L'universitaire Olivier Le Cour Grandmaison a souhaité, hier, que le président Emmanuel Macron passe aux actes «après sa déclaration à Alger qualifiant la colonisation de crime contre l'humanité». Lors d'un déplacement à Alger, le président de la République, Emmanuel Macron, a qualifié, alors qu'il était candidat, la colonisation de crime contre l'humanité. «Qu'il passe enfin de la parole aux actes en réitérant ses propos en France cette fois et pour l'ensemble de la période coloniale, Algérie comprise évidemment», a-t-il dit dans un entretien à l'APS. Mais il n'a pas caché son scepticisme quant à la volonté du chef d'Etat français d'aller au-delà de ses propos qui ont soulevé, rappelle-t-on, un tollé notamment auprès de la droite et de l'extrême droite et des associations anti-algériennes. «Dans un tel contexte, il est peu probable que le chef de l'Etat s'engage plus avant et il est à craindre que les déclarations du candidat Macron seront, hélas une fois encore, contredites par les actions du président Macron», a-t-il considéré, mettant par ailleurs l'incapacité des dirigeants de gauche, à l'image des ex-candidats à la présidentielle, Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon, «à prendre la juste mesure du passé colonial de la France et à en tirer les conséquences qui devraient s'imposer, à savoir la reconnaissance des crimes commis à l'époque». Toutefois, il a reconnu que c'est pour la première fois, qu'un candidat à l'élection présidentielle qualifie la colonisation de crime contre l'humanité. «Que la droite et l'extrême-droite aient été scandalisées, quoi de plus normal. Une telle réaction pavlovienne était attendue» , dira-t-il. Au sujet de la campagne qu'il mène dans laquelle il a appelé à déboulonner les statues et débaptiser les rues portant le nom du général Bugeaud, l'auteur de «L'Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies» (Fayard, 2014) a rappelé que ce «bâtisseur sanglant de la France coloniale» a commis et fait commettre des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en 1840 en Algérie. Il a cité dans ce cadre les «prétendus grands hommes» comme Jean-Baptiste Colbert (1619-1683, un des principaux ministres de Louis XIV), à l'origine de la traite des noirs, considérée aujourd'hui comme un crime contre l'humanité, et le général Thomas Robert Bugeaud (1784-1849). «Au vrai, il s'agit plutôt d'une contribution aux débats actuels en France sur la place de certaines figures historiques considérées comme des +hommes illustres+, lesquels sont intégrés au grand roman national français. A cela s'ajoute, ceci est une des conséquences, le fait que certains de ces prétendus grands hommes comme Bugeaud et Colbert, d'autres pourraient être cités, ont des statues, des rues et des avenues à leur nom», a-t-il expliqué. Il a rappelé au sujet de ces deux personnages que le premier «a commis et fait commettre» des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité au cours de la «pacification» de l'Algérie dans les années 1840, et le second est le père du Code noir de 1685, première codification de l'esclavage à l'époque du «prestigieux» Louis XIV. L'esclavage est désormais considéré en France, depuis la loi Taubira, comme un crime contre l'humanité. «Dans les deux cas, a-t-il dit, ces deux hommes sont une insulte permanente aux principes fondateurs de la République, au peuple algérien et aux luttes contre l'exploitation et l'oppression esclavagistes». A une question s'il y a lieu de réviser les manuels scolaires de l'école française au sujet de l'histoire coloniale, Olivier Le Cour Grandmaison a indiqué que, malgré l'évolution «sensible» du contenu de nombreux manuels scolaires, cette histoire reste ignorée par beaucoup de collégiens et lycéens «faute d'enseignements adéquats», mettant la responsabilité sur le gouvernement et la présidence. «Une reconnaissance officielle, par les plus hautes autorités de l'Etat, serait évidemment un signe fort, comme on dit aujourd'hui, et un encouragement à traiter de façon plus exhaustive l'histoire coloniale de la France», a-t-il estimé.