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La rue comme foyer, le ciel en guise de toit
Les sans domicile fixe
Publié dans Le Temps d'Algérie le 29 - 11 - 2009

Ils n'ont pas eu la chance de passer l'Aïd dans un foyer. Lisa, Cherifa et son bourgeon de 11 ans Mohamed, khalti Malika, Abdeli dit El Bahri et Mohamed… des SDF, des oubliés de la société. Ce sont des hommes et des femmes qui ont basculé dans le monde de la déchéance, du néant et de la marginalisation.
Des gens pourtant qui rêvent seulement de choses simples de la vie, des hommes et des femmes qui ont pourtant exhibé la carte verte, celle de la dignité. Eux, ce sont les exclus de la société, ceux qui n'ont pas droit au rêve, aux projets, à l'espoir. Eux, ce sont ceux qui se font plus ou moins discrets le jour pour se saouler, se «coller»
à leur sachet rempli de diluant ou de Patex et s'éclater à leur manière la nuit. Des tranches de vie les unes aussi bouleversantes que les autres. Des destins singuliers et imprévisibles. Ce sont les sans domicile fixe (SDF) et non les sans difficultés financières ! Ce sont ceux qui se sont retrouvés, par cet état de fait, empêtrés dans les filets de la délinquance, de la débauche et du désespoir. Avec ou sans enfants, marié(e)s, divorcé(e)s ou encore veuves.
Première escale, premières victimes
Mohamed 26 ans et Lisa 24 ans. Nous les avons rencontrés au boulevard Che Guevara. Lisa était «emballée» dans des guenilles humides et se battait avec les pans d'un semblant de couverture pour protéger un tant soit peu sa petite nature transie de froid.
En cette nuit pluvieuse, difficile de tenir au froid glacial sans nourriture. Mohamed, allongé à côté d'elle, sachet bourré de colle Patex à la main et de temps à autre il inspirait son odeur pour voyager et partir loin de ses soucis. «Je m'enfuis, je traverse la mer, pour rejoindre mes frères», s'est-il exprimé avec difficulté.
Nous l'avons interrogé sur les raisons qui l'ont poussé à se réfugier dehors, Mohamed, qui est originaire de l'est du pays, raconte : «Je suis fils d'un officier de l'armée qui a passé sa vie dans les maquis et qui a oublié sa propre famille. Et par la suite il s'est remarié avec une copine à sa fille ! Du coup, je n'ai pas supporté l'humiliation, j'ai quitté le domicile après avoir eu une dépression nerveuse qui m'a terrassé.»
Quant à Lisa, ce bout de fille que les différentes drogues ont anéantie, elle est originaire de Blida. D'après Mohamed, Lisa est issue d'une famille très aisée, «mais comme on dit, l'argent ne fait pas le bonheur». Lisa a eu déjà une fille dans la rue et elle est enceinte de trois mois. Interrogé sur le «papa», Lisa répond d'un air désolant :
«Je ne sais pas, tout le monde profite de moi, il y a eu même des hommes âgés qui me prennent en voiture pour une partie de plaisir.»
Sur le sort de son premier enfant, Lisa n'a pas voulu remuer le couteau dans la plaie qui demeure ouverte et s'est contentée de crier : «On m'a volé mon enfant.»
Cherifa, comme digne
Une autre victime, un autre cas, celui de Cherifa, cette fille noble et digne. Elle est dehors depuis 10 ans déjà, a sa charge un enfant de 10 ans d'une intelligence incroyable, scolarisé grâce aux âmes charitables. Cherifa est une vraie «bent leblad».
«Je suis née à El Biar et mon grand-père est né à La Casbah, notre maison est mitoyenne à la grande mosquée d'Alger», a déclaré la pauvre femme en tremblant. Son histoire est semblable à celles des milliers d'autres femmes punies par dame nature et condamnées par l'homme pour qu'elles restent un sous-humain.
«La cause de mes malheurs, c'est ma mère, elle ne veut plus de moi parce que je suis veuve et elle ne veut pas de mon fils. Elle m'a demandé de le déposer à l'assistance sociale, et quand j'ai refusé elle m'a chassée. Je ne vis que pour lui.
