Les professionnels, la direction des services agricoles et la chambre de l'agriculture de la wilaya de Aïn Defla accusent le groupe Proda de nourrir la spéculation dans la commercialisation de la pomme de terre en cette période de soudure. En effet, Proda, par le biais de sa filiale Cetrad, avait pour mission de stocker la production de pomme de terre afin d'approvisionner le marché durant les mois de septembre et octobre, période durant laquelle les prix de ce tubercule avaient atteint les 100 DA/kg l'année passée. Sur instruction du ministère de tutelle, ce groupe devait acquérir la pomme de terre à 20 DA auprès des producteurs pour la remettre sur le marché en cas de pénurie à 25 DA sans toutefois dépasser les 35 DA/kg chez le détaillant. Cette entreprise publique, malgré tous les moyens mis à sa disposition, n'a réussi à convaincre que 19 opérateurs pour une quantité collectée de 70 000 quintaux au niveau de la wilaya de Aïn Defla alors que ses prévisions étaient estimées à 250 000 quintaux. «Les conditions imposées par Cetrad n'arrangeaient nullement le producteur», avoue un cadre de la DSA. L'entreprise exigeait une pomme de terre saine, «stockable» et «commerciable» à 20 DA/kg, livrée sur le lieu de stockage. Des conditions refusées par les fellahs qui ont stocké leur production dans leurs propres chambres frigorifiques. «Cetrad a acheté de qualité moindre à 24 DA dans les 6 wilayas concernées par le dispositif gouvernemental alors qu'elle nous imposait 20 DA/kg à Aïn Defla», affirme un producteur de Aïn Defla qui pratique également cette culture à Mascara. Il a fallu l'intervention de la chambre de l'agriculture pour intéresser ces producteurs au nombre de 49 à adhérer au Syrpalac II, un dispositif qui a permis le stockage de plus de 207 500 quintaux. «Notre objectif qui est aussi celui de la tutelle, par conséquent celui du gouvernement, consiste à ne pas léser le producteur et à protéger le pouvoir d'achat du consommateur», déclare Hadj Djallali, président de la chambre de l'agriculture de la wilaya de Aïn Defla. Au niveau de la direction des services agricoles, le chef de service Sopat, Abdelkader Kettou, rassure en signalant que le produit existe en quantité suffisante sur le marché. «La pomme de terre n'est pas absente des étals depuis la dernière semaine du mois de Ramadhan», fait-il remarquer en signalant que certains intervenants, Proda en premier, n'ont pas respecté le cahier des charges qui précise que le prix du kilo de pomme de terre ne doit pas excéder les 30 DA au niveau des chambres frigorifiques. «C'est la forte demande qui a hissé les prix», affirme ce responsable en soulignant que Aïn Defla approvisionne 25 wilayas. Les stockeurs imitent Proda qui a vendu 5000 quintaux à 35 DA et fixent leurs prix entre 32 et 38 DA/kg, et ce, suivant la qualité. «Si l'entreprise étatique ne respecte pas le cahier des charges comment veut-on qu'un particulier le fasse ?», s'interroge un autre cadre de la DSA. Selon M. Djallali, au 8 octobre, les privés ont 105 000 quintaux de pomme de terre stockés au niveau des chambres froides alors que Proda en dispose de quelque 50 000 quintaux». «C'est largement suffisant pour approvisionner le marché jusqu'à la récolte d'arrière-saison prévue début novembre», estime-t-il. Pour protéger le consommateur, le wali de Aïn Defla a instruit cette semaine les services agricoles de veiller à l'application stricte des clauses du cahier des charges et de réprimer tout contrevenant. «C'est inconcevable que l'Etat débourse des sommes colossales pour la régulation du marché et que des spéculateurs en tirent profit», dit ce responsable. Pour pallier cette situation, la DSA et la chambre de l'agriculture ont averti les stockeurs de respecter les clauses du contrat et de ne pas franchir la barre des 30 DA/kg. M. Kettou signale que la mission de la DSA s'arrête au niveau des chambres, là où celle d'autres secteurs commence en faisant allusion aux services du commerce. Pour ce qui est de la campagne d'arrière-saison, le service Sopat prévoit une récolte de 2 millions de quintaux puisque la superficie ensemencée avoisine les 9100 hectares. «Avec un rendement moyen de 220 quintaux à l'hectare, on espère inonder le marché du mois de novembre au mois de juin», affirme-t-il en ajoutant que la totalité des semences ont été produites à Aïn Defla qui fournit 210 000 quintaux de semences à El Oued sur les 510 000 quintaux réalisés. Sans concurrent, la wilaya de Aïn Defla est l'unique capitale de la pomme de terre. «On ne voit pas sur le marché les six autres wilayas qui ont adhéré au dispositif Syrpalac II du fait que nous approvisionnons Tlemcen, Annaba, Ouargla, Khenchela, Bouira, Tizi Ouzou, Alger etc., 25 wilayas au total», déclare M. Djallali. Les producteurs pointent du doigt les détaillants qui, en l'absence de tout contrôle, fixent les prix à leur guise et font saigner les consommateurs. Car expliquer que ce produit est taxé à 40 DA à Sidi Lakhdar et Bourached, 45 DA à Miliana et El Khemis et à 50 DA au niveau du chef-lieu de wilaya tandis qu'à El Abadia avec sa dizaine de chambres froides on ne trouve que de la pomme de terre de mauvaise qualité à 40 DA.