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Américains et Français inquiets pour leurs intérêts
Face aux succès de la coopération sino-africaine
Publié dans Le Temps d'Algérie le 12 - 08 - 2009

Alors que le partenariat sino-africain connaît des succès dans tous les domaines depuis quelques années, matérialisé par le pragmatisme chinois favorisant une coopération «gagnant-gagnant», les traditionnels exploiteurs des richesses du continent noir, inquiets pour leurs intérêts s'agitent dans l'objectif de lui faire échec.
La campagne politoco-médiatique antichinoise lancée depuis 2000, année où la Chine et l'Afrique ont inauguré un sommet triennal réunissant les chefs d'Etat, pour mettre en place une stratégie partenariale basée sur le développement, se poursuit avec davantage de virulence.
C'est que la percée de la Chine en Afrique que les Occidentaux considèrent comme leur pré-carré et zone d'influence traditionnelle, a mis l'empire du milieu dans le collimateur des Occidentaux dont les pratiques encourageant les divisions internes en Afrique, ne sont plus acceptées par les nouvelles générations et les nouvelles élites politiques. Le partenariat sino-africain qui se renforce à travers les sommets de haut niveau qui se tiennent tous les trois ans alternativement en Chine et en Afrique, va bien et se fait d'égale à égale.
Au cours du dernier sommet qui s'est tenu en 2006, à Pékin, en présence des dirigeants de 48 pays africains, les dirigeants chinois avaient décidé de mesures jamais jusqu'alors prises par les anciens «maîtres» autoproclamés de l'Afrique, notamment la France et les Etats-Unis.
En effet, ce sommet qui avait pris un tournant remarqué dans les rapports économiques et commerciaux mais aussi socioculturels entre les deux parties, avait donné lieu à l'adoption d'un plan d'action ambitieux qui court jusqu'à 2009 et qui resserre encore plus les liens sino-africains.
C'est ainsi que Pékin avait décidé de doubler son aide aux pays africains pauvres, d'accorder 3 milliards de dollars de prêts préférentiels et 2 milliards de dollars de crédits préférentiels à l'Afrique dans les 3 prochaines années, créer un fonds spécial de 5 milliards de dollars pour encourager les entreprises chinoises à investir en Afrique et à annuler la dette des pays africains pauvres et surendettés ayant des relations diplomatiques avec la Chine.
Confucius
Pékin avait aussi résolu d'ouvrir plus d'instituts Confucius en Afrique pour «favoriser l'enseignement du chinois sur le continent» et parallèlement encouragé l'enseignement des langues africaines dans des écoles chinoises, conformément aux besoins et aux souhaits des pays africains. Et ces engagements ont été tenus ! Les officiels chinois, dont le président Hu Jintao, effectuent depuis de fréquentes visites dans les capitales africaines sans faire dans la sélectivité comme le font les dirigeants occidentaux pour matérialiser sur le terrain des accords bilatéraux dans l'esprit des engagements chinois.
Aujourd'hui, la Chine a, notamment, exempté de droits de douanes les exportations de matières premières de 28 pays africains les moins développés et annulé, ces dernières années, les dettes de 31 nations du continent pour un montant de 1,36 milliard de dollars. Le sommet sino-africain prévu en Egypte à la fin de 2009, fera le point sur les avancées enregistrées dans le partenariat stratégique entre les deux parties.
C'est ce qui a fait dire au patron des Nations unies que le sommet de Pékin était «une occasion historique pour la Chine et l'Afrique de partager les idées et de faire avancer la coopération Sud-Sud». Puissance économique dont le taux de croissance annuel fait des envieux dans le monde occidental aujourd'hui. La Chine est liée d'amitié sincère avec les pays du continent noir. Il faut rappeler que ce sont les pays africains qui avaient obtenu la réintégration de la Chine au sein des Nations unies, lorsqu'elle a été exclue, en raison de l'affaire de Taïwan, ce que ce grand pays n'a jamais oublié. Pour jeter des doses de suspicion sur la coopération gagnant-gagnant initiée entre les deux ensembles, les Occidentaux reprochent à Pékin de n'être pas, comme eux, regardante sur la démocratie et les droits de l'homme en Afrique et la nature des régimes en place.
