Une journée d'information sur le projet de scolarisation des enfants handicapés a été programmée, hier, à l'Institut national de développement et de promotion de la formation continue (Indefoc) à Rouiba. Les présidents des associations El Baraka et El Yamama, ainsi que leurs membres, ont animé une conférence portant sur un projet de scolarisation d'enfants handicapés, sous le thème «Vers une école pour tous». Ce projet lancé il y a six mois, durant lesquels ces associations ont travaillé en partenariat avec Handicap International, demeure sans concrétisation. Ce sont les propos de Mme Flora Boubergout, présidente de l'association El Baraka, qui a mis l'accent sur la revendication de «l'intégration de l'enfant handicapé dans les écoles publiques». Ce qui implique, selon elle, un aménagement spécifique des établissements scolaires de manière que l'enfant handicapé soit inséré dans l'école «normale», donc dans la société. «L'ONS n'a pas, jusque-là, lancé une étude de statistiques concernant les enfants handicapés non scolarisés, mais je peux confirmer qu'ils sont beaucoup plus nombreux que ceux qui vont à l'école, à voir les écoles des environs (à Aïn Taya, à titre d'exemple), où l'on rencontre très peu de handicapés dans les écoles, voire aucun handicapé», a-t-elle souligné en marge de la conférence, ajoutant que leur revendication remonte à quelques années, sans qu'il n'y ait d'échos de la part des autorités concernées. Azzedine Bouchala, membre de l'association Yamama, a abondé dans le même sens, s'adressant aux autorités en général et au ministère de l'éducation en particulier : «Le secteur de l'éducation pourrait réaliser un projet pareil, car il est le plus concerné et le seul habilité à créer un cadre propice à la scolarité de ces enfants». Pris à part, il a précisé que l'enfant handicapé doit avoir une table, une chaise spéciale, voire un passage adéquat, pour étudier dans de bonnes conditions. Et pourquoi pas la création d'une formation professionnelle qui aidera les enseignants déjà en service à travailler avec les enfants handicapés ? Ce qui est réalisable, selon notre interlocuteur, «d'autant plus que ce projet demandera beaucoup moins de dépenses que la réalisation d'une école spéciale pour handicapés», a ajouté M. Bouchala, ajoutant qu'en tant qu'association, «leur travail consiste à rendre au milieu associatif sa propre vocation», dans le sens où leur bataille doit aboutir à une amélioration de la vie des handicapés dans notre pays. Et ce, non seulement en s'adressant aux autorités mais aussi en sensibilisant la société à accepter ces enfants «marginalisés». Les enfants handicapés ne sont pas acceptés par les directeurs d'écoles «Considérer les enfants pour ce qu'ils peuvent faire et non pour ce qu'ils ne peuvent pas faire.» Telle est l'une des phrases citées dans le texte composant le programme de cette journée. Nombreux sont les enfants qui «sont rejetés» par l'école où ils sont inscrits. Nombreux sont ceux qui ne sont pas acceptés. C'est ce qu'a déclaré M. Bouchala en marge de son intervention lors de la conférence. «Il faut que l'on éduque les gens à accepter les moins lotis et à porter sur eux un autre regard en les considérant comme des individus normaux qui ont des ambitions professionnelles», a-t-il souligné. Parfois cette «hantise» les poursuit jusqu'à l'âge adulte dans le monde professionnel. C'est le cas de Bachir Barak, un handicapé moteur qui a pu suivre des études supérieures et éditer une cinquantaine de livres pour handicapés malgré le parcours laborieux qu'il a dû emprunter. Ingénieur d'Etat en électronique, Bachir s'est bien débrouillé après la fin de son cursus universitaire à Bab Ezzouar. Bien qu'il ne travaille dans son domaine, il a pu décrocher un emploi à la daïra de Rouiba, d'où il est renvoyé après deux ans de service sans aucune explication. Pourtant son travail n'avait rien à envier à celui de ses collègues. Il est au chômage depuis trois ans et souffre de cette injustice. La parente de trois personnes handicapées témoigne Sans vouloir divulguer son identité, une jeune femme s'est confiée à nous, espérant que ses paroles soient publiées. En ayant gros sur le cœur, elle nous raconte qu'elle a un frère âgé de 38 ans et deux sœurs plus âgées qui sont handicapés. «Le handicap est plus dur quand on vit dans une société comme la nôtre», dit-elle. «Une société où l'on ne donne aucune chance aux handicapés pour avoir une vie sociale.» Notre interlocutrice précise que son frère a pu travailler au sein de son entreprise qui fournit des prestations informatiques. Société qu'elle a créée surtout pour que son frère s'épanouisse. Elle était persuadée que son frère était capable de travailler et l'a embauché comme agent de maintenance. Il lui a fait honneur, mais malheureusement l'entreprise a dû fermer. Elle a travaillé dans une entreprise étatique où elle a pu avoir un emploi pour son frère. Ce dernier a été «viré» au bout de deux ans. Inutile de dire «qu'il était très professionnel dans ce qu'il faisait comme il l'était dans mon entreprise, vu que son handicap est léger». Résultat : repli sur lui-même suivi par une sérieuse dépression qu'on a diagnostiquée comme une schizophrénie. Ce qui était faux. «Mon frère a toutes les capacités de s'intégrer dans la société et dans le monde professionnel. Son retard mental ne l'a pas empêché de travailler. C'est l'entourage qui l'a anéanti», s'est-elle indignée, concluant que «son frère a un retard mental mais il a en même temps un pouvoir immense d'insertion comme beaucoup d'autres individus dans son cas. Et c'est la société, encouragée par l'indifférence de l'état, qui freine nos handicapés».