Ce n'est sans doute pas le seul, mais le rapport qu'ont les Algériens aux fêtes de fin d'année est très bizarre. La controverse d'abord : tout le monde ou presque vous dira que le plaisir a déserté les chaumières et les cœurs et tout le monde ou presque s'enfièvrera quand même. A trouver la bûche devenue problématique depuis que de sombres illuminés l'ont décrétée hérétique mais qu'on trouve quand même. Une table dans l'un des restaurants qui «ne font rien pour le réveillon» et qui affichent complet pour la nuit du «31». Un billet d'avion pour Tam, Timimoun, Taghit ou Tunis, les nouvelles destinations tendance. Une bande d'amis avec qui on a suffisamment d'affinités pour partager un appartement et les frais de la soirée. Le saumon fumé dont on n'apprécie pas particulièrement le goût mais devenu inévitable parce que «ça fait bien». Le caviar qu'on n'aime pas plus que le saumon mais qu'on tente frénétiquement de se procurer parce que ça fait aussi «bien». Le champagne qu'on ne sait pas distinguer du plus vulgaire des vins mousseux à deux euros mais qu'on achète quand même en se vantant d'en avoir pu dénicher chez l'ami steward d'Air Algérie. Le foie gras qui a les mêmes senteurs que les abats de poulet mais «tout aussi quand même» agrémente la table. Les disques "»qui font danser» alors que personne ne va danser. Enfin le coiffeur et la tenue qui feront de tout le monde des singes endimanchés qui se trouveront beaux et élégants à force de se le dire entre eux. Et si avec tout ça vous n'avez pas passé un bon réveillon parce que vous avez crié sur toutes les latitudes que les fêtes de fin d'année, c'est vraiment pas votre truc, c'est qu'il y a un problème. Et c'est quoi le problème donc ? Le voilà : vous êtes complexés. Vous avez oublié la marche de la poule et vous êtes incapables d'adopter celle de la perdrix. Vous avez renoncé aux plaisirs simples sans assumer vos nouvelles prétentions. En acceptant la bûche livrée par un boulanger terrorisé par le petit islamiste du quartier au point de vous la servir dans l'arrière-boutique ou vous la livrer lâchement dissimulée à domicile. Vous êtes incapables d'un couscous mixte et bon enfant et vous allez vous empiffrer de produits dont vous ignorez tout et vous soûler jusqu'à la dégueulade collective en masculin pluriel. Vous aurez ainsi «réveillonné» malgré vous et surtout contre vous. Bonne Année. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir