«Je suis pour et j'approuve l'amnistie générale mais il faut d'abord passer par la barre de la justice.» Telle est la position de Me Farouk Ksentini, président de la Commission consultative pour la défense des droits de l'homme. L'invité du forum de la Chaîne I a brossé un état des lieux sur les différents sujets chauds de l'actualité nationale. Il s'agit, entre autres, du phénomène des harraga, des nouveaux statuts de sa commission, de la réforme de la justice, de l'abolition de la peine de mort et du travail des enfants. Toujours sur le sujet de l'amnistie générale, Me Ksentini a été clair dans sa démarche en situant les responsabilités : «Seul le président de la République est habilité, en vertu de l'article 47 de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, à décider du non-lieu ou pas de l'amnistie générale.» Et de renchérir : «Il faut savoir que tous les pays qui ont connu des situations similaires à la nôtre sont passés par l'amnistie générale. La paix est sacré.» Nombre d'observateurs ont critiqué sa dernière sortie médiatique. Le président de la CNCPPDH a tenu à répondre : «Oui, j'approuve le projet en tant que tel, mais il faut que les responsables de la tragédie payent d'abord. Et puis c'est la meilleure manière de tourner la page et de passer à des choses plus importantes, à savoir le développement économique du pays.» Abordant le sujet de la réorganisation de la commission qui a obéi à des pressions onusiennes, Me Ksentini a apporté un élément de réponse qui, a priori, est correct : «La commission onusienne elle-même a changé ses statuts et a demandé aux différents pays de faire de même. Et puis je pense que c'est une manière de nous adapter au nouveau contexte mondial.» Pour rappel, l'acte signé par le président de la République pour la naissance de la CNPPDH remonte à l'année 200. Elle a été créée en vertu des principes de Paris de 1993. Mais en avril 2008, la commission onusienne a procédé au changement de ses statuts, du coup il aurait fallu que les autres commissions suivent. Concernant la nouveauté de cette loi qui a été approuvée par la chambre basse du Parlement en attendant le Sénat pour jeudi prochain, Me Ksentini a relevé que la nouveauté réside dans la nomination des membres de la commission et leur passage obligatoire devant les juges de la cour suprême, le conseil d'Etat et la cour des comptes. Les membres en question n'ont que le droit de prévention et de surveillance sans le droit de vote. La convenance des équilibres La commission des droits de l'homme est liée par un fil solide à la présidence de la République, ce qui a valu des jugements acerbes à son président. Me Ksentini a «profité» de l'occasion afin de répondre à ses détracteurs : «nous sommes 44 membres et je vous jure que nous accomplissons nos missions dans les meilleures conditions, sans pression ni orientation, sinon à quoi sert une commission qui défend les droits de l'homme si elle est dirigée ? Je préfère rentrer chez moi que de présider une coquille vide. même la présidence de la république n'a rien à faire avec une telle commission.» Me Ksentini prévoit aussi la création de plusieurs commissions à travers les wilayas du pays afin d'être plus efficace, d'autant plus que le nouveau texte prévoit la participation active de la société civile dans la protection et la promotion des droits de l'homme dans notre pays. Le secteur de la justice a été aussi au menu de l'émission, puisque Me Ksentini s'est longuement attardé sur la situation de nos prisons qu'il juge d'ailleurs «acceptable. elles sont en train d'évoluer», citant ainsi le nombre de 13 prisons en phase de construction. Le mandat de dépôt aussi a été critiqué par Me Ksentini qui a déclaré : «dans la plupart des cas, le mandat de dépôt ne sert à rien, d'ailleurs on a toujours demandé aux juges de se tourner vers le contrôle judiciaire qui garantit au moins la liberté de l'accusé avant sa comparution devant le juge en assise.» La peine de mort qui a fait couler beaucoup d'encre et fait réagir toutes les tendances de la société a été abordée aussi par Me Ksentini : «il faut s'asseoir et en parler, inviter tout le monde au débat car c'est un sujet très épineux. personnellement je suis pour l'abolition de cette peine de mort.» Le président de la Commission officielle de défense des droits de l'homme a, par ailleurs, rappelé aux pouvoirs publics la nécessité de prendre en charge les victimes de la tragédie nationale. Il s'agit des prisonniers du Sahara et des pertes matérielles qui ne figurent pas dans les textes de la charte pour la paix. «Et ce malgré la satisfaction de ce texte à 90%.» Enfin, la question qui reste posée est comment l'Etat arrive à créer un équilibre entre sa définition philosophique qui est considérée comme un outil de répression, et celui de prôner et d'aider à la protection et la promotion des droits de l'homme ? Me Ksentini a été bref : «Pour moi il y a les droits de l'Etat, ceux de la société et enfin les droits du citoyen ".