Les Chinois, qui n'ont jamais fait de guerre à un autre pays, ont pour principe de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de leurs partenaires. Pékin répond ainsi à l'hypocrisie des puissances occidentales dont on connaît fort bien, de quelle manière elles pillent les richesses des peuples africains, parfois à coups de coups d'Etat téléguidés depuis Paris et Washington.
France-à-fric
Tout le monde connaît en effet, le concept paternaliste inventé en 1955, la «Françafrique» que d'aucuns appellent non sans pertinence et humour, «France-à-fric», et par lequel l'ancienne puissance coloniale, la France, perpétue sa domination sur près de la moitié des pays du continent qu'elle considère éhontément comme de simples régions de l'Hexagone. Aujourd'hui, il est des ONG, comme l'association Survie, qui militent contre la corruption qui règne au sein de cette «Françafrique», définie, fort à propos, comme un «système mis en place au lendemain des indépendances pour prolonger la colonisation de l'Afrique».
La meilleure preuve en est cette éculée mais toujours en vie, perversion appelé la «zone franc», qui ôte toute souveraineté aux 14 pays africains, ex-colonies françaises, et dont les réserves de change sont domiciliées à Paris. C'est ainsi que par des accords militaires, économiques et financiers douteux, favorisant grandement des entreprises françaises au détriment des peuples africains concernés, ces pays sont restés plus d'un demi-siècle après leurs supposées indépendances parmi les plus pauvres du monde, pendant que les groupes français se gavaient de leurs richesses.
C'est cette triste réalité qui motive les griefs portés contre l'incursion de la Chine dans le continent noir, accusée de courir derrière les matières premières et d'autres maux totalement faux. On a même inventé le concept de «Chinafrique» , en guise de contrepoids qui ne tient pas du tout la route. Pour étayer leurs accusations, les dirigeants français, et avec l'accession au pouvoir du président Nicolas Sarkozy, ont promis de rompre avec la Françafrique et les pratiques de ses prédécesseurs. Or, selon l'association Survie, «nous assistons non seulement à une perpétuation de cette politique mais à son regain caractérisé par une défense affichée et revendiquée des intérêts français en Afrique :
ventes d'armes, prolifération irresponsable du nucléaire, conquête de nouveaux marchés par Total, Bolloré, Areva, Bouygues (et bien d'autres) en Angola, au Soudan, au Congo, etc». L'an dernier, le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, s'est trahi en déclarant : «L'implantation des entreprises françaises en Afrique est l'une de mes priorités», affirmant sans fioritures qu' «on veut aider les Africains, mais il faut que cela nous rapporte».
Les Etats-Unis s'intéressent au continent noir, eux aussi, pour y puiser ses matières premières dont l'or noir, et pour cela, ils sont prêts à tout. Eux également, parlaient d'aider l'Afrique, mais ne cessent jusqu'à aujourd'hui de donner des leçons aux Africains, sur la démocratie, les droits de l'homme et autres «civilités» occidentales. Le pays de l'oncle Sam qui se partage les zones d'influences avec la France, notamment, s'intéresse surtout aux pays anglophones.
Envolées lyriques
Du reste, rien qu'à voir les capitales que visitent les hauts dirigeants américains, il est aisé de comprendre cette «division de travail» entre puissances. Partout où ils se rendent, les dirigeants américains se gargarisent d'envolées lyriques sur ces concepts, lancent des promesses qu'ils ne tiennent pas le plus souvent. Simple exemple, la loi sur la Croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA), mise en place par les Etats-Unis, pour stimuler les échanges avec l'Afrique, reste un outil permettant au gendarme du monde d'acquérir le plus gros de ses importations en matières premières notamment le pétrole au lieu des produits agricoles et autres marchandises africaines manufacturières.
