On peut le constater dans quasiment tous les aspects de la vie économique et sociale : le mois de Ramadhan impose des rythmes et des comportements en contraste net, pour ne pas dire violent, avec le mode de vie du reste de l'année. Et, au train où vont les choses, aucun argument ne peut faire changer les choses, surtout pas l'argument économique, qui, déjà, a eu bien du mal pendant des décennies à se faire prévaloir sur l'ancien week-end. Et, encore, n'a-t-il prévalu qu'à moitié sans que cela soit sûr qu'il ait gagné au change. Comme on sait que les hôtels, les restaurants et autres lieux publics, surtout ceux situés en zone balnéaire, font leur meilleur chiffre d'affaires durant la saison estivale, que se passe-t-il quand le Ramadhan intervient en pleine haute saison, comme l'année en cours ? Pour le savoir, nous avons fait une tournée à Zéralda, Sidi Fredj et El Djamila (ex-La Madrague). Par rapport juste à la journée de la veille du Ramadhan, le contraste est saisissant. Autant il y avait foule, bruit et senteurs diverses, autant c'était le calme plat, comme d'ailleurs la mer de ce deuxième jour de Ramadhan. D'abord, à presque midi, il n'y avait presque pas d'établissements ouverts, et même en dehors des complexes et des lieux de villégiature. Nous allons directement à l'hôtel Mazafran, rebaptisé Safir depuis qu'il a été racheté par des Koweïtiens ou qu'ils ont simplement pris des parts dans le capital. Le hall de l'hôtel est à l'image de l'ensemble du complexe : vide et morne, si ce n'est la sempiternelle réceptionniste et les non moins sempiternels agents de sécurité. Nous demandons à voir un responsable pour nous dire comment fonctionne l'hôtel durant cette période de baisse drastique de la clientèle. Tout le monde était en réunion, et la réceptionniste nous demande de patienter. D'accord, mais est-ce que l'on a diminué les prix et le restaurant fonctionne-t-il à midi ? lui demandons-nous. Animation imprévue : une manifestation d'ouvriers licenciés Elle n'a pas le temps de répondre car un brouhaha vient d'éclater devant la porte de l'hôte qui se trouve faire face au bâtiment de l'entreprise de gestion du centre touristique de Zéralda. Nous sortons pour voir, réflexe de journaliste oblige. Un groupe de personnes, portraits du président de la République et drapeaux algériens déployés, s'égosillait devant le siège de l'EGCT et il était impossible de comprendre de quoi il retournait. Renseignement pris auprès des manifestants, il s'agissait d'environ 70 travailleurs employés durant plusieurs années dans l'entreprise en question et qui auraient été mis à la porte le premier jour de Ramadhan. Nous n'avons pas pu avoir le point de vue de leur administration, eux qui nous ont affirmé avoir informé Cherif Rahmani, ministre de l'Environnement et du Tourisme, pour se plaindre de leur directeur. Nous reviendrons donc sur cette affaire dans laquelle, à ce que nous avons compris, la revendication des manifestants est de reprendre leur travail tout en dénigrant le niveau de leurs salaires. De retour à la réception, nous obtenons, comme n'importe quel client, la réponse à nos deux questions, à savoir que les prix ont été aménagés pour la période de Ramadhan, et que oui, on sert à manger à midi, mais uniquement pour les étrangers, et de surcroît, dans leur chambre, le restaurant étant officiellement en réfection. Autrement dit, les dirigeants de l'hôtel s'attendent à l'absence d'une clientèle pouvant justifier l'ouverture du restaurant. Même topo et même ambiance de déshérence à l'hôtel Riadh de Sidi Fredj, et mêmes prises de décisions : baisse des prix, et pas de services à midi, sauf à être chrétien, et de plus chrétien non arabe, nous a-t-on affirmé à la réception. Pourtant, le Riadh appartiendrait à des Libanais, et que l'on sache ils n'ont pas de complexe de confession. Juste par acquis de conscience, car nous savions que les hôtels 5 étoiles fonctionnent à la mode universelle, nous avons fait une brève visite au hall de réception de l'hôtel Sheraton. C'était animé et visiblement tous les services, y compris le bar, fonctionnaient comme d'habitude et vis-à-vis de toute la clientèle présente, sans distinction d'aucune sorte. Et quels que soient les esprits chagrins et intolérants, c'est cela aussi l'Algérie !