La communion entre les joueurs, qui paradaient, et leurs supporters ne souffraient d'aucune équivoque. Il n'en demeure pas moins que des incidents graves ont été évités de justesse. Des failles dans le service de sécurité sont apparues tout au long du parcours tracé pour le défilé. Dès l'annonce, dans la matinée de jeudi par les trois chaînes de télévision publique (ENTV, A3 et Canal Algérie), de l'arrivée des Verts dans la journée, les supporters ont commencé à prendre le départ pour l'aéroport international Houari-Boumediene. L'affluence est si grande que vers 13 heures, les embouteillages bloquent complètement les autoroutes menant vers Dar El-Beïda. De nombreux automobilistes ont mis des heures à rallier l'aéroport à partir d'Alger, alors que le trajet n'exige que trente minutes avec une circulation relativement fluide. À quelques encablures de l'aéroport, la mobilité des véhicules est carrément inexistante. Des dizaines de voyageurs ont dû terminer à pied, en portant tant bien que mal leurs bagages. Finalement ce n'est qu'à 16h40 que l'avion spécial, transportant l'équipe nationale de football et ses staffs technique et médical, a atterri sur le tarmac de l'aéroport international. Le coach des Verts, Rabah Saâdane et le président de la Fédération algérienne de football, Mohamed Raouraoua, descendent les premiers de l'appareil. Ils sont accueillis par le ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République, Abdelaziz Belkhadem. Les joueurs suivent un à un. Chacun d'eux est appelé par son prénom, sollicité pour une photo souvenir ou une déclaration aux journalistes, venus nombreux couvrir l'événement. Les uns, comme Rafik Saïfi, Lounès Gaouaoui et Yazid Mansouri répondent prestement à l'invitation, les autres sont empêchés par un service d'ordre, soucieux de rattraper le retard accusé sur son timing (le vol qui devait partir de Khartoum à 9h, heure algérienne, n'a décollé que deux heures plus tard). Les joueurs et les entraîneurs sont installés sur le toit d'un bus touristique, équipé de drapeaux et d'une imitation de la Coupe du monde en miniature. Le véhicule s'ébranle alors pour un défilé, inscrit dans un itinéraire étalé sur environ 25 kilomètres, de l'aéroport international d'Alger au Palais du peuple, passant par quelques quartiers populaires comme Dar El-Beïda, Bab-Ezzouar et la place du 1er-Mai. Galvanisés par leur victoire, mercredi soir, contre leurs adversaires égyptiens dans un match d'appui qui les a qualifiés au grand rendez-vous footballistique de l'Afrique du Sud, Yazid Mansouri, Karim Ziani, Antar Yahia, ou la toute dernière coqueluche de l'équipe nationale Faouzi Chaouchi et leurs coéquipiers ne s'attendaient probablement pas à la foule compacte qui les attendait aux abords de l'aéroport. Ce sont des centaines de supporters — beaucoup de jeunes, mais aussi de femmes et d'enfants — qui sont sortis dans la rue leur exprimant la gratitude d'avoir donné autant de bonheur aux Algériens par leur qualification au Mondial, mais aussi pour avoir battu les Egyptiens. Ils leur ont chanté, tout au long du parcours choisi pour le défilé, les tubes du moment à la gloire des Verts et leur ont scandé les slogans récurrents depuis des mois, à l'exemple de “One, two, three, viva l'Algérie” ; “Algériens, Algériens” ou encore “Allez les Verts”. L'ambiance est impressionnante. Le feed-back des joueurs est instantané. Ils rendent les ovations, agitent l'emblème national, remercient par le geste leurs supporters. Au fur et à mesure que le cortège s'approche du chef-lieu de la commune de Dar El-Beïda, le nombre de fans augmente sensiblement. Il devient impossible de le mesurer à vue d'œil. Et c'est là où les failles des services de sécurité apparaissent. Au lieu de dégager une voie pour le passage du cortège, en contenant la foule de part et d'autre de la chaussée, ils ont laissé les supporters libres de toute circulation. Dès lors, le bus des joueurs, mais aussi le camion qui transportait les journalistes, sont pris en étau par une foule en délire. Si aucune intention d'agresser les uns ou les autres n'était perceptible du côté des Algérois, il en a fallu, à plusieurs reprises, de peu pour que les véhicules, formant le cortège n'écrasent un passant. Ni les motards ni les CNS, encore moins les gendarmes et les éléments de la Protection civile, ne pouvaient empêcher les supporters d'envahir la voie publique, gênant considérablement la progression du défilé vers sa destination finale. À la place du 1er-Mai, c'est littéralement une marée humaine qui a noyé le bus des joueurs dans ses entrailles. L'escorte a alors réagi en lui frayant, non sans peine, un chemin vers le Palais du peuple, où l'équipe nationale avait rendez-vous avec le chef de l'Etat. Les portes du palais se sont fermées rapidement sur les invités du président de la République. Quelques journalistes étaient autorisés à assister à ce qu'on a présenté comme une cérémonie privée. Dehors, des milliers d'Algérois continuaient à fêter la victoire de leur équipe nationale sur l'Egypte. La circulation automobile est demeurée laborieuse dans plusieurs axes de la capitale. Les routes, qui mènent vers l'aéroport, ont été encombrées pendant des heures à telle enseigne que tous les vols domestiques et internationaux, programmés dans l'après-midi et la soirée de jeudi, ont été annulés. Il semblerait que les pistes de l'aéroport international ont été envahies par des supporters, ce qui a cloué au sol les avions qui se préparaient au décollage.