Ils ont ainsi cinq revendications que «la tutelle tarde à satisfaire», selon les termes de la coordination intersyndicale, qui justifierait une «grève nationale» de deux jours à entamer dès aujourd'hui. Les chauffeurs de taxi sont terribles. On ne connaît pas la proportion et le rôle des taxis d'Alger par rapport à leurs «collègues» de l'intérieur du pays dans ce débrayage. Les habitants de la capitale comme ceux qui y séjournent de temps à autre savent par contre que ces derniers sont sur une autre planète. Leur posture donne à cette «unité d'action» quelque relent d'alliance contre nature associant dans une même galère deux mondes qui, dans la vraie vie, ont trop peu de choses à partager. Et de quoi est faite la vraie vie des taxis d'Alger ? Un itinéraire unique choisi selon des centres d'intérêt qui diffèrent d'un chauffeur à un autre. Cela fait d'eux des bus individuels, mais ce sont quand même des taxis. La proximité de la résidence qui leur permet de remettre le cache à n'importe quel moment. Un parcours moins encombré grossit la recette et évite tout désagrément du métier. Le pourboire qui veut souvent dire que la clientèle de tel ou tel quartier ne jette jamais un regard sur le compteur. La «sécurité», qui signifie toujours que les habitants d'une cité ou d'une rue sont des pestiférés intransportables. Et enfin la permissivité des contrôles, qui suggère qu'à tel barrage les policiers ne font pas leur travail ou, plus commode, acceptent le petit billet. Tous les taxis d'Alger sont «collectifs», mais il y a ceux qui en portent l'enseigne et ceux qui ne la portent pas. Le «jumelage» est théoriquement interdit mais entre deux opérations sans lendemain, tous les taxis le pratiquent au nez et à la barbe des policiers. A partir d'une certaine heure, pratiquement aucun compteur ne fonctionne. C'est le règne nocturne de «la course». On peut déjà s'estimer heureux que le taxi devienne miraculeusement disponible la nuit. Mais à quatre ou cinq fois le prix, elle revient trop chère, la disponibilité. Sans compter qu'il faut aller le chercher à des endroits bien précis, généralement à proximité des bars qui «veillent». Sinon, la nouvelle tendance est à l'appel téléphonique, si vous avez quelques cartes de visites de «taxieurs» particulièrement entreprenants. Avec tout ça, on se sent systématiquement sur une autre planète quand, en débarquant dans une ville de l'intérieur, on découvre que le taxi est un service «normal», qu'on peut arrêter une voiture n'importe quand et n'importe où, que le prix de la course modique est unique pour tous les endroits de la ville, qu'on ne «jumelle» presque pas et qu'on vous remet même le pourboire que vous donnez de bon cœur en croyant à une erreur de votre part. Un autre monde qui n'a rien de la jungle d'Alger avec laquelle on partage quand même la… grève. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir