Les soirées ramadhanesques à Constantine sont synonymes de rencontres familiales et d'engouement au niveau des lieux de culte. Chaque soir, précisément après la rupture du jeûne, des milliers de personnes quittent leurs maisons pour prendre la direction des mosquées et des zaouïas, implantées au niveau des quatre coins de la ville des ponts, alors que d'autres préfèrent passées leurs soirées en compagnie des proches et des amis. Pour une large frange de la société constantinoise, célèbre de son conformisme, les veillées ramadhanesques sont des occasions idéales pour écouter les discours religieux, réciter les versets coraniques avec piété et dans la sérénité. En effet, les mosquées notamment les plus grandes et les plus célèbres, telles Emir Abdelkader, El Istiklal, El Djamaâ El Kebir, Djamâa El Bey et El Chentli sont prises d'assaut, quelques minutes après le f'tour. L'engouement est surtout enregistré au niveau des mosquées pour les prières du soir dont les taraouih. A partir de 19h 20mn, les grandes artères du centre-ville, qui étaient presque désertes après la prière d'El Asr, s'animent par enchantement. Une foule d'hommes, de femmes et d'enfants se compose au fil des heures, mettant de l'ambiance aux quatre coins de la ville. Les lieux de culte ont pu, ainsi, rompre la léthargie qui caractérise les soirées constantinoises. Les mosquées ou l'engouement En ce mois sacré, la présence des femmes dehors notamment au centre-ville, est jugée importante par rapport aux autres mois de l'année. D'habitude la majorité des femmes constantinoises ne sortent pas seules le soir, mais durant le mois sacré, elles se permettent ce privilège, accordé généralement aux hommes. «Sortir seule le soir ne correspond pas aux traditions et à la mentalité de la plupart des Constantinoises. Malgré cela nombreuses sont les jeunes dames, les jeunes filles et mêmes les adolescentes qui ont relevé le défi, en se dirigeant chaque soir vers les différentes mosquées de la ville», soulignera Leila, âgée d'à peine 18 ans. Il est presque 20 heures, au centre-ville des femmes seules et d'autres accompagnées de leurs enfants ou de leurs amies et voisines pressent le pas pour arriver à la mosquée avant l'appel du muezzin. «Ramadhan est le mois de piété. J'aime faire les prières des taraouih et lire le Saint Coran à la mosquée Emir Abdelkader. C'est une ambiance très spéciale», dira un fidèle. Chaque soir, des dizaines de bus et de taxis en plus des véhicules privés déversent devant l'imposante mosquée, située à proximité de plusieurs grandes cités en l'occurence Filali, les Combattants, Ciloc et la résidence universitaire Nehas Nabil. Cette mosquée, bien éclairée pour l'occasion, est devenue un lieu incontournable pour un grand nombre de fidèles, tels Mohamed, Omar, Abdelbaki et Yacine qui accomplissent les taraouihs et les tahadjoud depuis plusieurs années dans ladite mosquée. «Chaque jour, j'attends avec impatience le moment des taraouihs. Le temps de rompre le carême et je me fraie un chemin pour prier dans la mosquée de mon quartier. La mosquée est le meilleur endroit pour passer d'agréables veillées religieuses et casser la routine des soirées moroses», expliquera Baya, une adepte des taraouih. «Les soirées du mois sacré sont des moments propices pour les fidèles, afin de commémorer des dates chères à nos cœurs dont Lailet El Kadr, célébrée la veille du 27e jour du Ramadhan», enchaînera une autre fidèle. Du côté de la direction des affaires religieuses, un riche programme a été établi pour animer les soirées du mois sacré. Des concours du meilleur récitant du Coran dans deux catégories, à savoir les jeunes et les adultes, des soirées de récitation de versets du Saint Livre et des exégèses se déroulent, depuis le début du mois de Ramadhan au niveau de 29 mosquées dont l'Emir Abdelkader. Aussi, des soirées spéciales «chants religieux» sont au menu le long des dix derniers jours de ce mois sacré. Les soirées «anachid» sont organisées au niveau des centres culturels.
