Les joueurs, installés sur le toit du bus, étaient salués comme des chevaliers revenant de la guerre, par des centaines de milliers de personnes de tout âge venues de toutes les régions d'Algérie. Le convoi avait des difficultés à avancer au vu de la foule qui entourait le bus en scandant des slogans et en chantant l'hymne national. Un spectacle ayant des similitudes avec les manifestations populaires d'indépendance. L'heure de l'arrivée des Verts était l'information la plus recherchée par la population algérienne durant la journée de jeudi. Par prévoyance ou par anticipation, des centaines de milliers d'Algériens se sont agglutinés aux abords de l'aéroport international dès les premières heures de la journée. Les services de sécurité, en grand nombre, éprouvaient des difficultés pour contenir la foule dont le nombre ne cessait d'augmenter. A 10h, tous les axes routiers menant vers l'infrastructure aéroportuaire étaient bloqués par des milliers de véhicules portant des plaques d'immatriculation différentes et arborant des étendards nationaux ou recouverts de portraits de ceux à l'origine de leur bonheur, en l'occurrence les capés. Encore une fois, les Algériens ont exprimé leur profond attachement à leur algérianité, confirmé leur passion pour le sport roi, le football, et extériorisé la grande satisfaction qu'ils éprouvent au lendemain de la qualification au Mondial 2010, vaillamment décrochée par «les chevaliers de l'Algérie». L'accueil triomphal qui leur a été réservé à la sortie de l'aéroport par des centaines de milliers de personnes était, pour la plupart des observateurs nationaux et étrangers, assimilable aux manifestations au lendemain de la déclaration d'indépendance. Les files de voitures et la marée humaine qui a déferlé vers de l'aéroport autour duquel un impressionnant dispositif a été déployé. Ils chantaient à pleine gorge et à l'unisson des slogans dont certains étaient hostiles à la formation égyptienne. «Allah Akbar, Chahata mat (Dieu est grand, Chahata est mort)», en tout brandissant une momie portant le nom de l'entraîneur des Pharaons. D'autres, en revanche, vêtus des couleurs nationales, chantonnaient les tubes dédiés à l'équipe nationale. «One, two, three, viva l'Algérie», «Soug Masser rah ethaouel (le marché du Caire est en faillite)», «L'Algérie, l'Algérie sekna fi quelbi (l'Algérie habite mon cœur)», étaient les quelques chansons répétées sans cesse par la population hétéroclite. Des vieilles femmes accompagnées de leurs progénitures, des familles entières, des jeunes et moins jeunes et même des enfants brandissaient des drapeaux tout en prodiguant des louanges aux Verts. Des heures d'attente Il est midi lorsque nous atteignons le salon d'honneur où devaient être accueillis les Verts par une délégation officielle, à leur tête, Abdelaziz Belkhadem. Sur les lieux, il y avait également une centaine de journalistes venus couvrir l'événement et partager la joie des Algériens. Initialement prévu à 14h, l'avion transportant l'équipe nationale n'est en fait arrivé qu'à 17h30. Pendant ce temps, les journalistes réunis dans une salle attenante au salon d'honneur ont donné libre cours à leur joie en chantant des airs patriotiques. Dehors, les policiers, gendarmes et autres corps de sécurité mobilisés montraient des signes de nervosité. Beaucoup d'entre eux scrutaient les environs de l'aéroport d'où fusaient des intonations qui gonflaient au fur et à mesure que le temps passait. Ils savaient que la mission d'escorte du convoi durant le long itinéraire n'était pas de tout repos. D'autre part, les officiels ainsi que leurs proches, les hauts cadres de l'Etat et les gradés des institutions sécuritaires, réunis autour des ministres présents, piaffaient d'impatience. En attendant, les journalistes étaient invités à une conférence de presse animée par Kaya Somgqeza, chargé des affaires de l'ambassade d'Afrique du Sud et dont la teneur portait sur l'organisation du Mondial. Il tiendra à cette occasion à transmettre les félicitations du peuple sud-africain et de son gouvernement pour la qualification des Verts et conclut son intervention par : «One, two, three, viva l'Algérie». Vers 16h30, la tension est montée un peu plus et les journalistes agglutinés dans un espace restreint montraient des signes d'irritation. Des prises de becs éclatent alors entre des journalistes et des éléments de la sécurité présidentielle. «Laissez-nous sortir prendre l'air», réclamaient-ils, entre autres, après que ces derniers eurent invité uniquement les cameramen à sortir. Des échanges de propos sans gravité s'en sont suivis mais sans aucune conséquence. Il est 16h45 lorsque les professionnels de l'information sont priés de rejoindre le tarmac jouxtant l'entrée du salon officiel. Une estrade et des barrières ont été installées pour l'occasion mais surtout pour baliser le passage des joueurs à leur descente d'avion. C'est Raouraoua qui, en premier, bénéficia des remerciements de Belkhadem et de la délégation, puis Saâdane et les joueurs. Les youyous et les chants étaient perceptibles. Les joueurs n'en étaient pas indifférents à l'image de la main portée au cœur par certains joueurs. Avant d'être envahis par la foule impatiente, les joueurs, embarqués sur le toit aménagé du bus, ont été pris d'assaut par les journalistes et les délégations présentes. Bain de foule et hystérie populaire La montre indiquait 17h15 lorsque le convoi s'ébranla vers un bain de foule qui avait des similitudes avec la fête d'indépendance, notent les observateurs nationaux et étrangers regroupés dans une benne à camion en tête du convoi. Bien qu'escortée par des motards, des 4x4, des voitures de police et de gendarmerie, la foule en délire a littéralement envahi le bus tel un essaim d'abeilles. Les joueurs, devant l'expression de joie, étaient émus à telle enseigne que certains pleuraient à chaudes larmes. Comme à son accoutumée, Rafik Saïfi, qui brandissait le drapeau national, au même titre que les autres joueurs, tentait de serrer la main aux quelques supporters montés sur les cars et les camions. A un moment, il se pencha pour attraper un drapeau. Il est solidement tenu par Karim Ziani. La communion était totale. Du côté de la population, l'hystérie et la frénésie ont atteint un degré inimaginable. Quelques mètres à peine à la sortie de l'aéroport, le convoi est pris en otage par une foule en délire. Une pluie de fleurs s'abat sur le bus des joueurs en extase devant l'accueil. Des feux d'artifice illuminaient le ciel et des chansons patriotiques sont diffusées par des véhicules et des camions chargés de monde. L'émotion était tellement grande que des supporters et des supportrices s'évanouissaient. Ils étaient partout. Sur les ponts, sur les arbres, sur les poteaux, sur les panneaux de signalisation et longeant la route. Les couleurs nationales étaient également partout. Bon nombre de supporters arborant des costumes aux couleurs nationales avaient le visage peint en vert, blanc et rouge. Il aura fallu pas moins de deux heures et demie pour que le convoi arrive au Palais du peuple où le président de la République devait offrir une réception en l'honneur des désormais «chevaliers de l'Algérie». Une liesse indescriptible régnait au centre-ville et en périphérie. Des soirées dansantes étaient d'ailleurs organisées en divers lieux de la capitale et dans les villes. «C'est le moment le plus extraordinaire que vit le peuple algérien. Pour quelques jours, la capitale renoue avec le bonheur», résume un septuagénaire venu accueillir les joueurs. «C'est une joie nationale car cette équipe en se qualifiant a gagné tant sur le plan sportif que sur le plan éducatif», nous livre un journaliste étranger. Une joie que les Algériens ambitionnent de perpétuer des jours et des nuits, et ce, pour exprimer leur gratitude au onze algérien et à leur prouesse.