«Je n'ai plus envie de parler, de vivre, de rencontrer des gens… La tentative de suicide était l'ultime issue pour mettre fin aux épisodes de souffrances psychologiques qui caractérisent mon quotidien. Je n'ai plus le pouvoir de supporter encore les sévices de ma belle-mère… Les meilleurs moments de ma vie sont ceux que je passe au lycée avec mes professeurs et mes camarades. En rentrant chez moi, c'est la souffrance psychologique qui ressurgit sans cesse… La vie n'a plus d'intérêt pour moi, j'ai tellement envie de partir sans retour. Qu'importe de vivre encore ? J'en ai assez… J'ai essayé une bonne dose d'esprit de sel, malencontreusement cela n'a pas abouti pour quitter à jamais cette maudite vie.» Larmoyant est le témoignage de cette lycéenne répondant aux initiales N. S., laquelle s'est confiée à notre journal pour retracer le calvaire qu'elle vit dans une cellule familiale supposée être un giron tendre et tiède, indispensable à la constitution d'une personnalité équilibrée de l'adolescent. Toujours est-il, cette adolescente, qui a miraculeusement survécu à une tentative de suicide grâce à l'intervention rapide des chirurgiens, n'est qu'un simple exemple parmi de très nombreux autres recensés annuellement un peu partout en Algérie. Un état de fait qui porte à confirmer que les efforts des uns et des autres doivent encore une fois être multipliés pour venir à bout de ce fléau qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Avant-hier, une dernière victime a été signalée dans la localité de «Fontaine des gazelles» dans les environs de Biskra. C'est un trentenaire qui mènerait une vie difficile. Effrayant est le chiffre avancé par les services de sécurité de la wilaya d'Oum El Bouaghi lesquels font état de pas moins de 200 cas enregistrés depuis le début de l'année en cours. 200 cas de tentatives de suicide, figurez-vous, au niveau du territoire de la wilaya. Parmi ce chiffre glané, 12 ont trouvé la mort dans des conditions dramatiques. Il y a lieu de noter, selon les dires de certaines sources médicales, que dans la plupart des cas l'absorption des barbituriques et des divers produits chimiques, détergents, désinfectants et autres produits très dangereux sont les moyens auxquels les déprimés des deux sexes ont recours pour mettre fin à leur vie. Rappelons qu'au mois d'octobre, 15 cas ont été enregistrés. Un chiffre inquiétant qui pousse à se poser mille et une interrogations sur ce «phénomène de société». Il ne se passe pas un jour sans qu'un cas de suicide ne soit enregistré ici ou ailleurs, un peu partout dans les quatre coins du pays. A en croire les statistiques, quelque 10 000 personnes des deux sexes, dont l'âge de la majorité ne dépasse les 20 ans, tentent de se suicider chaque année. Cela, bien évidemment, sans compter de nombreux cas non déclarés par crainte du «scandale». Faut-il savoir que le suicide est considéré tabou dans certains milieux sociaux. Interrogé sur les facteurs principaux conduisant au passage à cet acte irréfléchi, un psychothérapeute nous renseignera que «le suicide est en grande partie lié à une dépression nerveuse qui pourrait, à long ou à court termes, entraîner des troubles physiques considérés comme étant suffisants à l'exécution du crime contre soi».
La généralisation des cellules d'écoute est nécessaire Eu égard à la dangerosité de la situation, à l'unanimité, certains spécialistes de la thérapie comportementale joints par nos soins accordent leurs violons quant à la possibilité d'éradiquer les tentatives de suicide pour peu qu'une meilleure prise en charge de proximité des personnes à tendance suicidaire, «lesquelles en réalité ne désirent pas mourir», soit décidée. «Il faut la création et la généralisation des cellules d'écoute, des centres thérapeutiques», nous dit-on. Il est à noter que le suicide en Algérie est devenu, depuis le début du troisième millénaire, un phénomène de société dont les victimes ne sont nullement, comme c'était le cas dans une époque donnée, des personnes issues de milieux défavorisés, des drogués ou encore des malades mentaux, le fléau touche également des personnes menant une vie aisée, des intellectuels, des nantis et cadres aussi. Face à cela, «une association nationale pour la prévention des crimes contre soi doit naître», ajoutera-t-on. «Un suicide toutes les 12 heures», selon le professeur Khiati Soulignons à titre informationnel que la majorité des cas de «l'autoneutralisation» sont enregistrés à Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Aïn Defla, Bouira, Tlemcen, Oum El Bouaghi et Batna où, d'après l'éminent professeur Khiati, «au moins un cas de suicide se produit en l'espace de 12 heures». La gent féminine représente une partie importante parmi les suicidés. Dans ce sens, le professeur Yahiaoui explique que la cause essentielle qui mène la femme, généralement étudiante, à mettre fin à ses jours, est conflictuelle. «Ce sont des femmes en quête d'autonomie par rapport à la famille qui reste très conservatrice. Beaucoup ont essayé d'attenter à leur vie en raison du refus de leur famille de les laisser poursuivre leurs études à l'université, leur préférant le mariage précoce», a-t-il textuellement lancé en marge d'un séminaire organisé sur le phénomène en question. Au bout du compte, une chose est sûre, le suicide en Algérie demeure une vérité bien dérangeante, d'où l'implication des pouvoirs publics est de mise pour atténuer un tant soit peu la détresse des déprimés, nombreux sont-ils. Leur noble mission consiste juste en la multiplication des cellules d'écoute de proximité en milieux scolaire et estudiantin notamment.