, hier soir, à la salle El-Mouggar.