Si le mois de mars est considéré à juste titre le mois des héros tombés au Champ d'honneur comme Ben M'hidi, Lotfi et tant d'autres, le mois d'août c'est celui des grandes actions engagées par le FLN. Le 20 août 1955, c'est la grande offensive par l'ALN dans le Nord constantinois sous la direction de Zighout Youcef, stratège de la guérilla pour desserrer l'étau sur la zone I de l'Aurès -Nememchas - qui subissait le génocide et la terre brûlée par l'armée française. Pour immortaliser cette grande action militaire de l'ALN, un premier congrès du FLN fut organisé le 20 août 1956 dans la vallée de la Soummam pour assurer l'unité d'organisation et d'action de la révolution, en la dotant d'une doctrine, d'une part, et d'institutions pour la direction et la conduite de la guerre contre le colonialisme français, d'autre part. De l'autre côté de la Méditerranée, en France, l'émigration, sur décision du CCE, ouvre un deuxième front le 25 août 1958. Cette date historique étant occultée, il est temps aujourd'hui de la réhabiliter dans la mémoire de la nation. La France malgré les forces de répression pléthoriques qu'elle a mobilisées sur son territoire, n'a jamais réussi à mettre hors d'état de nuire le FLN, bien implanté et surtout bien organisé selon les méthodes révolutionnaires de la guérilla urbaine. Le 25 août 1958 nous ramène au cœur de cette offensive et nous replonge dans l'histoire glorieuse de l'épopée de l'émigration au cœur de la puissance coloniale. La journée du 25 août 1958, intervenant le jour de l'anniversaire de la libération de Paris occupée par les Nazis, est une journée historique qui ébranla les fondements du système colonial français. Plus de 50 ans nous séparent de cette date historique qui nous rappelle l'ouverture du 2e front de guerre décidé par le Comité de coordination et d'exécution «CCE» contre les objectifs stratégiques, militaires et économiques français sur son propre sol. Cette journée historique rentre dans le cadre des objectifs stratégiques de la Révolution algérienne où pour la première fois dans l'histoire de la Révolution, en France, le FLN ordonne à ses commandos de l'OS de sortir de la clandestinité en attaquant de «front, à visage découvert», les forces de la répression et les objectifs fondamentaux du colonianisme, sur son propre territoire, dans ses villes et en plein cœur de sa capitale , Paris, pseudo-bastion des Droits de l'Homme. Aussi et surtout ce «25 août 1958» doit nous rappeler qu'après l'arrivée du général de Gaulle porté au pouvoir à la suite du coup d'Etat militaire et anticonstitutionnel le 13 mai 1958 , celui-ci devait donner «mandat» à l'armée française de «détruire la rébellion» par la mobilisation de 80 000 soldats supplémentaires, d'une part et l'annonce du referendum constitutionnel pour le 28 septembre 1958 d'autre part. Pour l'Algérie, ce referendum s'étale sur trois (03) jours, du 26 au 28 septembre 1958. A l'annonce de ce referendum, le FLN le dénonce avec force en alertant l'opinion internationale sur l'illégitimité d'une telle opération et lance au peuple algérien le mot d'ordre «d'abstention», sachant que ce vote sera truqué du fait que le «truquage» est ancré dans les mœurs du système politique français, depuis son inauguration par le sinistre gouverneur général de l'Algérie le socialiste Edmond Naegelen, après la Seconde Guerre mondiale. A ce sujet, le FLN, par le biais du journal El Moudjahid n° 29 du 17 septembre 1958, déclare : «Le général de Gaulle et les comités de salut public ont décidé de faire voter les Algériens dans le cadre de la Constitution française». Depuis plusieurs semaines, le FLN a dénoncé cette opération et indiqué que les ultras d'Alger entendaient utiliser trois millions de voix algériennes pour assurer leur triomphe en France pour cette «opération Referendum». Le CCE attire l'attention de l'opinion française sur le caractère strictement stratégique de notre combat, «le choix des objectifs et des méthodes démontrent notre désir d'épargner les populations civiles». Devant l'entêtement de la France d'envoyer 200 000 soldats supplémentaires exigés par les généraux d'Alger, (ce qui est considérable) en vue de renforcer le plan d'extermination du peuple algérien et d'imposer par la force le referendum du 28 septembre 1958, le FLN ordonne à ses commandos de l'OS bien entraînés pour la guérilla et spécialisés pour les actions de sabotage à l'explosif, de porter la guerre en France, par l'ouverture d'un 2e front en s'attaquant aux objectifs stratégiques et aux réserves de carburant et ce, à la veille de la session de l'Assemblée générale de L'ONU qui doit discuter du problème algérien pour la 4e année consécutive. Selon les plans conçus secrètement par le FLN, plus de 280 attaques ou sabotages ont été réalisés par les commandos de l'OS qui ont reçu une formation et un entraînement paramilitaires spécialisés à l'étranger surtout dans le Nord du Maroc, grâce aux services logistiques du MALG, du regretté frère Abdelhafidh Boussouf (si Mabrouk). Dans un communiqué du 31.08.58, le CCE déclare à ce sujet : «Il faut détruire les réserves de carburant destinées à l'aviation ennemie en sabotant le pétrole en France». C'est ainsi qu'il y a eu le sabordage des réserves de pétrole de Mourepiane à Marseille, à Rouen, Gennevilliers et dans d'autres villes françaises. Le CCE veut réaffirmer la volonté du FLN de rendre infructueux tout investissement tendant à l'exploitation des richesses de l'Algérie (y compris le Sahara) sans l'accord de l'Algérie indépendante). A ces actions de sabotage par les commandos de l'OS, une répression policière sans précédent et d'une extrême férocité devait s'abattre sur l'émigration algérienne, avec son cortège de morts, de blessés et où la torture était institutionnalisée comme procédé de gouvernement dans toute la France. Cette situation oblige le gouvernement français à instaurer le couvre-feu pour les Algériens à partir du 27 août dans le département de la Seine, le 3 septembre dans la région du Rhône et le 4 septembre en Seine et Oise. Le peuple français découvre pour la première fois une guerre inconnue sur son territoire et les horreurs de la répression policière à la suite de rafles et arrestations. Cette prise de conscience du peuple français lui rappelle l'occupation allemande et les violations des droits de l'Homme. La torture est tellement banalisée qu'elle est pratiquée partout et à ciel ouvert dans les commissariats de police ou dans les brigades de CRS, et dans les camps des SAS des harkis armés et fraîchement installés dans les grandes villes de France, surtout à Paris. Devant cette furie portant atteinte à la personnalité humaine commise par les forces de répression, un mouvement de sympathie envers les Algériens commençait à prendre forme au sein du peuple français en général et de Mouvements de la Gauche démocratique, en particulier chez les militants anticolonialistes. Ainsi furent organisés, structurés et renforcés les premiers comités de soutien à la Révolution algérienne par les militants de la Gauche démocratique et milieux ecclésiastiques dont le fameux «Réseau Janson». En témoignage à cette aide désintéressée pour la révolution, l'Algérie réitère à ses amis français et européens démocrates, sa reconnaissance fraternelle. Cette aide sera inscrite en lettres indélébiles dans les livres de l'histoire de l'Algérie. Pour contenir le millier de personnes arrêtées, La France allait ouvrir pour la première fois les anciens lieux de détention qu'utilisaient les Allemands durant la 2e Guerre mondiale pour les prisonniers français : camp de Vincennes, gymnaste, Vel d'Hiv, Coubertin, La Villette, Larzac, Saint Maurice l'Ardoise etc. Le bilan «macabre», truqué par les services de police, ne reflétait pas la réalité des faits tels qu'ils se sont déroulés. Il n'en demeure pas moins, que durant un mois l'on a recensé 56 actes de sabotages, 242 attaques contre 210 objectifs stratégiques visés par les commandos de l'OS du FLN sur l'ensemble de la France et dans sa capitale, Paris. Ces actions de sabotage ont fait 82 morts et 188 blessés (cf journal Le Monde des 26, 27, 28, 29 et 30 août 1958). L'annexe relate les actions de sabotage opérées par les groupes de l'OS. Malgré la répression qui suivit la journée du 25 août 1958, l'émigration, par ses actions de résistance sur le sol français, a réussi à sensibiliser l'opinion française et internationale en donnant à la Révolution algérienne un caractère universel en détruisant le mythe de «L'Algérie française». Si le 25 août 1958 a constitué dans la vie politique de l'émigration une importante étape historique, elle n'est cependant pas la seule : d'autres actions ont été accomplies selon l'orientation et les objectifs arrêtés par la direction de la Révolution pour les missions dévolues à la Fédération du FLN en France. En reconnaissance à ses précieuses contributions, notamment financières (50% du budget de guerre) et ses grands sacrifices, la charte de la Soummam sublime l'émigration en termes très élogieux : « …La population algérienne émigrée en France est un capital précieux en raison de son importance numérique, de son caractère jeune et combatif - de son potentiel politique». «La tâche du FLN est d'autant plus importante pour mobiliser la totalité de ses forces qu'elle nécessite en même temps la lutte à outrance contre les tentatives de survivance du messalisme ...» « … La Fédération du FLN dont la direction est aujourd'hui renforcée à Paris à une tâche politique de premier plan pour annuler l'effet négatif de la répression réactionnaire et colonialiste : - contacts politiques avec les organisations, Mouvements et comités contre la guerre coloniale ; - presse, meetings, manifestations et grèves contre le départ des soldats, la manutention et le transport du matériel de guerre ;- soutien financier par la solidarité aux combattants de la liberté». L'importance de la mission globale confiée à l'émigration par la révolution doit inciter tous les responsables de l'Etat à reconnaître les sacrifices et la contribution consentis par nos frères qui ont combattu courageusement le colonialisme sur son propre territoire en accordant à la journée du 25 août 1958, le statut de journée «Nationale ou Historique». En effet, après 50 ans, une fois de plus, les pouvoirs publics sont interpellés pour rendre justice aux énormes sacrifices consentis par notre émigration qui est restée fidèle et solidaire avec la mère patrie. Pour cela, il y a lieu de rappeler encore une fois que la mobilisation de l'émigration fut effective et totale, ce qui lui a permis de remporter de grandes victoires sur les forces du mal, malgré les arrestations, brimades, tortures, etc. La première remarque qui s'impose, un demi-siècle après c'est que l'émigration est restée fidèle aux idéaux révolutionnaires qui l'ont guidée et aux principes du militantisme intransigeant qui l'ont formée : école du militantisme, du Mouvement national depuis l'Emir Khaled en passant par (LENA et MTLD), pépinière de cadres compétents et dévoués envers la patrie, malgré le déracinement et la double exploitation colonialiste et capitaliste, la wilaya 7 est la fierté de la Révolution algérienne, à l'instar des autres wilayate historiques du pays. Partie intégrante de la nation, son rôle d'avant-garde qu'elle a pleinement joué et assumé avec courage sur le sol français, a été déterminent pour la consolidation et le succès de la Révolution. Cet objectif n'a été possible que grâce au modèle d'organisation dynamique des structures de la wilaya 7 historique qui reposent sur les principes fondamentaux suivants : la clandestinité, le cloisonnement hermétique de ses structures, la vigilance révolutionnaire, la discipline librement consentie et le sacrifice suprême pour la patrie. Ce rôle constant a eu un impact bénéfique pour les succès qu'a remportés la Révolution grâce aux énormes contributions financières consenties par l'émigration. Ici, il y a lieu de mettre en exergue le rôle éminemment positif joué par la femme algérienne, en tant que militante, agent de liaison ou détenue