L'Europe des 27 se fortifie solidement face à l'immigration clandestine, considérée comme une menace pour la sécurité et la stabilité des pays du vieux continent. Et malgré une loi commune en Europe votée en 2008, donnant des droits aux «clandos», certains pays recourent à des mesures extrêmes pour se prémunir contre l'arrivée des migrants économiques. Sous la poussée de partis d'extrême droite, certains pays les plus ciblés par les candidats à l'Eldorado trompeur n'hésitent plus à faire dans le racisme primaire pour traquer l'étranger. L'étranger, c'est avant tout, l'Arabe, le musulman, le Noir et le Jaune, violant et les principes dont se targuait cette Europe de l'humanisme et les mesures communes mises en place dans la gestion de ce phénomène migratoire vieux comme le monde. L'an dernier en effet, les 27 pays de l'Union européenne s'accordaient sur l'immigration clandestine par des règles communes échafaudées pour l'expulser les migrants clandestins. Ces règles garantissent aux clandos «le respect de droits comme l'accès à des conseils juridiques». Ainsi, «les immigrants illégaux ne pourront pas être détenus plus de 18 mois avant d'être expulsés vers leur pays d'origine», dit le texte commun. Des écoliers «cueillis» par la police Les «clandos» disposent donc de «conseils juridiques gratuits, du droit de se vêtir, de se nourrir et d'avoir accès à des soins d'urgence et à un abri». Les enfants non accompagnés «ne pourront pas être expulsés». Or ces règles sont allègrement foulées au pied par la plupart des pays signataires et l'on a vu en France par exemple, des écoliers «cueillis» dans leur école, par des policiers aux ordres avant d'être renvoyés dans leurs pays d'origine, malgré la résistance d'association de défense des migrants. La loi commune européenne fait en sorte que si un pays interdit à une personne l'entrée sur son sol, la dite personne signalée est automatiquement indésirable dans tous les pays de l'union. Pourtant, les lois individuelles des pays européens vis-à-vis de l'immigration ne se ressemblent pas. Sous couvert de «ne pas avoir les moyens de faire appliquer ces droits», des pays comme la Grèce, l'Italie, l'Espagne et Malte sont leaders aujourd'hui, dans la mise en place de mesures sévères contre les clandos. Ces derniers sont détenus pour de longues périodes dans des centres où l'on ne peut même pas parquer des animaux, avant d'être renvoyés dans le pays du sud d'où ils étaient partis pour l'Eldorado. C'est que certains pays du sud ont signé des accords de réadmission. Les pays européens font le distinguo entre le migrant économique et le demandeur d'asile. Ce dernier est selon leur principe, mieux considéré. Or la réalité est tout autre. Les demandeurs d'asile ne sont pas tous acceptés et ceux qui le sont doivent passer par des filtres très sévères et surtout, patienter des années. Conditions de détention inhumaines Malgré les lois, certains pays considèrent les migrants économiques comme des criminels dangereux, alors qu'ils sont en vérité des victimes d'abord de la pauvreté, ensuite des politiques inefficaces dans leurs pays d'origine, enfin des réseaux de trafiquants. Ces pauvres hères sont maltraités dès leur interception en mer, sur les côtes, où pour ceux qui auront réussi à passer les mailles des filets, dans la rue. Récemment, la Commission européenne mettait en garde contre ce qu'elle a appelé «l'afflux de migrants et de réfugiés (qui) menace de déstabiliser certains pays comme la Grèce si leurs partenaires de l'Union européenne les laissent seuls face à ce problème, source de tensions sociales exploitées par les plus extrémistes». Selon le commissaire en charge de ces dossiers, Jacques Barrot, «l'Europe n'est pas solidaire et laisse certains Etats supporter tout le choc». C'est justement cette absence de solidarité qui encourage certains pays européens les plus visés par les migrants à multiplier les excès. Or ces excès se font dans le secret absolu, de peur que des ONG de défense des migrants aient vent de ce genre de dépassements. Ainsi, récemment l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s'est plainte auprès du gouvernement italien après avoir recueilli des «allégations préoccupantes selon lesquelles des immigrants clandestins interceptés en Méditerranée auraient subi des mauvais traitements». Selon des informations de presse, le HCR «a recueilli des témoignages préoccupants selon lesquels le personnel de la marine italienne aurait