La ville de Draâ El Mizan se vide peu à peu juste après la prière des taraouih. Une réalité que regrettent les citoyens avides de soirées conviviales et discussions entre amis. Cet état de fait a engendré un changement dans les comportements et les habitudes quotidiennes pendant ce mois de piété. Les soirées ramadhanesques sont moroses en l'absence de toute activité à même de faire oublier aux jeûneurs la rudesse des journées. Les pères de famille d'une manière générale préfèrent veiller devant la télévision à la maison. La monotonie des soirées a obligé les jeunes et moins jeunes à rester à la maison coincés devant un PC ou à zapper sur les centaines de chaînes de télévision présentes sur «le numérique». Les cybercafés ne désemplissent pas. Les sites de socialisation et les salons de discussion séduisent de plus en plus les jeunes. C'est leur lieu de prédilection et une fenêtre qui leur permet de jeter un regard sur le monde extérieur sans voyager. La ville au rythme du ramadhan En l'absence totale de lieux de rencontres destinés aux jeunes, la ville s'anime d'une manière sporadique et éphémère. Pas de galas, pas de concours artistiques et rien n'est programmé par les services concernés pour redorer le blason de la culture. Les cafés sis dans les quartiers les plus denses et le centre-ville restent les lieux les plus prisés durant les nuits de ce ramadhan. Les cafés ne ferment que tard dans la nuit, les jeunes sont plus nombreux à discuter ces derniers jours du football algérien et la qualification de l'EN au Mondial. C'est un sujet qui revient sur toutes les lèvres. Après la rupture du jeûne, les personnes âgées prennent d'assaut les cafés qui leur sont réservés. A la place du marché, ils s'adonnent à d'interminables parties de dominos et autres jeux de cartes. Une vraie cacophonie gagne les lieux et les joueurs trouvent leur plaisir ainsi que leurs supporteurs. Le «café de la Place» sis au centre-ville a accueilli ces jours-ci un jeune venu de la wilaya de Tamanrasset. Il prépare un thé spécial à la manière des Touareg, la tasse est cédée à 30 DA. Ce dernier ne cache pas sa satisfaction de travailler à Draâ El Mizan. Les commerçants exerçant en ville rouvrent leurs commerces juste après la rupture du jeûne, certains d'eux travaillent jusqu'à minuit, alors que la plupart ferment à 22h. Un serveur nous dira que le thé maison aux clous de girofle et le qalbellouz sont les plus consommés pendant ce ramadhan. Les villages peu animés Dans les villages de cette commune du sud de la Kabylie, les villageois se réunissent, presque une heure après le f'tour, dans les cafés aménagés exclusivement pour ce mois par de jeunes chômeurs. Cette pratique revient chaque année et permet aux jeunes oisifs de gagner un peu d'argent et sortir de la torpeur du chômage qui les tenaille. Au village Sanana distant de douze kilomètres environ, de nombreux jeunes prennent place dans les cafés pour prendre des boissons fraîches ou goûter à un morceau de qalbellouz. «Je sors le temps de digérer et prendre un café. Je ne tarde pas dehors, vers 22h je rentre à la maison», nous dira Mouloud, un habitant du village Sanana. Certains propriétaires de cafés projettent des films VCD ou DVD gratuitement pour leurs clients. «C'est un plaisir de suivre un film entre amis. A la maison, je ne peux pas le faire. J'ai tous les moyens mais ici c'est mieux, je vous assure», nous dira un jeune lycéen. Pour d'autres jeunes, le ramadhan est synonyme de veillées nocturnes. Ils ne peuvent quitter les cafés qu'à leur fermeture, vers 1h ou plus tard parfois. A Ichoukrène, village limitrophe, les alentours de la mosquée s'animent jusqu'à une heure tardive de la nuit. Cet homme spécialisé dans la location de films se frotte les mains pendant ce mois, au même titre que les vendeurs des friandises et autres gâteaux. A Draâ Sachem, un village non loin de la ville de Draâ El Mizan, un jeune chômeur, qui a aménagé un local pour le transformer en un café, nous informe qu'il vend chaque soirée près de 80 mille-feuilles et le même nombre de morceaux de qalbellouz. C'est une opportunité pour assurer un service pour les jeunes de son village et par conséquent gagner un pécule qui lui permettra de se lancer à la recherche d'un travail décent après l'aïd. Dans d'autres villages, le jeu loto a ses adeptes. Les mosquées archicombles Les mosquées sont prises d'assaut par les fidèles pendant le mois de ramadhan. La mosquée de la ville n'arrive pas à contenir le nombre croissant de fidèles. La nouvelle mosquée en construction à la nouvelle ville tarde à être réceptionnée, les travaux sont toujours en cours. La prière surérogatoire (taraouih) attire de nombreux fidèles. La mosquée sise à Sanana, à elle seule, accueille une centaine de fidèles venus des autres régions limitrophes, chaque soirée, pour accomplir leur prière sereinement. Après 22h, les mosquées se vident totalement.