Alors que le débat controversé et polémique sur l'identité française éprouvait les pires difficultés à s'installer au sein de la classe politique et de la société française, la première bévue est venue de là où théoriquement on a intérêt à ce qu'il soit entamé dans la sérénité. En recommandant à des jeunes en difficulté de ne pas «parler en verlan et ne pas mettre sa casquette de travers quand on cherche un emploi», la secrétaire d'Etat à la famille Nadine Morano a, avec ou sans arrière-pensée, mal engagé le débat, et c'est le moins qu'on puisse dire. Elle devait quand même savoir que lorsqu'on entreprend quelque chose qui, dans l'absolu, ne fait déjà pas l'unanimité quant à sa pertinence, ça devient très vite plus compliqué de «donner l'exemple» en la situant sur le terrain le plus précisément redouté. La majorité aux affaires françaises, après tout, pouvait envisager tous les débats, puisqu'il s'agit de… débats. Et elle a pu, dans une certaine mesure, tempérer les ardeurs de tous ceux qui ont réagi de manière viscérale à l'initiative et l'ont rejetée sans autre forme de procès. Des personnalités de gauche à qui il arrive de renoncer à leur métier de s'opposer ont dit ne pas être effarouchés par ce débat pour peu qu'il ne soit pas «orienté» ou «confiné», des intellectuels pas forcément acquis à Sarkozy sont déjà rentrés dans le vif du sujet et les plus apaisés parmi les observateurs posaient déjà les questions de fond. Tout le reste est «politique». L'opposition de gauche criait, comme il fallait s'y attendre, à la stigmatisation raciale, le centre version Modem n'y voyait qu'une opération électoraliste à l'orée du scrutin régional et l'extrême gauche une diversion qui voudrait détourner les Français des vrais enjeux de l'heure que sont les questions économiques et sociales. Tout est donc dans l'ordre naturel des choses, sauf qu'il est difficile de ne pas savoir qui, en France, parle le verlan, porte la casquette à l'envers et a des difficultés pour trouver un emploi, même quand sa valeur intrinsèque est indiscutable. Ce n'est pas par hasard que ce sont maintenant les appels à l'arrêt du débat sur l'identité nationale qui trouvent plus de relais que ceux qui croyaient avoir dégrisé la situation. Ce n'est pas non plus par hasard que ce sont Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la ville et Yazid Sebag, commissaire à la diversité - tous deux issus de l'émigration - qui sont appelés au secours d'un débat déjà compromis. «Déjà», parce que sensible. Si sensible que les explications de madame Morano, qui se dit «victime d'une malhonnêteté intellectuelle», semblent dérisoires. En tout cas trop insuffisants pour que la machine soit relancée. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir