Il était jeune et beau, il a fait de l'Algérie sa seconde peau pour lui dédier sa vie. 27 mars 1960-27 mars 2007, 47 ans se sont écoulés depuis la mort du chahid, le colonel Lotfi et l'Algérie commémore aujourd'hui cet anniversaire. Le mois de mars est le mois des chouhada et non des moindres. La plupart des responsables politiques et militaires sont tombés au champ d'honneur durant ce mois. Larbi Ben M'hidi, Mustapha Ben Boulaïd, Ali Boumendjel, Amirouche, Si El Haouès, Ali Mellah et la liste est longue, très longue. Placé sous le haut patronage du président de la République, l'événement qui a réuni hier quelques hauts responsables de l'Etat, nouveaux et anciens, Belaïd Abdesslem ancien chef de gouvernement, Boualem Bessaïeh, président du Conseil constitutionnel, M.Daho Ould Kablia, ministre délégué aux Collectivités locales, M.Mohamed Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine et Saïd Abadou, secrétaire général de l'ONM, l'organisation nationale des moudjahidine à qui a échu l'honneur de prononcer l'allocation d'ouverture après avoir fait retentir l'hymne national, Kassaman, à l'intérieur de l'auditorium du cercle national de l'Armée sis à Béni Messous, en présence de la fille et du fils du martyr de la guerre de Libération, le colonel Lotfi. De son vrai nom Dhine Ali, né le 7 mai 1934 à Tlemcen, le colonel Lotfi a rejoint la révolution de son propre gré et sur initiative personnelle faisant même douter les agents de liaison chargés de l'y acheminer. Cela témoigne, déjà, d'un certain trait de caractère à la personnalité bien affirmée. Son initiation et son éveil politique ont connu un parcours classique que tous les jeunes Algériens épris de justice ont reçu: les SMA, Scouts musulman algériens, véritable aiguillon du nationalisme mais aussi le Mtld, Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques. C'est donc tout naturellement que le héros national rejoint les maquis de sa région, le 17 octobre 1955. Le 17 octobre, encore une date historique. La révolution russe. Il n'est pas du tout impossible qu'elle ait été volontairement choisie par le lettré et intellectuel qu'il était. Il s'informait, lisait énormément, ne se séparait jamais de son stylo, une feuille blanche toujours à portée de main. Il notait tout ce qui était important, l'essentiel. Des dispositions certaines aux hautes fonctions de l'Etat qui étaient, il faut le reconnaître, le dernier de ses soucis. La révolution l'a pris, l'a ravi aux siens, à ses enfants ainsi qu'à son épouse. Il s'est tellement épris de la révolution qu'il en a fait sa seconde compagne, mais surtout sa préférée. «Je t'ai ôté toute illusion d'être à tes côtés, tant que durera la révolution...», a-t-il déclaré dans une lettre adressée à son épouse et lue par M.Ould Kablia. Son passage au Maroc était vécu comme un exil. L'extérieur le minait, il était impatient de revenir sur sa terre natale. «J'espère pouvoir rentrer bientôt. La seule place possible pour moi, c'est l'Algérie», confesse-t-il à son épouse. La terre des ancêtres, intolérable, insoutenable d'être loin de cette Algérie qui l'a vu naître. Sa place devait être parmi les siens, les djounoud, les maquisards, pour mener l'Algérie au but ultime: l'indépendance. A Tlemcen, il était chargé de réactiver le groupe des Fidas. Il crée le premier commando historique, harcèle les patrouilles militaires, puis s'attaque à la Manufacture des textiles de l'Ouest (MTO), ainsi qu'au mess des officiers. En avril 1956, il rejoint Boussouf, pour quelques semaines, qui le chargera de la coordination des actions au Sud, acheminement d'armes et d'hommes. Des opérations très positives qui sèmeront la panique au sein du commandement militaire français. Il détruira les dernières poches de résistance messaliste sous le commandement de Bellounis et accrochera le 3e RPC de Bigeard dans le Touat Gourara. En mai 1957, il sera promu commandant. 1958 sera l'année de sa consécration à la tête de la Wilaya V. Il sera promu colonel en juin de la même année. C'est sur le chemin du retour du Maroc et à l'appel irrésistible de la mère-patrie qu'il tombera au champ d'honneur avec quatre autres de ses compagnons, dont le commandant Si Tahar. Il n'y est pas allé par trente-six chemins. Ce n'était surtout pas l'homme des demi-mesures. Il a dédié sa vie à l'Algérie en y allant les yeux grands ouverts pour mourir jeune, beau et en héros, de surcroît. C'était le destin du colonel Lotfi. Il avait tout juste 26 ans.