Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), associé à des experts dont la pertinence de l'analyse économique n'a presque jamais été remise en cause, ont incontestablement créé l'événement au soir d'avant-hier à El Aurassi. Une rencontre à portée économique qui se distingue par cette attitude propre au FCE qui nous a habitués à s'exprimer sur les sujets de l'heure sans tabou, sans démagogie et faux-fuyants. Cette rencontre détendue, voire conviviale, à laquelle ont pris part nombre d'opérateurs économiques, des représentants d'établissements bancaires et autres organisations patronales était en outre «démocratique» eu égard au franc-parler qui a caractérisé les débats. L'ordre du jour avait trait au seul thème du devenir de l'entreprise algérienne, en particulier des Pme- pmi relevant du secteur privé, dans le cadre de la mise en application du programme quinquennal 2009-2014 où il est question de l'investissement de 150 milliards de dollars. Les interventions des uns et des autres ont aidé à décortiquer sous ses multiples facettes l'environnement économique auquel est corrélé toute entreprise active quels que soient sa dimension et son degré de compétitivité. L'ouverture du marché en Algérie a été dévoyée D'entrée, le président du FCE donne le la en affirmant sans détour que la libéralisation de l'économie algérienne a, selon lui, profité au marché informel au détriment des entreprises structurées sur lesquelles plane depuis ce revirement la menace de fermeture. L'entreprise algérienne s'essouffle, butte sur d'énormes difficultés, n'arrive plus à relever la tête et peine à conserver sa place dans la sphère économique depuis cette ouverture «dévoyée» du marché qu'elle a subie comme un choc. Le recours au marché libéral comme option économique privilégiée censée profiter prioritairement à l'émergence dans le secteur privé d'un tissu de Pme-Pmi des plus performants et au renforcement de l'outil de production nationale s'est traduit paradoxalement par l'instauration d'un «environnent malsain tuant dans l'œuf toute velléité d'entreprendre», a fait savoir M. Hamiani. Les voyants sont au rouge pour ce qui est de l'environnement de l'entreprise en Algérie et la meilleure preuve pour attester de cette lapalissade réversible serait peut-être de rappeler sa mise hors contribution dans la réalisation des multiples projets d'envergure pharaonique engagés durant le quinquennat 2005-2009. Une telle situation lamentable dans laquelle se noie l'entreprise algérienne a été hélas accentuée de manière gravissime par les dispositions contenues dans la loi de finance complémentaire 2009 qui, selon nombre d'opérateurs économiques, ont provoqué une sorte «d'asphyxie» dans leurs rapports professionnels vis-à-vis des banques et de leurs fournisseurs étrangers. Pareille décrépitude de l'outil de production national ne doit en aucun cas s'inscrire dans la durée. Nécessité d'un plan orsec en direction des entreprises D'où le cri d'alarme lancé par le FCE qui, par le biais de son président Réda Hamiani, souligne l'urgence d'actionner une sorte de plan orsec pour redonner à l'entreprise la place qui est la sienne au sein d'une sphère économique en mutation et de lui déterminer un plan d'action ambitieux dans le cadre de la mise en application du programme quinquennal 2009-2014. «On a besoin d'une stratégie de développement de qualité qui doit être directement corrélée avec le transfert des technologies», tonne sans ambages Réda Hamiani. Ce constat ainsi établi par le patron du FCE autant sur l'environnement de l'entreprise que sur la situation économique qui prévaut présentement dans le pays a été soutenu par des spécialistes de renom tels MM. Bouzidi et Mekideche qui se sont distingués en tant qu'invités de marque lors de la rencontre de lundi soir tenue à l'hôtel El Aurassi. «Notre économie est une économie de bazar qui souffre cruellement d'un manque de mécanismes de protection, ce qui a donné lieu à l'explosion des importations au grand dam de la production nationale», s'écrie M. Bouzidi aux yeux de qui il est impératif de consacrer «10 à 20% des marchés publics aux entreprises nationales». Mustapha Mekideche, l'autre expert invité par le FCE à assister à la rencontre consacrée au devenir de l'entreprise, a développé une approche plus scientifique pour faire le diagnostic de notre économie nationale. Se faisant, l'intervenant s'est référé aux différents classements faits par des organismes étrangers sur la situation économique qui prévaut en Algérie. Toujours selon lui, il ressort de ces classements que «l'Algérie est mauvaise dans le choix de ces institutions, tout comme le sont les relations de notre pays qui est classé 49 en la matière». Le débat étant ouvert, quelques intervenants, à l'image d'un gérant d'une entreprise de production d'aluminium à M'sila, confirme la véracité de ces classements faisant part des contraintes qu'il affronte au quotidien. Contraintes qui ont pour nom la bureaucratie, le mauvais accompagnement assuré par les banques et la concurrence déloyale. «Nous sommes laminés face à une concurrence rude des opérateurs étrangers vu le manque criant des mécanismes de protection de l'économie nationale», s'écrit le jeune patron de M'Sila. Cela dit, quand bien même la situation de l'entreprise algérienne est critique, il reste que sa remise sur de bonnes rails ne manque pas de réalisme vu que le pays dispose des ressources nécessaires pour le faire et qu'il ne lui manque que «le déclic», affirme M. Bouzidi pour aborder une véritable restructuration de notre économie où l'entreprise nationale saura occuper le rôle de pivot. Un tel objectif ne sera pas atteint sans l'implication vigoureuse de l'Etat. «Le rôle de l'Etat est déterminant. C'est lui qui doit impulser les investissements étrangers, réguler le marché via une lutte féroce contre l'informel et enclencher un processus de formation continu au profit des entreprises», conclut l'expert Mekideche.