L'oléiculture est une activité importante dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj. L'année dernière, la wilaya a produit près de 150 000 q d'olives, ce qui la place parmi les dix meilleures au plan national. Elle participe à hauteur de 3% dans la production globale. Cette donne est appelée à se renforcer avec les perspectives intéressantes qui s'offrent au secteur. Les projets multiples qui sont implantés dans la wilaya devront permettre une augmentation des quantités cueillies et surtout une généralisation de l'activité.
La région nord, pays de l'olive Mais actuellement cette activité se concentre au nord de la wilaya, principalement dans les daïras de Djaâfra, mais aussi Zemmoura et Mansourah. Cela ne veut pas dire qu'elle est absente des autres. Les oliviers sont partout. Mais ils sont concentrés dans cette région. Pratiquement toutes les terres sont couvertes de ce type de plantations. Cela fait de la zone une région verte. Il faut dire que le relief difficile n'autorise pas d'autres cultures. La culture d'agrumes qui y est pratiquée est à petite échelle. Elle suffit à peine pour subvenir aux besoins des habitants. Cette situation les place dans un état de dénuement total. La rudesse des travaux qu'ils sont obligés d'effectuer pour soutirer quelques kilogrammes de pommes de terre, de tomate ou de poivron. Le manque d'investissement industriel n'est pas fait pour arranger les choses. Le chômage est important. Pourtant la population est volontaire. Les habitants qui sont obligés d'émigrer à l'étranger ou changer de ville ont prouvé leurs capacités. Dans leur région ils sont dans un climat défavorable. Même le commerce est absent. L'isolement dans lequel la région se trouve ne permet pas un flux important de marchandises. Pis, les habitants éprouvent les pires difficultés pour assurer leurs approvisionnements. Pour effectuer leurs achats, ils doivent faire face au climat rude et au manque de moyens de transport. Economie et culture Pour unique moyen d'échange ou de vente ils n'ont que la récolte de leurs oliviers. Ces derniers représentent pour eux une source de revenus et même de vie. L'huile qu'ils tirent a de multiples usages, tout comme les oliviers. On comprend pourquoi ils pleurent à chaque perte de cette source, comme le montre si bien le grand écrivain Mouloud Mammeri dans son chef d'œuvre L'Opium et le Bâton. Des utilisations médicales, alimentaires et même industrielles. Cela explique l'attrait dont le produit jouit. Pour beaucoup de gens, une table qui n'est pas garnie d'une bouteille d'huile d'olive n'en est pas une. Tant mieux pour les habitants qui trouvent enfin une raison d'espérer une amélioration de leurs conditions économiques. Malheureusement, ce commerce aussi lucratif soit-il est soumis à la loi de l'offre et de la demande. Parfois l'offre baisse comme cela est le cas cette année. La chaleur qui a sévi durant le printemps a gêné la floraison. Les olives ne sont pas remplies au grand désarroi des cultivateurs. Ces derniers s'attendent à une mauvaise année. Mais il est encore tôt pour se prononcer sur la production. Les huileries tournent encore. Cela n'a pas empêché les prix d'augmenter. Le litre a atteint 400 DA. Cette situation peine aussi bien les consommateurs que les producteurs. Le manque à gagner est important. Les cultivateurs qui ont sué pour mettre le produit à la disposition des clients espèrent des jours meilleurs où l'huile d'olive est non seulement le produit qu'il faut mais aussi avec la disponibilité nécessaire. Mais cette opération n'est pas seulement une source de revenus. Elle est aussi une activité culturelle. Pour beaucoup d'habitants, les oliviers sont un signe distinct et un symbole identitaire. La beauté de l'arbre et sa richesse ajoute à sa consécration en tant que caractéristique régionale. Les multiples manifestations qui accompagnent son exploitation comme les chants et les contes sans oublier les habits et même les gestes font de ses multiples facettes et notamment la cueillette une véritable fête. Justement, beaucoup de familles tiennent à ne pas rater cet événement. Qu'elles habitent dans la région ou ailleurs, ces familles ne ratent pas le rituel. Avec les cueilleurs Nous nous sommes soumis à ce rituel à l'occasion d'une randonnée près de Thiaroussine (commune de Djaâfra, 40 km au nord du chef-lieu de la wilaya de Bordj Bou Arréridj), nous avons pu assister à la cueillette des olives. Arrivé au sommet de la montagne, les premiers oliviers parviennent à l'horizon. Nous commençons lentement la descente de cette route, jusqu'à notre arrivée à la destination. C'est une oliveraie d'une centaine d'arbres. Le soleil étant au rendez-vous, les champs sont envahis par les paysans dont certains sont venus de loin pour l'occasion. Cette occasion sera non seulement celle du ramassage mais aussi celle de s'enquérir de la situation du patrimoine oléicole de la famille et se faire des rencontres qui aboutissent généralement à des mariages. Les familles se sont rassemblées devant l'entrée du champ. Après s'être assuré de la présence de tous les effectifs, les volontaires ont entamé la conquête des champs d'olives. Cela nous a rappelé chercheurs d'or. Un or d'un autre genre. Les ouvriers étalent une bâche en plastique au pied de l'arbre, se munissent d'une gaule en bambou ou en roseau avec laquelle ils vont secouer délicatement les branches chargées de fruits. Cet héritage n'a pas connu de changement aussi bien dans la forme que dans la méthode. La cueillette se fait à la main même si les cueilleurs ont de moins en moins recours au gaulage comme cela se faisait par le passé, de peur de blesser l'arbre. Les fruits se détachent des rameaux et tombent dans le filet formant un tapis. Ils sont ensuite chargés dans des caisses ou des corbeilles en pailles. A dos d'âne, ils sont transportés au village. ;Les flûtes ne sont pas écartées de leurs cortèges. Nos accompagnateurs profitent de leurs repos pour se mettre à chanter, tout en dégustant leurs goûters. Durant ces moments, tous les membres de la famille se régalent à fond. Nous laisserons les cultivateurs à leur fête qui n'est pas terminée. Leur travail aussi. Le soir venu, ils doivent étaler la récolte dans des chambres bien aérées et exposées au soleil. Le matin avant de repartir aux champs, il faut remuer la récolte, séparer les olives de tout ce qui est léger (feuilles, poussière, brindilles). La campagne de ramassage et de transformation des olives durera jusqu'au mois d'avril. Comme quoi tout le monde peut profiter.