Algérie-Egypte, acte II ou III comme vous voulez. Une nouvelle fois, les nerfs vont être mis à rude contribution. Des épreuves stressantes en perspective et un surplus d'angoisse. Mais dans la grande famille des supporters, cela ne semble pas avoir une grande importance. On suit son équipe avec la certitude qu'elle va finir par gagner. Les Algériens surtout qui ont appris à faire communion avec leur sélection engagée dans le grand challenge d'une qualification à la Coupe du monde. Avec plus de mordant depuis que l'équipe d'Egypte s'est mise de travers sur la route menant les joueurs algériens vers l'Afrique du Sud. Avec comme point d'orgue le rendez-vous de samedi dernier avec toutes ses scènes dramatiques où les Egyptiens ont été loin de jouer franc jeu. Ce qui a poussé les fans de l'équipe d'Algérie à lier encore plus d'attache avec celle-ci, appelée à jouer aujourd'hui le match décisif de cette phase de qualification au Mondial. Un match programmé à Khartoum, la capitale soudanaise, et dont l'éloignement n'a pas découragé des milliers de supporters pour franchir le pas et effectuer le déplacement vers cette ville. Un déplacement, certes, favorisé par la décision des autorités algériennes de permettre à un maximum de gens d'aller soutenir leur équipe dans le match qu'elle se doit absolument de gagner. Des quêtes pour acheter le billet Il y a que le billet d'avion, même au tarif réduit était cédé au prix de 20 000 DA, qui reste une somme trop élevée pour nombre de jeunes chômeurs. Ces derniers n'ont, alors, pas hésité à faire le pied de grue lundi devant l'aérogare de l'aéroport Houari Boumediene dans le but de récolter les sous nécessaires à l'achat du billet auprès de diverses personnes, voyageurs ou pas. Et il y en a qui ont réussi à réunir les fameux 20 000 DA. A l'image de ce groupe de jeunes de Hussein Dey qui a effectué le voyage, long de 5 heures, avec nous lundi. Des jeunes complètement acquis à la cause des Verts et qui nous ont fait part de leur désir ardent d'être au stade mercredi. «Je serais même parti au pôle Nord s'il avait fallu le faire, nous a dit Alilou, un des membres de ce groupe husseindéen. J'avais un peu d'argent de côté. C'était tout juste suffisant pour me payer un billet à 5000 DA comme il avait été dit au tout début. Mais quand je suis arrivé à l'aéroport vers 4h du matin, j'ai appris qu'en fait la valeur du billet était de 20 000 DA. C'était trop pour moi, mais mes copains ont décidé de contribuer pour payer la différence. Malgré cela, il manquait toujours de l'argent pour obtenir la somme exigée. Je me suis donc mis à demander à des gens que je ne connaissais pas de m'aider. Je peux vous certifier que je n'ai pas attendu trop longtemps, car les gens ont su se montrer d'une générosité extrême. Me voilà donc dans l'avion en direction de Khartoum où je suis sûr que notre équipe nationale ne va pas nous décevoir. Ce qui s'est passé au Caire n'était qu'un épisode que nos joueurs vont effacer, j'en suis sûr. Les Egyptiens vont voir que les Algériens n'acceptent pas qu'on leur marche sur les pieds. Ils ont été d'une grande lâcheté. On va voir s'ils ont du courage de se présenter à Khartoum et de faire du bruit.» Cette envie de transformer la capitale soudanaise en un lieu historique, celui de la qualification de l'équipe algérienne en Coupe du monde, nous l'avons retrouvée chez Rachid. Une aventure originale Ce Rachid-là a vécu une aventure pour le moins originale. «Je suis un émigré qui était en vacances en Algérie, nous a-t-il révélé. Mon frère était désireux d'aller au Soudan. Il m'avait demandé de l'accompagner à l'aéroport de bon matin pour qu'il puisse acheter un billet d'avion et partir. C'est ce que j'ai fait. Une fois arrivé à l'aéroport, des copains à mon frère m'ont demandé de les accompagner à Khartoum. J'ai pris la proposition pour de la plaisanterie. Mais ils ont tellement insisté que j'ai fini par accepter. Imaginez que je suis dans cet avion après avoir laissé mon véhicule dans le parking de l'aéroport. Vous étiez près de moi quand j'ai téléphoné depuis l'avion à ma mère pour lui dire que j'étais en partance pour Khartoum. Je n'ai rien ramené avec moi, pas de vêtement de rechange, pas de trousse de toilette, absolument rien. J'ai estimé après avoir vu ce qui s'était passé au Caire, samedi dernier, que je devais aller au Soudan.» Ils étaient presque tous comme Alilou et Rachid, des jeunes originaires d'un peu partout, de Chlef, de Relizane, de Tiaret, de Tizi Ouzou, de Oued El Alleug, de Blida, etc. Des jeunes qui nous ont permis de ne pas voir le temps passer durant le trajet d'Alger à Khartoum, C'était l'ambiance d'un stade dans un avion en plein ciel. Même la grosse caisse était de la partie. Et pour que la fête soit complète, on a eu droit à des youyous de la part des hôtesses de l'air. Elles étaient tellement engagées auprès de tous ces supporters comme l'avaient été tous les travailleurs de l'aéroport Houari Boumediene. Il fallait voir tous ces travailleurs applaudir le bus qui transportait ces joyeux lurons vers l'avion dans une ambiance de folie. Et au pied de cet avion, presque tous voulaient immortaliser l'événement en prenant des photos de cette délégation un peu spéciale. Pour ajouter à l'enthousiasme des travailleurs d'Air Algérie, il faut savoir que pour la plupart ce sont tous des volontaires qui ont accepté de sacrifier leurs journées de récupération pour assurer les 33 vols programmés pour Khartoum. A leur arrivée dans la capitale du Soudan, les supporters algériens n'ont pas manqué de tester les Soudanais, histoire de voir vers quelle équipe ils penchaient. «Normalement, ils sont avec nous, nous a expliqué Mustapha, un jeune d'El Harrach. Ils m'ont tous indiqué qu'ils étaient de tout cœur avec nous, mais la méfiance reste de mise.» Malgré l'arrivée tardive de l'avion (il était près de 21h), ces supporters ont été rapidement pris en charge par des responsables de notre ambassade sur place qui leur ont fait savoir que des camps de jeunes étaient mis à leur disposition pour leur séjour soudanais. «C'est toujours ça de gagné, mais nous allons faire la fête à Khartoum en espérant qu'elle se poursuivra même après le match», nous a dit en conclusion Mustapha.