Bien que la loi ait prévu des sanctions pour les contrevenants et autres hors-la-loi, les choses ne semblent pas progresser, du moins pour le moment. Il suffit d'une virée dans certains quartiers de la périphérie algéroise pour se rendre compte de l'ampleur des dégâts. Constructions inachevées, défiguration esthétique et paysage urbain agressé, telle est la réalité de la périphérie d'Alger où les anciens villages ont vu l'émergence de demeures au style incompréhensible. Face à cette situation, les pouvoirs publics ont préconisé l'amélioration des sites urbanistiques. À ce titre, l'Etat a dégagé pour le dernier quinquennat près de 396 millions de dinars afin de réhabiliter tous les sites urbanistiques. Cette réhabilitation passe, cependant, par l'urgence d'engager l'opération de mise en œuvre de la déclaration de mise en conformité des constructions. Une procédure contenue dans la loi n°08-15 du 20 juillet 2008 et qui a pour objectif de fixer les procédures de mise en œuvre de la déclaration de mise en conformité des constructions. Cette loi, dont les principaux décrets d'application ont été publiés en mai 2009 dans le Journal officiel, concerne en premier lieu les constructions non achevées et conformes au permis de construire délivré, pour lesquelles de nouveaux délais peuvent être accordés après avis d'un architecte agréé. Viennent ensuite les constructions non achevées mais non conformes au permis de construire, pour lesquelles des solutions au cas par cas seront envisagées, et les bâtisses sans permis, achevées ou non, dont les propriétaires pourront solliciter une régularisation également. Les citoyens peuvent demander une régularisation de leur situation en fournissant un dossier spécifique dont les formulaires sont à retirer auprès de l'APC. Ils peuvent ainsi demander, soit un permis d'achèvement, soit un certificat de conformité, ou encore un permis de construire à titre de régularisation, ou un permis d'achèvement pour assainir leur situation vis-à-vis de la loi. Dans sa démarche, l'Etat ne veut pas brusquer les choses. En effet, en plus du délai de cinq ans accordé aux constructeurs pour terminer leurs chantiers, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Noureddine Moussa, s'est voulu rassurant en indiquant que la démolition est un recours que son département fera tout pour éviter. 1,2 million de constructions inachevées La machine pour la mise en conformité et l'achèvement des constructions étant ainsi mise en branle a été confiée aux APC. Mais les choses ne semblent pas aller dans le sens voulu. Même si l'opération n'en est qu'à ses débuts, le fait qu'on sollicite les citoyens pour une démarche volontaire fait qu'il n'y a pas grand monde qui se manifeste. À titre d'exemple, la commune de Dar El-Beïda souffre du manque d'esthétique. Même si le mètre carré dans cette ancienne ville est cédé à un prix faramineux, force est de constater que le problème ne risque pas d'être résolu dans les années à venir, puisque les propriétaires, du moins les personnes que nous avons approchées, estiment que vu la perturbation du marché du ciment et sa cherté, il est difficile de terminer les constructions dans les temps. Nombre de citoyens estiment que cette loi relative à l'achèvement des constructions ne peut être applicable, sauf si les prix des matériaux de construction sont revus à la baisse. D'ailleurs, cette commune qui compte 52 lotissements dont seulement 5 sont régularisés n'a enregistré que 16 dossiers déposés, alors que la responsable de l'urbanisme de cette commune estime entre 4 à 5 000 le nombre de constructions illicites sur le territoire de la commune. Sur les 16 dossiers, seulement 2 ont été transmis à la Duch, alors que les 14 autres ont été rejetés pour non-conformité des plans. Par ailleurs, le gros morceau que constitue le quartier d'El-Hamiz où la totalité des bâtisses construites l'ont été sans permis de construire, ne semble pas concerné par la loi n°08-15 puisque le terrain est non urbanisable. C'est dire l'ampleur du drame causé par la conjoncture difficile que le pays a traversée durant la dernière décennie, et qui a permis à des milliers d'Algériens d'ériger illicitement tout un quartier sans aucune norme architecturale. La contrainte financière ralentit la procédure Ce manque d'intérêt accordé par le citoyen à cette procédure qui pourtant lui permet d'obtenir une régularisation de sa situation et d'accéder à un acte de propriété en bonne et due forme, s'explique, selon la responsable de l'urbanisme de la commune de Dar El-Beïda, par la contrainte financière qu'induit la procédure. À ce titre, elle nous révélera qu'au début de l'opération, plus de 500 personnes se sont présentées aux services de l'APC, pensant que les frais qu'engendrera la constitution du dossier seraient assurés par l'Etat. Ces mêmes personnes espéraient également des aides financières pour l'achèvement de leur construction. Mais une fois qu'ils ont compris que c'était à eux d'assumer les frais, ils n'ont été que 16 à déposer des dossiers. Cette situation a, d'ailleurs, été enregistrée dans toutes les communes de la conscription qui compte, en plus de Dar El-Beïda, Bab-Ezzouar, Mohammadia et Bordj El-Kiffan, a-t-elle ajouté. Concernant les sanctions à l'encontre des personnes qui n'appliquent pas ce nouveau texte, la responsable dira que pour le moment l'opération n'est qu'à ses débuts. Au jour d'aujourd'hui, c'est le volet régularisation qui prime, quant au volet sanction, elle précise que la loi accorde un délai de cinq ans. Au-delà de cette échéance, les sanctions seront sévères. Pour rappel, la nouvelle loi prévoit soit une démolition, soit l'engagement d'une procédure judiciaire, soit une amende qui peut aller jusqu'à un million de dinars. La mise en conformité des constructions non achevées constitue donc une priorité pour les pouvoirs publics. Toutefois, informer le citoyen et le sensibiliser pour entamer les démarches reste fondamental pour mieux appréhender la question, d'autant que le nombre de constructions non achevées en Algérie est de l'ordre de 1,2 million. Ce qui est un chiffre alarmant.