Perdre une grosse somme autour d'un véhicule aux faux papiers, c'est une chose, mais perdre sa liberté, brrr... «Le seul bénéficiaire du faux, c'est vous l'inculpé. Vous venez de me réaffirmer que vous aviez réuni une importante somme pour que l'on vous envoie depuis l'Europe un véhicule. Or les papiers de la voiture n'ont rien à voir avec l'auto reçue. Donc, vous saviez que ce véhicule usé, à usage limité, avait été retapé avec une peinture de pointe et donc cédé à bas prix», balance sans sourciller Nadia Amirouche, la juge qui avait certainement accordé une attention particulière à ce dossier avant d'entrer en audience. L'inculpé bafouille, il avait beau expliqué qu'il avait été floué par son «correspondant» qui s'est occupé de tout : de l'embarquement à Marseille, au port d'Alger où le dédouanement avait eu lieu. La présidente se fait plus pressante. Elle veut aller à la vérité en douceur, c'est-à-dire avec des aveux. C'est plus commode avant de prendre une grave décision conforme avec les lois en vigueur sur le faux et l'usage de faux. Durant tout le temps qu'aura duré l'interrogatoire, l'avocate attendait son tour pour défendre ce pauvre bougre qui, outre le fait d'avoir «jeté par la fenêtre» une grosse somme, est englouti jusqu'aux cheveux dans l'inculpation. L'inculpé cache visiblement quelque chose mais ne va pas au-delà des réponses aux questions précises de la magistrate. zahia Houari, la jeune représentante du ministère public, met son grain de sel : «Dites-nous inculpé, vous vivez en Algérie. N'avez-vous jamais entendu ou lu ce genre de délit évoquant la découverte de dizaines de véhicules circulant avec de faux papiers ?» L'inculpé hésite puis répond : «Je ne me mêle jamais de ce qui arrive aux autres.» Et la procureure de lâcher sous une mine radieuse : «Et voilà vous avez donc appris que ce genre d'histoires n'arrive pas qu'aux autres.» Amirouche, elle, les yeux fixés sur son dossier, tente de trouver un élément qui lui permette à travers les réponses de l'inculpé d'avancer un peu plus vers la vérité. Question après question, la présidente semble être mieux. Visiblement elle a compris ce qu'elle voulait savoir. Le délit y était. Le comment, le pourquoi étant trouvés, il ne restait plus qu'à suivre le réquisitoire de Houari qui n'allait pas tarder à s'enfoncer dans les demandes après qu'elle eut regretté ces gens cupides et voulant à tout prix avoir des cylindrées à bas prix. «Voilà où vous en êtes. Vous avez laissé dans la nature vos économies en plus des ennuis.» Six mois ferme suffiront à le pousser à plus de réflexion la prochaine fois, et le parquet espère vivement qu'il n'y aura plus de prochaine fois. La présidente demande à l'inculpé de dire le traditionnel dernier mot permis par la loi : «Je regrette d'avoir été leurré, volé, humilié, je réclame la relaxe.»Le sourire aux lèvres, Nadia Amirouche lâche : «C'est bon. Vous connaîtrez le verdict la semaine prochaine. En attendant, veuillez réfléchir la prochaine fois avant d'être alléché par les bas prix proposés.» Cette ironie de la juge était en soi un véritable prêche en direction de tous les cupides.