La prestigieuse union qui rassemblait tous les travailleurs algériens perd-elle du terrain ? Tout porte à le croire, et selon les nouvelles règles de la représentativité, seuls les syndicats automnes arrivent à réunir les travailleurs autour des préoccupations socioprofessionnelles et sont désormais aptes à négocier et à arracher des acquis. La démonstration des syndicats de l'éducation est la preuve concrète d'un revirement total de la situation. L'UGTA, considérée comme une organisation syndicale dont le poids a été de taille depuis sa création, le 24 février 1956, jouit toujours d'une place prépondérante sur la scène politique algérienne mais n'arrive plus à rassembler tous les travailleurs algériens, dont plusieurs d'entre eux ont opté pour d'autres canaux, et les syndicats autonomes ont réussi à s'incruster, prônant les revendications salariales et l'amélioration des conditions d'exercice, «la maison des travailleurs», et même si elle ne désemplit pas, n'attire plus les foules. Il faut dire que les temps sont durs et les conflits internes perdurent. Malgré cela, l'UGTA reste le seul interlocuteur du gouvernement. Elle est incontournable aussi lorsqu'il s'agit de signer le pacte social, et bien qu'elle soit l'un des rarissimes syndicats au monde à avoir approuvé un programme d'ajustement structurel du FMI, elle occupe toujours une place de choix dans le cœur de nombreux d'Algériens, donc des travailleurs, qui la considèrent comme partie de leur histoire. Les syndicats autonomes prennent le dessus Les syndicats autonomes sont aujourd'hui les seules organisations qui défendent les travailleurs et les mouvements sociaux dans la Fonction publique ont démontré les capacités de mobilisation des syndicats libres. Actuellement, il y a plus de cinquante trois syndicats autonomes qui activent aujourd'hui dans le secteur de la Fonction publique et le secteur économique public, dans le cadre des lois 90-14 et 90-02 issues de la Constitution de 1989. La majorité d'entre eux ont une représentativité dans chaque wilaya. Il est à préciser que ces syndicats de corporation font l'actualité sociale au détriment de la grande absente UGTA. Ils sont devenus désormais les principaux protagonistes du mouvement syndical en créant de nouvelles pratiques dans le champ syndical. Eh oui, fini l'ère de Abdelhak Benhamouda, l'enfant «terrible» de Constantine qui a fait du combat pour le travailleur son principal credo. Selon ses compagnons, «le mouvement syndical algérien était composé de militants aguerris par une longue expérience de combats menés sur les lieux de travail et au sein de la société contre les formes d'exclusion, de discrimination et d'exploitation», et c'est ce qui a fait sa force. Aujourd'hui, l'UGTA est accusée d'être un appareil administratif, décalé de la réalité du monde du travail, ayant perdu sa force revendicative, et suspecte d'être trop conciliante avec les pouvoirs publics, et l'on se souvient de ce 15 janvier 2008, où les SNPSP, SNPSSP, SNPDSM, SNVFAP, Snaps, Satef, SNTE, Unpef, Cnes, Snapest, Snapsy et Snapap avaient réussi à briser l'ordre établi en paralysant le pays pour une journée alors que l'UGTA paraît totalement absente. L'union de Constantine prône la désobéissance Le décalage de la centrale se propage au fil des jours, et des grèves marquantes comme celles de la zone industrielle de Rouiba et d'ArcelorMittal Annaba ont été initiées par les sections locales sans l'assentiment de la centrale d'Alger. L'exemple de l'union de wilaya de Constantine en est le plus édifiant, en ce sens qu'il traduit le malaise organique. En effet, le conflit qui ronge la prestigieuse maison du syndicat Benhamouda est apparu depuis plus d'une année. Il oppose le secrétariat de wilaya à la centrale. Cette dernière le considère comme illégitime depuis la tenue du 11e congrès national de l'UGTA. Pour cela, le secrétariat de wilaya a décidé d'organiser un congrès au mois de mars avec ou sans l'accord de la centrale syndicale. «Il est grand temps de donner la parole à l'urne, seule à même de nous départager avec nos adversaires», avait annoncé M. Mehdi, secrétaire de wilaya de Constantine. Ainsi ce conflit syndico-syndical se transforme en véritable bras de fer et une démonstration de force entre le secrétariat de wilaya et les membres du bureau de l'union locale centre, soutenus par la centrale. Malgré cela, l'union de wilaya lance le défi et refuse d'appliquer les décisions de sa tutelle. De surcroît, elle accuse les membres de l'union locale centre de «de vouloir casser» l'organisation syndicale à Constantine. Ces derniers rejettent également ces accusations et lancent à leur tour un défi au secrétaire de wilaya qui, selon eux, cherche désespérément à organiser un congrès pour obtenir une représentativité. Il est à rappeler que le conflit constantinois a éclaté au grand jour à la suite de la décision notifiée le 1er juillet 2009 par la centrale syndicale qui demande à l'union de wilaya la réhabilitation du secrétariat de l'union locale centre, destitué le 30 juin 2008. Une histoire de détournements qui n'a pas encore révélé tous ses secrets car les deux parties en conflit s'accusent mutuellement.