Problèmes de stockage et défaillance du Syrpalac influent sur les prix alors que les agriculteurs se plaignent: «Nous vendons notre production à perte.» Les prix de la pomme de terre pourront connaître de nouvelles perturbations durant le mois de Ramadhan. Le feuilleton de ce tubercule ne semble pas près de prendre fin, au moment où les pouvoirs publics tentent de rassurer le consommateur quant à la stabilité des prix en prévision du moi de jeûne. En effet, deux causes semblent être à l'origine d'une situation devenue inévitable. D'abord, la capacité de stockage de la production, puis le Syrpalac. Pour ce qui est de ce dernier, il convient de rappeler que le «système de régulation des produits agricoles de large consommation» (Syrpalac) a été installé en juillet 2008, par le ministère de l'Agriculture et du Dévelop-pement rural. Mais ce qui n'est pas rassurant dans ce dispositif censé assurer l'approvisionnement du marché national et stabiliser les prix, c'est qu'il a déjà montré ses limites dans la gestion d'un produit agricole, combien stratégique. A titre de rappel, notons que la pomme de terre a été cédée à 100 dinars le kilogramme durant la période mars-avril 2009. Ce n'est pas tout, car le ministère de tutelle, à travers Syrpalac II, réajusté dans sa conception et son fonctionnement en mai 2009, a chargé la Société de gestion des participations SGP-Proda, d'acheter la production de pomme de terre auprès des agriculteurs. Or, le problème qui se pose actuellement est le prix référentiel fixé par le ministère à 20 DA/kg. Les agriculteurs présents lundi à la réunion des professionnels de la filière au siège du ministère de l'Agriculture, ont été unanimes à contester ce prix de réfrence. «Nous vendons notre production à perte», s'est ainsi plaint un agriculteur de la wilaya de Bouira. Ils ont interpellé le ministre de l'Agriculture pour une révision du prix de référence. Toutefois, M.Benaïssa a renvoyé la balle au Conseil interprofessionnel de la filière. Les tergiversations des pouvoirs publics ont été, nous indique-t-on, la cause du désistement de plusieurs producteurs, notamment dans la willaya de Aïn Defla - l'une des régions leader dans la production de ce tubercule - qui n'ont pas adhéré au Syrpalac II, et ont préféré vendre leur production à des privés. Ils estiment que le marché de gros propose un prix supérieur à celui de la SGP-Proda (20DA/kg). C'est ainsi que les failles ont commencé à apparaître, car les privés, qui ont constitué des stocks parallèles à ceux de la SGP-Proda, pourraient bien les utiliser à des fins spéculatives, sans prêter la moindre attention au consommateur. D'ailleurs, c'est ce dont a prévenu un autre producteur, lundi. «Les prix de la pomme de terre pourront connaître une hausse et atteindre jusqu'à 60 DA ou plus durant et après le Ramadhan», ajoutant que «dans des conditions pareilles, la spéculation est inévitable même avec une grande production». Cela dit, le casse-tête de la pomme de terre à 60, voire 80 ou 100 DA le kg persiste. S'agissant du deuxième problème, il a trait aux capacités de stockage. La SGP-Proda qui est dotée d'infrastructures de froid à travers le territoire national, dispose d'une capacité de stockage de 55.000 mètres cubes. Cette capacité s'est avérée insuffisante pour absorber les quantités de production, nettement supérieures. En effet, les spécialistes de la filière estiment que les capacités totales de stockage (y compris celles détenues par les privés) sont évaluées à 1 million de mètres cubes, alors qu'il fallait avoir au moins le double compte tenu des besoins actuels. Pour ces raisons, de nombreux producteurs n'ont pu stocker leurs récoltes, c'est le cas de la willaya de Sidi Bel Abbès dont la production avoisine les 7000 quintaux. Un autre problème est engendré par cette situation, celui du pourrissement des produits stockés. A défaut du surplus et de la disponibilité de la pomme de terre, la production stockée est menacée de germination ou de pourrissement, d'où la nécessité d'instaurer un système de rotation et de renouvellement des stocks, ou trouver d'autres moyens de stockage que les chambres froides qui font actuellement défaut, afin de préserver la récolte. Revenir aux hangars et tunnels sous-terrains, comme cela se faisait auparavant dans la wilaya de Mascara est ainsi recommandé. Les participants à la réunion des professionnels de la filière ont, en outre, tiré la sonnette d'alarme quant aux problèmes auxquels ils sont confrontés sur le terrain, le manque en quantité et en qualité de semence, le mildiou, une maladie qui peut détruire une récolte entière ainsi que le problème de mécanisation qui n'est pas toujours généralisée. Par ailleurs, notons que la production nationale est passée de 21 à 27 millions de quintaux, pour l'année 2010. Le ministre de l'Agriculture dira, par ailleurs: «On parle actuellement de 3 millions de tonnes jusqu'à la fin de la saison.» Une bonne nouvelle, mais qui risque d'avoir peu d'impact sur le prix de ce produit de large consommation. La stratégie nationale de gestion de la filière «pomme de terre» est donc, appelée à être revue.