Il est militant du RCD depuis une bonne dizaine d'années. En 2009 et 2010, il était un des meneurs d'un mouvement de protestation dans la commune de Frikat, à l'extrême sud de la wilaya de Tizi Ouzou. En 2012, il a piloté la liste du RCD pour les élections locales. En 2017, son dossier est rejeté par l'administration sous prétexte d'atteinte à l'ordre public et à l'unité nationale. En apprenant que son dossier a été rejeté, M. H. est bouleversé. Il est accusé d'appartenance au MAK dans un rapport rédigé par les services de sécurité et transmis au wali. «Après le refus de mon dossier de candidature par le DRAG de Tizi Ouzou, j'ai le sentiment que je ne suis plus algérien. Alors, à quoi sert de faire ton devoir envers cette Algérie si tes droits sont bafoués ?» réagit M. H. qui nous raconte son désarroi après le rejet de sa candidature, attestant qu'il n'a aucun lien avec le mouvement séparatiste. Comme lui, des dizaines de candidats aux élections locales sont exclus de la course aux APC et APW dans les wilayas de Kabylie, comme c'est le cas de Chaâbane Benani, du PST à Tazmalt (Béjaïa). Selon son parti, ce candidat à l'APW exclu est formateur depuis 25 ans aussi bien dans le secondaire qu'au niveau de l'Université de Béjaïa, syndicaliste du CLA et militant du mouvement associatif. Même à Sétif, des candidats RCD et FFS ont été exclus pour le même motif : appartenance au MAK. «J'ai été choqué lorsque j'ai appris que j'appartenais au MAK avec lequel ne n'ai aucun lien ni ne partage aucune conviction», témoigne un autre candidat, souhaitant garder l'anonymat. Or, ces candidats qui ont été interrogés par les responsables des partis concernés ont tous attesté qu'ils remplissent les conditions d'éligibilité, n'ayant aucune relation avec le MAK, s'interrogeant sur le contenu des rapports confidentiels des services de sécurité qui les mettent dans la liste des personnes qui représentent un danger pour l'ordre public et l'unité nationale. Le hic est qu'aucune mesure n'est prise à leur encontre. Du coup, des centaines de personne menaçant l'ordre public courent librement dans les rues. La majorité de ces candidats exclus en Kabylie appartiennent au RCD et au FFS. Des dossiers d'autres candidats des autres partis, y compris du FLN et du RND, sont rejetés, mais pour d'autres raisons, liées à des démêlés avec la justice et à la gestion des anciennes Assemblées locales. Ce qui est normal et ne pose aucun problème. C'est donc ce prétexte d'atteinte à l'ordre public et à l'unité nationale qui préoccupe les candidats et leurs partis. Ces derniers dénoncent «la gestion administrative et judiciaire» des candidatures. Les juges qui ont confirmé les rejets n'ont présenté aucun argument ni document, selon ces partis, se référant juste à des rapports des services de sécurité. «Le juge a ignoré la constitution de 2016 et s'est appuyé sur une loi datant de 1983 : époque du parti unique», a dénoncé le PST. «Si le wali considère notre camarade Chaâbane Benani et les autres candidatures comme pouvant porter atteinte à l'ordre public, il devrait prendre les mesures à la hauteur de ses accusations», a ajouté le même parti dans un communiqué. Dans certains cas, comme pour le MSP, ce n'est pas l'appartenance à un mouvement séparatiste qui est reproché aux candidats exclus. Naâmane Laouer, cadre dirigeant du parti islamiste, trouve que l'argument de l'administration, à savoir atteinte à l'ordre public, est «vague». Il suffit de publier un commentaire critique sur un réseau social pour en être taxé et le tour est joué. «Nous avons plusieurs candidats exclus et malheureusement pour des raisons incompréhensibles liées à un vague argument d'atteinte à l'ordre public», nous a indiqué Naâmane Laouer. C'est même devenu un jeu d'enfants et de règlement de comptes. «Si vous voulez éliminer quelqu'un, il suffit de dire qu'il porte atteinte à l'ordre public. Sur quelle base ? On ne sait rien», a-t-il dit. Le FFS a qualifié le rejet des candidatures de ses militants d'abus de pouvoir et d'arbitraire, dénonçant l'instrumentalisation de la justice. «Le FFS condamne énergiquement ces procédés d'instrumentalisation de la justice et considère ces rejets comme une entrave purement politique qui au fond obéit à d'autres considérations et desseins inavoués», a-t-il accusé. Quant au RCD, il a condamné une «chasse aux sorcières», jugeant infondé l'argument avancé par l'administration pour rejeter les dossiers.