A l'instar des autres villes du pays, caractérisées par leurs spécificités et leur histoire, Oran, cette belle dame de 800 ans, s'est forgé, à travers son histoire en puisant dans toutes les civilisations qu'elle a connues et subies, une identité forte et peut se vanter d'être le berceau de toutes les cultures (judaïque, berbère et arabo-musulmane). C'est par les écrits d'Ibn El Waraq que nous est parvenu le récit fondateur de la ville d'Oran. C'est ainsi que nous apprenons que la ville, en tant que cité musulmane délimitée dans l'espace, a été l'œuvre des Andalous de l'Espagne musulmane. Oran a donc été créée en l'an 290 de l'hégire, correspondant à l'an 902-903 après J.-C., par les marins andalous Mohamed Ibn Abi Aoun et Mohamed Ibn Abdoun avec l'assentiment des tribus berbères présentes dans la région dite Yfri. Oran l'Andalouse est née et devint rapidement une ville florissante en suscitant fatalement des convoitises. Elle fut d'abord au centre d'un conflit permanent entre les Omeyyades de Cordoue et les Fatimides d'Ifriqia, directement ou par tribus interposées dont les plus célèbres furent les Maghraoua, les Ifrinide, les Sanhadja ou les Azadja. En 1082, la ville passe entre les mains de Youssef Ibn Tachfin, fondateur de la dynastie des Almoravides (Mourabitoune), pour 63 ans. En 1145, l'Almohade Abdelmoumen Ibn Ali s'empare d'Oran qui vécut alors une longue période «mouahid» florissante. Cette situation de stabilité dura près d'un siècle. Oran deviendra zianide en 1228 quand elle tombe entre les mains de Yaghmorassen. Plus tard, la ville est prise par les Mérinides, et Abou El Hassan vient y résider en 1347. Il ordonna la construction d'une fortification à Mers El Kébir et probablement les donjons du Rozalcazar. Mérinide ou zianide, Oran demeurera attachée au royaume de Tlemcen, dont elle constituait le principal débouché, jusqu'à sa conquête par les Espagnols. Oran aura été aussi un important centre intellectuel en donnant naissance à des savants qui se sont installés à Cordoue et à Séville notamment. La fin de cette période vit un rayonnement culturel particulier avec la présence à Oran de Sidi El Houari (1351-1439) et son disciple Ibrahim Tazi, mort en 1463. La ville fut visitée en ce moment par Hassan El Wazan, dit Léon l'Africain, qui donne l'une des dernières descriptions de la ville avant l'arrivée des Espagnols. L'émir Abdelkader, l'étape d'Oran Evoquer le passé de la ville d'Oran ne peut se faire indépendamment de la vie de l'émir Abdelkader. Abdelkader est le troisième fils de Mohieddine, cheikh de l'ordre soufi qadiri et auteur d'un Kitab irchad elmouridin à destination des novices dans la gnose, et de Zohra, une femme cultivée, fille du cheikh Sidi Boudouma, chef d'une zaouïa assez influente de l'époque située à Hammam Bouhadjar (Ouest algérien). Il est né probablement le 6 mai ou le 6 septembre 1808 à El Guetna (les tentes), dans la région de Mascara, sur la route d'Oran. Selon les historiens français, l'émir Abdelkader fait remonter ses origines d'une part à la tribu berbère des Banou Ifren (Zénètes). D'autre part, l'émir serait un des descendants du prophète Mohammad (QSSSL). Enfant précoce, il pouvait lire et écrire dès l'âge de 5 ans, était autorisé à commenter le Coran et les traditions prophétiques à 12 ans, et deux ans plus tard porta le titre de hafiz, destiné à ceux qui savent le Coran dans son entièreté par cœur. Son éducation religieuse soufiste passe, dès huit ans, par le pèlerinage avec son père à La Mecque, puis se poursuivit chez Ahmed Bilhar, son oncle paternel, par l'étude du Coran, les principes des sciences physiques et morales, de la géométrie et de l'astronomie, la gymnastique, l'exercice du cheval et le maniement des armes. Enfin, Mohieddine envoya son fils dix-huit mois à Oran, chez Sidi Ahmed Ben Khodja, qui lui enseigna la politique. Plus tard aussi, sans perdre cette curiosité caractéristique, il conversera, avec les plus grands esprits de son époque, de Platon, Pythagore ou Aristote, et se plongera dans l'étude d'ouvrages traitant «de l'ère des califes, sur l'histoire ancienne et moderne, la philosophie, la philologie, l'astronomie, la géographie, et même des ouvrages de médecine». Il faut aussi signaler sa mémoire phénoménale grâce à laquelle, alors qu'il était en captivité, il pouvait citer les philosophes grecs et de nombreux écrits (dont la Moqaddima d'Ibn Khaldoun) sans les avoir, à proximité. En 1820 lors d'un second voyage à La Mecque et Médine, avec des pèlerins et son père Mohieddine, il passa par Alexandrie. Pendant son séjour en Egypte, Abdelkader fut frappé des changements que Méhémet Ali venait de faire à son armée et des améliorations de l'administration de ses Etats. Ce modèle qui avait permis une quasi-indépendance vis-à-vis des Ottomans comme des Anglais et des Français les frappa, lui et son père. A leur retour, ils racontèrent que d'anciennes prophéties annonçaient que Abdelkader deviendrait un jour le «sultan des Arabes». C'était se dresser contre l'institution ottomane des deys. Les populations arrivèrent en foule au douar des Hachem, où ils passaient leurs journées en prières, dans leurs tentes. Les offrandes étaient du grain, du bétail, mais aussi des chevaux, de l'or, de l'argent et des armes. Rapidement, cette mobilisation autour de la vénération qu'ils s'étaient acquise inquiéta Hassan Bey, gouverneur d'Oran. Pour mettre un terme à l'influence et à ces menées révolutionnaires, il prononça la peine de mort contre le père de Abdelkader. Or cette condamnation arriva au moment de la prise d'Alger par les Français en 1830. C'était un coup terrible à l'empire des deys et à la domination ottomane. Mohieddine, le vieux marabout, se mit alors à prêcher la «guerre sainte». L'objectif était autant l'élimination des Ottomans que la reprise d'Oran. Des milliers de musulmans accoururent et se rangèrent sous ses ordres, le gouverneur d'Oran, Hassan, en fuite, demanda asile à celui dont il avait mis la tête à prix. Le marabout allait lui offrir l'hospitalité et ses services, mais Abdelkader s'y opposa énergiquement : le bey d'Oran dut se rendre quelques jours plus tard aux troupes françaises. Mohieddine, choisi comme chef de l'insurrection, marcha avec ses troupes d'abord contre la garnison turque de Mascara, qu'il massacra sans pitié, puis il combattit courageusement les Français sous les murs d'Oran avec son fils Abdelkader qui s'y attira la réputation de baraka – il aurait été à l'abri des balles et des boulets et aurait eu deux chevaux tués sous lui. Son burnous blanc «rougi du sang des siens» fut conservé comme une relique.