Vivement les soirées familiales Durant le mois de Ramadhan, des soirées autour d'une sinia s'offrent à la gent féminine. La majorité des femmes organisent des rencontres dans leurs maisons, pour jouir des soirées familiales dans une atmosphère conviviale. Une tradition qui a presque disparu durant la décennie noire, avant de rebondir. La sécurité qui règne depuis quelques années est la cause directe de la réapparition de cette tradition ramadhanesque. «Réunir les proches, les voisines et les amies autour d'une sinia garnie de friandises et des pâtisseries locales est l'une des traditions ancestrales préservée jalousement par un grand nombre de Constantinoises», affirmera Naziha, une femme au foyer. Abordée, Amel, la trentaine entamée, estime que l'organisation des soirées dans la maison est une occasion pour sortir le soir, rencontrer les proches et les amies et du coup renforcer les liens familiaux et consolider les relations amicales. «J'ai invité durant la deuxième semaine de Ramadhan plusieurs membres de ma famille et de celle de mon mari. Nous avons passé deux agréables soirées autour de sinias constantinoises, ornées de délicieux gâteaux traditionnels notamment les célèbres baqlaoua, k'tayef, bourek el renna, t'charek et makroud el maqla, préparés à base de noix, de miel d'abeille, de semoule et de s'men». En plus de la djouzia, la kaoukaouiya et le fondant», expliquera Karima. Et d'ajouter «après avoir dégusté les dites friandises traditionnelles, d'autres plats notamment des plats sucrés, tels el tbikh, el m'chelouach et le m'halbi, accompagnés de brioches préparées à la maison, appelées communément el cherik et du petit lait l'ben sont présentés aux invités comme repas du s'hour». Pour Farida, fidèle aux traditions constantinoises, sortir après le f'tour pour se rendre chez les parents ou les proches, afin de passer d'agréables moments est une obligation, d'autant plus que ce mois sacré nous offre l'occasion de voir les proches et les amis oubliés durant la majorité des autres mois de l'année. «Ramadhan est aussi une occasion pour inviter les nouveaux mariés et organiser à leur honneur de joyeuses soirées. Une tradition transmise de mère en fille», répliquera notre interlocutrice. «Ma mère m'a invité en compagnie de mon mari à manger et a organisé une soirée à notre honneur, ce qui m'a permis de voir et de passer de joyeux moments avec mes cousines, mes tantes et mes amies intimes», dira Lilya, une jeune mariée. Café et brochettes au menu Pour plusieurs personnes l'autre alternative est de s'attabler dans des cafés bondés et passer des heures à siroter différentes boissons. L'ouverture des cafés le soir renforcent l'animation au niveau des différentes grandes zones urbaines dont Sidi Mebrouk, Daksi Abdesselam, Boussouf et des grandes avenues du centre-ville, telles Abane Ramdane et Belouizdad. Les cafés, lieux très prisés, sont envahies par des centaines d'hommes jusqu'à une heure tardive. Jouir de la vie nocturne en toute sécurité, durant le mois de Ramadhan est une aubaine pour des centaines de jeunes constantinois en quête d'atmosphère conviviale. «Faute de structures et lieux de loisirs, je me rends chaque soir dans un café, pour savourer des tasses de café et du thé avec mes amis et pratiquer les jeux de société dont le damier, le domino et des parties de cartes», confia Kamel un habitué des cafés. Et d'ajouter «Le mois de Ramadhan nous permet de passer des veillées en dehors de la maison jusqu'à l'aurore. Je ne rate jamais cette occasion». Des barbecues de fortune ont poussé comme des champignons au niveau de la plupart des quartiers de la ville des ponts. Les propriétaires des dits barbecues dressent leurs tables de fortune, juste après les taraouihs et proposent à leurs clients, précisément à leurs voisins de consommer des brochettes de viandes blanche et rouge. Une autre façon de passer des soirées ramadhanesques à l'air libre.