eu recours à la force pour transférer certains clandos interceptés sur un navire libyen. Six personnes auraient été blessées». C'est de la Libye que part le gros des migrants vers les côtes italiennes. L'Italie te la Libye ont conclu récemment un accord de réadmission. C'est monnaie courante Pour revenir aux maltraitances, «certaines plaintes ont été soulevées, affirmant que la marine italienne n'aurait pas donné de nourriture aux immigrants pendant les douze heures du transfert». En outre, «certains de leurs biens personnels, dont des documents, auraient été saisis». Ces pratiques sont monnaie courante, et les images «humaines» que montrent les télévisions des interceptions de migrants où l'on voit des policiers et autres personnels de secours aux grands soins avec eux ne sont que des vues de l'esprit destinées à soigner l'image de marque des politiques auprès des opinions publiques et électeurs. Ainsi, les politiques italiens de l'extrême droite demandent ouvertement de «tirer au canon contre les embarcations de clandestins». Récemment, un député européen britannique a proposé de couler les embarcations transportant des immigrants clandestins en pleine mer pour, selon lui, décourager les futurs prétendants. Cela n'a pas soulevé de protestations. C'est que la majorité des politiques européens, crise économique et malaise social aidant, optent pour «le pragmatisme» vis-à-vis de la question migratoire, pour ne pas perdre de l'électorat. Un exemple qui en dit long sur cet état d'esprit a été donné récemment par Jacques Barrot qui s'est dit inquiet pour les candidats à l'entrée dans l'UE, après des visites de centres de rétention en Grèce, selon la presse. Barrot a dit que «ces gens m'ont applaudi, et moi, je me suis demandé : qu'est-ce que je leur apporte ?». Il a ajouté : «Je demande à cor et à cri que la priorité soit donnée aux problèmes migratoires, mais il est difficile d'obtenir une vraie solidarité en Europe.» Autrement dit, malgré les engagements des pays à aider à accueillir les migrants pour soulager d'autres du «fardeau», chacun se barricade ouvrant la lie à tous les excès, d'autant que l'afflux des migrants reste important. Ainsi, l'an dernier, selon des chiffres qui restent à consolider, plus de 67 000 personnes ont traversé la Méditerranée pour tenter d'entrer en Europe, selon le HCR. Bien entendu, les migrants non interceptés ne font pas partie de ces statistiques. La traque a commencé C'est ce qui a fait dire à Barrot que «les flux migratoires à venir sont terribles et le danger est que l'Europe soit myope. Cette situation risque de déstabiliser des démocraties comme la Grèce dans la mesure où elle n'est pas maîtrisée». L'avertissement a été bien entendu et la Grèce a commencé la traque des clandos, y compris les demandeurs d'asile, avec des moyens musclés. Ce pays qui a intercepté en 2008 près de 147 000 clandestins, pour la plupart demandeurs d'asile, a procédé la semaine dernière à l'expulsion des migrants sans aucun avertissement préalable et à la destruction de leur camp de fortune. Selon Amnesty International, «un incendie avait fini de détruire la zone, placée près du port où les clandestins tentaient de joindre l'Italie à bord de ferries». Des images désolantes de cette descente ont été montrées à la télévision. L'Italie a réglé le problème, du moins légalement. Ainsi, la dernière loi votée dans ce pays crée le «délit d'immigration et de séjour clandestins», qui est «puni d'une amende de 5 à 10 000 euros et rend possible la dénonciation à la justice de tout immigrant en situation irrégulière». Cette loi considérée comme la plus sévère en Europe, «porte de deux à six mois la durée de rétention des immigrants dans les centres d'identification et d'accueil». Les pays européens donnant sur la Méditerranée et l'Atlantique chassent les migrants en mer, par une force appelée Frontex. Cette force a réussi à intercepter des embarcations, mais sa traque reste limitée. D'où la volonté de ces pays de la renforcer et surtout de signer des accords avec les pays du Sud, contre versement d'aides sonnantes et trébuchantes, pour les épauler contre l'afflux des desperados. C'est vrai que l'Europe se fortifie, mais l'immigration clandestine ne sera jamais éradiquée par la force et les expulsions. Seule une coopération avec les pays d'origine qui privilégie le développement est à même, à terme, de fixer chez elles ces cohortes de miséreux, à la recherche d'un ailleurs plus clément.