C'est en vertu des principes de solidarité et d'humanisme que ces réfugiés ont pu s'installer dans notre pays. Parmi les problèmes qui sont venus se greffer à la crise multidimensionnelle vécue par l'Algérie, durant plus d'une décennie, le phénomène de l'immigration clandestine africaine à destination du continent européen, n'a cessé de prendre de l'ampleur au fil des ans, dans un pays menacé par le chaos. Entre un Maroc, grand pourvoyeur de candidats potentiels à l'immigration clandestine et où les conditions de survie sont presque impossibles, et une Tunisie hermétique aux «clandos», les ressortissants du Niger, du Mali, de la Côte d'Ivoire et du Burkina Faso ont jeté leur dévolu sur une Algérie, certes malade mais, fière de sa légendaire hospitalité. Déjà bien avant l'avènement du terrorisme qui a mis notre pays à feu et à sang, c'est-à-dire au début des années 80, Tamanrasset avait commencé peu à peu a être envahie par des centaines de ressortissants, provenant essentiellement du Mali et du Niger. Ces réfugiés fuyaient la famine et la guerre. C'est donc en vertu des principes de solidarité et d'humanisme que ces réfugiés ont pu s'installer en Algérie qui leur offrait des conditions de vie assez décentes. C'est aussi grâce aux liens ethniques qui unissaient les Touaregs algériens et particulièrement ceux du Mali, que des centaines de familles maliennes fuyant la guerre mettant aux prises le pouvoir central de Bamako avec la rébellion targuie du nord, ont pu trouver refuge dans la capitale du Hoggar. Au fil des années, Gataâ El Oued s'est transformée en une immense cité cosmopolite où se côtoient plusieurs nationalités. Ghanéens, Maliens, Nigériens et à un degré moindre, Sénégalais, ont constitué les premières bases d'immigration africaine à destination d'Europe. L'Algérie est devenue grâce à ses potentialités économiques, un pays de transit, même pour les footballeurs africains en quête d'une carrière professionnelle en Europe. Depuis Tamanrasset, les candidats à l'immigration avancent par étape. La seconde étant la ville de Ghardaïa. Dans cette ville réputée pour son activité commerciale, mais aussi pour l'essor de ses petites et moyennes entreprises, les immigrants africains n'ont aucune peine à trouver un emploi qui leur permet d'amasser l'argent nécessaire pour le voyage vers l'Europe. Ce n'est qu'au milieu des années 90 que les premiers ressortissants africains ont commencé à s'aventurer vers les villes du nord du pays, à l'exception bien sûr de la capitale, où ils ont réussi à pénétrer le marché parallèle de la devise dès la fin des années 80. En plein milieu des «années de feu» où les forces de sécurité étaient totalement engagées dans une lutte antiterroriste sans merci, la ville de Constantine a connu un véritable bouleversement dans ses structures sociales. Des milliers de familles fuyant les douars sont venues s'y installer dans des conditions précaires. Une sorte de vie «underground» a pris forme où le maître mot est devenu le «dinar». Loin des yeux de la «houkouma», trafic de drogue et trafic de faux billets ont pris des dimensions alarmantes. Et c'est dans ce contexte que des dizaines de ressortissants africains, bénéficiant de complicités locales, se sont intégrés dans le but de ramasser le maximum d'argent en un temps record. Bénéficiant également de soutiens dans le domaine de l'hébergement dans des hôtels de seconde zone, des dizaines de ressortissants du Niger, du Burkina Faso et du Mali ont d'abord investi les petits métiers, de cordonniers par exemple, pour sauver l'apparence d'une présence légale sur le sol algérien. En arrière-plan, il y a le grand trafic bien pris en charge par les milieux de la pègre algérienne, en contrepartie. Devant la démission de la population et de la société civile, le milieu n'a trouvé aucune peine à intégrer certains éléments prédisposés à s'investir dans le trafic en tous genres, dans ses réseaux le deal: accomplir la sale besogne de falsification des billets de banque contre l'assurance d'une protection et d'une aide éventuelle à rejoindre l'autre rive de la Méditerranée. Un deal que les services de sécurités algériens sont appelés à briser avant qu'il ne soit trop tard. C'est ainsi que plusieurs arrestations ont été effectuées, ces derniers temps. Comparée à l'année 2003 où les services de sécurité chargés de la lutte contre l'immigration clandestine à Constantine ont intercepté 75 personnes de différentes nationalités, l'année 2004 enregistre un nombre plus important. Les deux dernières arrestations remontent à quelques jours seulement. Un Malien a été appréhendé au moment même où il tentait d'écouler de faux billets de 1000 DA. Il pratiquait ce trafic avec de fausses pièces d'identité. Un groupe de sept autres étrangers composé de six Maliens et un Nigérian, hébergés au quartier populaire de Boudraâ Salah ont été arrêtés et présentés devant le procureur général près la cour de Constantine. Toutes nos tentatives d'approche afin de discuter avec ces étrangers ont été vaines. Parfois, ils sont même agressifs. Une attitude par laquelle ils refusent toute communication. Un seul d'ailleurs a accepté de placer quelques mots. La quarantaine, d'origine malienne, il est en Algérie depuis quelques années. Il a réussi à trouver refuge et un petit métier traditionnel pour s'assurer une vie plus ou moins décente, mais refuse toutefois de décliner son identité. «Les mauvaises conditions de vie, la misère, la famine et l'instabilité politique de mon pays, m'ont poussé à fuir. Les gens sont plus humains ici, je suis là de manière légale.» C'est tout ce que nous avons pu apprendre de cet homme. Ce qui inquiètent au plus haut point les services de sécurité ce sont l'ampleur de cette immigration clandestine et ses effets sur la santé publique. Le phénomène cause en plus des dommages importants à l'ordre social et économique. Il a donné naissance à un réseau spécialisé dans le transfert et le passage des candidats à l'immigration à partir de l'Afrique. Cette activité met à rude épreuve les pays de transit ainsi que les pays d'accueil. En effet, le coût de la prise en charge des immigrants clandestins sur le plan socio-économique et le coût de l'opération de rapatriement s'avèrent extrêmement importants. La lutte contre ce phénomène représente a elle seule 12% des activités des services de sécurité. Plus de 229 affaires ont été traitées depuis 2003. On peut dire que l'Algérie est devenue une plaque tournante de l'immigration clandestine vers l'Europe. L'ouverture politique et économique du pays semble un atout privilégié par les ressortissants africains, sachant qu'ils sont sûrs d'y trouver au moins de quoi subsister, avant de tenter de traverser la Méditerranée.