C'est un responsable américain qui le dit. Il s'appelle Ron Kirk et est chargé des négociations commerciales internationales, qui estime que «sur les 6 500 produits inscrits dans l'AGOA, l'Afrique n'exporte que 65 produits à ce jour», relevant que «cela montre qu'il y a un grand effort de diversification à faire dans les produits envoyés vers les Etats-Unis».
Pour cela, il faudrait que son pays lève les subventions agricoles pour permettre aux produits africains de pénétrer le marché américain sans perte. Les beaux discours ne nourrissent pas. La dernière descente du pourtant, premier président américain d'extraction africaine, Barack Obama, en est le parangon. Au Ghana, il a péroré cela : «Les nations riches doivent ouvrir leurs portes aux produits et services venant de l'Afrique de manière significative. Cela sera un engagement de mon administration.
Et là où il y a de la bonne gouvernance, nous pouvons accélérer la prospérité à travers des partenariats public-privé qui permettent des investissements dans de meilleures routes et dans l'électricité, dans le renforcement des capacités et la formation à l'entreprenariat, dans les services financiers qui ne s'arrêtent pas aux villes mais aussi aux zones pauvres et rurales. C'est aussi notre propre intérêt – parce que si des personnes sortent de la pauvreté et si de la richesse est créée en Afrique, de nouveaux marchés s'ouvrent pour nos propres produits. Donc, c'est mutuellement profitable.»
Obama dispose d'un état de grâce lui qui a parlé comme les Chinois de partenariat «gagnant-gagnant», avant d'être jugé. Du reste, il vient d'envoyer sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton dans 7 pays sélectionnés… sur la base de leurs richesses naturelles, y incluant un pays francophone, la République démocratique du Congo et un autre lusophone l'Angola.
Tout un chacun voit en cette tournée de Clinton, riposte à la percée de la Chine dans ces pays. Pour camoufler ce choix, la Maison-Blanche a opté pour les pays représentant quatre sous-régions définies par les Nations unis, à savoir l'Afrique australe, Afrique de l'Est, Afrique centrale et Afrique de l'Ouest. Il s'agit respectivement de l'Afrique du Sud, du Kenya, de la RDC et du Nigeria.
Il a été ajouté l'Angola, qui fournit 7% du pétrole acheté par les Etats-Unis. Selon un confrère congolais, «la RDC, qui est en phase de redémarrage, n'est pas sans atouts. Les grandes entreprises américaines sont intéressées par les ressources naturelles de la RDC, en commençant par les produits miniers». Et d'ajouter : «Je vous laisse prendre autant de tonnes de mon cuivre, et en retour, vous construisez X écoles, X hôpitaux et X kilomètres de routes.
Le partenariat traditionnel avec l'Europe a toujours été très flou. On parle souvent d'aide au développement, de dons, mais nous savons tous que ces relations laissent l'avantage au parrain. Je suis certain qu'il y en a pour qui le sous-développement africain est un fonds de commerce. Il faut bien un terrain pour recevoir les «experts» européens, sans emploi chez eux, mais patrons sur le continent noir.
Un pays comme le mien n'a pas besoin de don !
Il suffit que nous vendions nos biens ou que nous fassions du troc si cela est nécessaire pour drainer assez de revenus pour subvenir à nos besoins. Nos ‘'bienfaiteurs'' soutiennent nos dictateurs quand ça les arrange et prêtent main forte à une rébellion quand cela va dans le sens de leurs intérêts. Et puis une dernière chose : Comme tout le monde, l'Afrique a le droit de se planter. Si ce partenariat (…) avec la Chine ne porte pas de fruits, nous aurons au moins essayé», écrit-il. Il faut donc que les Africains se réveillent de leur longue hibernation pour se prendre en charge par eux-mêmes.


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