politique et sans omettre sa participation lors des manifestations pacifiques des 17 et 18 octobre 1961, décidées par le FLN pour briser le couvre-feu imposé par le fasciste préfet de Paris, Maurice Papon. Aujourd'hui après 47 années de recouvrement de son indépendance, l'Algérie en célébrant les deux glorieuses journées nationales du 20 août 1955, Journée nationale du moudjahid et du 20 août 1956 du 1er congrès du FLN réuni dans la vallée de la Soummam doit officialiser la journée «25 août 1958» comme journée nationale ou historique qui symbolise les sacrifices de l'émigration, après l'ouverture du 2e Front de guerre en France décidé par le CCE et conformément aux nombreuses résolutions adoptées par les moudjahidine durant plusieurs décennies. Les cadres et moudjahidine de l'association des militants de la Fédération du FLN en France (1954-1962), se sont fixé deux objectifs à court et long termes : 1- Pour le court terme : Dans un premier temps, il y a lieu d'œuvrer sans relâche pour officialiser la journée du 25 août 1958, date de l'ouverture du 2e front de guerre sur le sol français conformément à la décision du comité de coordination et d'exécution CCE de porter la guerre en France. 2- Pour le long terme : Effectuer toutes recherches et études en vue de recenser toutes les dates historiques propres à l'émigration, du Mouvement national depuis l'Emir Khaled à la Révolution du 1er Novembre 1954. Sur la base de ses recommandations, une première tentative de réhabilitation de cette journée, eut lieu le 25 août 1997 au Carré des martyrs de l'Emigration, au cimetière d'El Alia, dont les premières sépultures ont été rapatriées en 1969 lors des assises du 1er séminaire sur le 17 octobre, journée nationale de l'émigration, organisé au Club des pins, à Alger sous l'égide du président Houari Boumediene. C'est au cours de ce séminaire que le 17 octobre 1961 a été consacré officiellement Journée nationale de l'émigration. Il est bon de rappeler, qu'au cours de ce séminaire, il a été décidé d'ériger à Alger un mémorial en vue de rendre hommage et de pérenniser les martyrs de l'émigration, décision que les moudjahidine de l'ex-Fédération du FLN en France renouvellent avec force aux pouvoirs publics pour sa réalisation. L'Etat en tant que puissance publique doit rendre hommage aux martyrs de l'émigration. Une dette que l'Etat et la nation doivent assumer au nom de la mémoire. Pour conclure, il y a lieu de rappeler que cette journée du 25 août 1958, ouverture du 2e Front de guerre sur le sol français n'est pas une action spontanée ou isolée ; elle est le produit d'un long processus de maturation politique hérité du mouvement national et plongeant ses racines dans les traditions historiques de lutte du peuple algérien et dont le 1er novembre 1954 est la conséquence de la résistance du peuple algérien contre le colonialisme français et qui a débouché 7 ans et demi après à l'indépendance du pays, avec le sacrifice de un million et demi de chouhada. Les militants et cadres de l'émigration de l'ex-Fédération du FLN en France (1954-1962) demandent avec insistance au frère Mohamed Cherif Abbas, ministre des Moudjahidine et au frère Djamel Ould Abbas ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté nationale à l'étranger de concrétiser ce principe pour reconnaître la journée du 25 août ouverture du deuxième front en France comme «Journée historique» conformément à la loi n° 99-07 du 5 avril 1999 relative au moudjahid et au chahid, notamment son article 60. Nous ne comprenons pas pourquoi les pouvoirs publics hésitent encore à pérenniser nos repères historiques alors qu'en France on glorifie même les assassins de l'OAS par l'érection de stèles un peu partout en France, sans compter l'adoption de la fameuse loi du 23 février 2005 glorifiant les bienfaits de la colonisation en Afrique du Nord et surtout en Algérie que La France considère comme département, partie intégrante de La France. Prof : A. Fares, politologue, juriste de formation (01) cf notre article paru dans