Photo : Mahdi I. «Notre pays à toutes les possibilités d'édifier un Etat de droit. Cela demande du temps et des moyens». C'est le constat établi jeudi dernier par l'invité du forum d'El Moudjahid maître Farouk Ksentini, huit années après sa désignation par le président de la république à la tête de la CNCPPDH (Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme). Invité à animer un débat sur les droits de l'homme en Algérie, Me Ksentini a souligné qu'engager un débat sur une telle question d'actualité ne nous permet pas de nous éloigner de la vérité ou d'établir des jugements approximatifs, dès lors qu'il s'agit des droits de l'homme, élément fort et essentiel de toutes les sociétés. L'itinéraire historique de l'Algérie, à commencer par la colonisation au début du 19e siècle jusqu'à la tragédie nationale, lui ont fait rater selon le conférencier, non seulement la protection des droits de l'homme mais surtout leur promotion. « Ayant sévi pendant dix longues années, le terrorisme signifie à lui seul la négation absolue des droits de l'homme », a tenu à déclarer Me Ksentini. En instituant certaines mesures au cours de la dernière décennie, l'Etat soutenu par la société civile ont pu donner à ce concept (droits de l'homme) toute son essence. Selon le conférencier, le protecteur essentiel des droits de l'homme est l'Etat. Cependant, plus l'Etat est fort, plus il peut assurer un rôle essentiel pour la protection des droits de l'homme», a-t-il constaté. Selon l'invité du forum, l'édification d'un Etat de droit est une urgence, d'autant plus que l'avènement du 21e siècle ne nous permet pas de rester en retrait. Invité aussi à animer le débat sur cette question de l'heure, Me Merouane Azzi, président de la cellule de l'assistance judiciaire pour les victimes de la tragédie nationale au niveau de la cour d'Alger, a souligné qu'«œuvrant pour la promotion des droits de l'homme, la CNCPPDH s'est impliquée résolument dans l'application de la réconciliation nationale en lui consacrant 90% de son effort et son travail. «Les dossiers liés à la décennie noire seront tous traités et clos définitivement conformément à l'article 47 de la charte pour la paix et la réconciliation nationale», a ajouté Me Azzi. Quant à l'indemnisation des ex-détenus des «centres d'internement du Sud au début des années 90» dont le nombre est estimé entre 15.000 et 18.000 personnes, Me Ksentini a souligné que la revendication est légitime. «J'ai transmis leurs doléances au président de la République», a-t-il annoncé. «LA GRÈVE N'EST PAS LE MEILLEUR MOYEN POUR RÉGLER LES PROBLÈMES » Au sujet des mouvements de contestation ayant paralysé les établissements scolaires pendant plusieurs semaines, et les longs débrayages enclenchés par les praticiens de la santé, Me Ksentini a regretté de voir les choses arriver au stade actuel. «Pour les enseignants, la grève a été pénible mais pas inutile. Mais je ne comprends pas pourquoi les pouvoirs publics ont laissé la situation pourrir, pour recourir en fin de compte à la justice pour consacrer l'illégalité de la grève, d'autant plus que les revendications sont légitimes et fondées», s'interroge Me Ksentini. Affichant la même position à l'égard des praticiens de la santé, le conférencier a souligné que «consacrée par la Constitution, la grève est certes l'ultime recours mais elle n'est nullement le meilleur moyen pour régler les problèmes. «Il faut opter pour le dialogue et la concertation. Il faut bannir la violence et éviter de solliciter les textes d'une manière abusive. Il faut respecter la loi et la lire en toute objectivité», a répondu Me Ksentini au jugement prononcé à l'encontre des grévistes, appelant les praticiens et la tutelle à trouver une solution convenable pour les uns et pour les autres, tenant compte de l'état de santé et les besoins des malades.