Mais je me rends chez elle chaque Aïd, Dieu nous a recommandés de faire du bien aux parents.» No comment. Cherifa vit actuellement de la charité de bienfaiteurs.
Nous avons continué notre périple avec des pieds lourds, lourds par le poids de la misère de nos compatriotes. Bab Azzoun, 1h30, le froid brise les os, derrière des cartons, une carcasse allongée, le visage ridé et les nerfs usés. Abdeli, dit El Bahri.
La cinquantaine passée, il nous toise d'un regard perçant et après reconnaissance, il se lève, et là un autre tableau apparaît : un corps criblé de balles, des impacts de balles dessinent son torse. Notre stupéfaction a fait réagir El Bahri : «C'est l'historique des années de braises, je suis patriote et j'ai traqué la horde terroriste dans les maquis pour sauver le pays. Après tant de loyaux services, voilà où je me retrouve, dans un carton.»
Abdeli est originaire de l'ouest du pays, il est venu à Alger pour faire le docker afin de nourrir cinq petites bouches et leur mère. Nous avons interrogé Abdeli s'il percevait une éventuelle pension, sa réponse est catégorique : «Non», et d'ajouter : «Si je travaille je mange, sinon je crève, mais Dieu est Grand, et un jour ou l'autre chacun payera pour ses actes.»
Fille de chahid, fille de rue !
Khalti Malika fait aussi partie de ce «club des sans domicile fixe», a ironisé Mohamed, tout en préparant son petit lit de fortune. Malika est handicapée, elle est amputée d'une jambe. Cette femme d'une soixantaine d'années est atteinte de plusieurs maladies, le diabète, l'hypertension et l'asthme. Son père est mort en 1957 au champ d'honneur et enterré au carré des martyrs dans la wilaya de Mascara. Vous l'avez deviné, elle est fille de chahid.
Malika nous a confié qu'elle est la cadette de ses sœurs qui perçoivent des pensions de fille de chahid, qui ont bénéficié de logements, alors qu'elle se retrouve entre quatre cartons, exposée à tous les dangers. «Mon père est enterré au carré des martyrs, et moi je suis entassée à Bab Azzoun.» Concernant son handicap, khalti Malika nous a fait savoir que les structures sanitaires lui
ont refusé une prothèse gratuite. «Je me suis rendue à Ben Aknoun pour une prothèse et on m'a demandé de payer 8 millions de centimes parce que je ne suis pas assurée. Vous trouvez cela logique, moi fille de chahid ? Alors que des fils et des filles de harkis se permettent le luxe ? Pourquoi cette injustice ?»
Que peut-on dire, comment répondre. D'un revers de la main, khalti Malika s'allonge en murmurant des mots similaires à des versets coraniques. Nous les avons abandonnés à 3h, en sanglots. Les places et les rues d'Alger fourmillent de miséreux définitivement désespérés. Boulevard Che Guevara, Port Saïd, Bab Azzoun...
Partout au grand jour et sous les yeux de millions d'indifférents, des vies se consument lentement. Sûrement. Il y a tous les autres marginaux : les fous, les mendiants, les prostituées. Les SDF d'aujourd'hui sont des gens parfaitement normaux, des femmes parfaitement normales, seules ou avec des enfants victimes des ravages du code de la famille, du terrorisme, des déplacements de population, de la violence extrême...
Les pouvoirs publics font semblant d'apporter des solutions. Ils n'ont jamais rien fait de palpable, sinon quelques actions folkloriques, tels les restos de la rahma de ramadhan. Les SDF n'ont plus d'âge ni de sexe. Ils ne viennent pas nécessairement de l'intérieur du pays, comme c'était le cas il y a quelques années. Ils sont de cette ville. Ils ont tout perdu ou tout simplement jamais rien eu. La misère est désormais trop enracinée, il y a trop de malheureux, trop peu de moyens, trop peu de structures spécialisées, trop peu de solidarité mais surtout trop d'indifférence.


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