Un drogué est avant tout un malade. Pris jeune, il peut s'en sortir. Mais une fois adulte, l'accoutumance fait des ravages. Et lorsque les services de sécurité, policiers ou gendarmes, interviennent, leur souci est de combattre ce fléau de drogue, laissant autre chose, les soins par exemple, à la seule appréciation du juge du siège. Alors, le pauvre délinquant esclave de la came a tout expliqué, aidé en cela par son avocat qui a, lui, le savoir-faire. «Je me soigne depuis un an mais je n'arrive pas à arrêter de sniffer de la drogue», reconnaît, les mains derrière le dos, le détenu poursuivi pour détention et usage de stupéfiants. «C'est bien, mais c'est incompatible comme situation. Deux situations diablement opposées», jette Sabrina Derbouchi, la juge visiblement agacée de traiter une telle affaire qui n'est pas de tout repos. Les faits graves relèvent assurément de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004, loi relative, il est utile de le rappeler, à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, un véritable fléau qui ronge la jeunesse surtout car, nous apprend-on, dans les milieux des services de sécurités, il y a des dealers dont l'âge varie entre vingt-quatre et vingt-neuf ans ! Qui dit mieux ? Akila Bouacha, la procureure, réclame deux ans de prison ferme, préférant ne pas aller au-delà de la décortication des délits de ce genre de poursuites, surtout que maître Mohammed Djediat, l'avocat de ce qu'il a appelé un «malade», jamais un dealer, a mis l'accent sur le verdict. Six mois assorti du sursis sera d'ailleurs la sentence car, s'était-il exclamé, «on ne nous a jamais ramenés les dealers mais les malades qu'on surprend dans état pas bien du tout». Attentive et visiblement intéressée, la présidente regarde le plaideur avec des yeux d'où est sortie cette phrase que ne laissent que les initiés des débats : «De grâce, maître, le tribunal vous suit. Abréger !» Et comme pour démontrer sur place qu'il avait décrypté ce regard, maître Djediat ajoutera : «Madame la présidente, nous allons abuser de votre magnanimité mais permettez-moi de mieux vous expliquer ce genre de dossier car vous avez un père de famille qui a été franc avec vous», lance le défenseur qui va conclure par un : «Allah Ghaleb, il vous l'a dit en tout début d'audience. Il se soigne mais il est incapable d'éviter la consommation. Peut-être que les soins sont venus un peu tard. Vous avez entre les mains la liberté de ce monsieur. Nous n'allons tout de même pas demander la relaxe mais une peine symbolique et une prise en charge pour une cure de désintoxication efficace.» «Merci, maître, le tribunal vous remercie pour votre participation, même si vous avez mordu sur le temps du tribunal et du rôle», répond, avec un large sourire qui embellit, la mère de famille, juge du siège.