La vente anarchique du bétail, à l'occasion de l'aïd, a connu une expansion sans précédent cette année. Depuis 2007, la wilaya a décidé d'indiquer à la population et aux commerçants des points de vente des moutons dans l'intention de réduire l'ampleur des pratiques anarchiques en la matière comme préalable à leur suppression à long terme. Cette année, les maquignons ont passé outre cette mesure, et la wilaya n'a pas insisté sur son respect, parce qu'elle avait d'autres priorités, selon un élu de l'APW. La capitale tolère le commerce informel depuis le début de l'année 1990, même si cela n'arrange pas du tout les affaires des commerçants travaillant dans la légalité. Ces derniers paient le loyer chaque mois, disposent d'un registre du commerce, font l'objet parfois de descentes des agents du contrôle de la qualité et s'acquittent régulièrement de leurs impôts au risque de s'attirer des ennuis. Par contre, les trabendistes opèrent dans l'illégalité totale et attirent une bonne partie de la clientèle grâce (ou à cause) des niveaux des prix qu'ils pratiquent. Les fruits, les légumes, l'habillement, les cosmétiques et autres produits électroménagers se vendent ainsi sur la voie publique sans que les trabendistes soient inquiétés par la wilaya, à travers la mobilisation permanente des services de sécurité. Tout juste quelques opérations ponctuelles et sans lendemain. A force de tolérer cette anarchie, la wilaya a fini par encourager l'installation, même dans les centres urbains, de nouvelles pratiques commerciales : la vente du bétail. «Chaque année, à l'approche de l'aïd, nous assistons au même fléau. Les moutons sont exposés à la vente dans les cités et sur les voies rapides des fois un mois à l'avance. On se croirait à Djelfa ou à Laghouat. C'est l'image de la capitale qui vole en éclats», affirme un élu de l'APW. La situation va de mal en pis. En 2007, ce commerce a été à l'origine d'un tapage médiatique qui a poussé la wilaya à réagir. Par arrêté du wali, il a été décidé, non pas d'interdire les ventes, mais de les organiser. Un peu partout dans la périphérie de la première ville du pays, des espaces de vente ont été créés sur des terrains vacants. L'année suivante, la même décision a été reconduite, même si, en parallèle, le commerce illégal s'est improvisé dans les quatre coins de la wilaya. Cette année, l'activité semble ne répondre à une aucune règle. C'est partout l'anarchie. Pourquoi ? Quand la wilaya a d'autres priorités... Les pratiques interdites en 2007, à savoir la vente des moutons au centre-ville, sont de retour. Actuellement, des centaines de magasins sont spécialisés dans ce commerce. Les acheteurs les trouvent partout : la Casbah, Sidi M'hamed, Bouzaréah, Oued Koriche, Bab El Oued… Mais pourquoi ce retour à l'année 2007 ? «Je pense que la wilaya s'est donné d'autres priorités cette année. En fait, toute l'attention a été accordée à la préservation de l'ordre public. Il faut savoir que les services de la wilaya étaient en alerte depuis le début du mois en prévision du match Algérie-Egypte du 14 novembre. La vigilance a été à son comble surtout à l'occasion du second match Algérie-Egypte du 18 novembre. Personnellement, avec le recul, je dirais heureusement que nous avons gagné le second match et que nous nous sommes qualifiés à la Coupe du monde !», ajoute cet élu. Durant les quatre jours qui ont suivi cette qualification, note-t-il, la ville a été livrée aux supporters qui s'étaient donnés à tous les excès, notamment en ce qui concerne la circulation automobile. «Dans ce genre de circonstances, il est difficile de rétablir l'ordre facilement. Des milliers de policiers ont été mobilisés non pas pour empêcher les gens qui faire ce qu'ils voulaient, mais juste pour les encadrer et éviter tout dérapage», indique-t-on. Selon lui, après la qualification de l'Algérie au rendez-vous sud-africain de juin 2010, la gens vivaient une sorte de «période de grâce» au détriment de la loi. «A vrai dire, les maquignons qui ont envahi la capitale avec leurs troupeaux de moutons n'ont fait que prendre la place des supporters de l'équipe nationale de football», estime-t-on. La tolérance était de mise. La problématique de l'hygiène Nous sommes à la veille de l'aïd et une chose est sûre : une partie de la plage des Deux Moulins, située entre les communes Raïs Hamidou et Bologhine, se transformera en «mer rouge» vendredi matin. Cela a été le cas l'année passée. En fait, cette plage accueille tous les rejets générés suite à l'accomplissement du rite d'el adha. Les habitants de la ville laissent couler le sang des moutons, mêlé aux eaux usées, dans les avaloirs. Ce mélange puant se déverse directement à la mer sans aucun traitement préalable. Dans les communes de l'intérieur, les mêmes pratiques sont en vigueur. Les rejets se faufilent à travers les réseaux publics d'assainissement et les restes des moutons sacrifiés sont jetés dans les poubelles pour que les équipes de Net-Com les collectent et les transfèrent soit vers la décharge publique de Oued Smar, soit vers le centre d'enfouissement technique d'Ouled Fayet. «A ce jour, la wilaya ne dispose toujours pas de plan à mettre en œuvre le jour de l'aïd pour éviter que les habitants portent préjudice aux parties communes de leurs cités, surtout les jardins», dit l'élu. D'après lui, la meilleure solution réside entre autres dans le fait de faire doter les cités de structures servant d'abattoirs. «Ce n'est pas une découverte. Il y a des cités résidentielles qui en sont déjà pourvues», assure-t-il. En attendant, demain matin, les lieux publics seront transformés en espaces d'abattage de moutons.