A l'origine de cette contestation de la base, la situation explosive du front social due essentiellement aux retombées néfastes des réformes économiques sur le monde du travail. Elle intervient à quelques mois seulement du 10e congrès de l'organisation qui coïncidera avec son cinquantième anniversaire (février 2006). Lors de la réunion tenue hier à Alger, plusieurs syndicats d'entreprise (BEA, BDL, Enelec, Cnan, Douanes, Nashco, Entmv et ports) ainsi que la fédération des finances ont dénoncé « les pratiques mafieuses » de certains responsables syndicaux tout en mettant l'accent sur « le comportement » du chargé de l'organique au niveau de la centrale syndicale. L'ordre du jour de cette réunion, qui devait être consacrée à la suite à donner aux revendications de la coordination de ces syndicats, a pris une autre tournure. L'assemblée générale s'est transformée en tribune d'expression pour les syndicalistes, lesquels n'ont pas mis de gants pour tirer à boulets rouges sur leur organisation. Ahmed Badaoui, secrétaire général du syndicat des Douanes, est revenu sur les conditions du gel du mot d'ordre de grève générale lancé vers la fin septembre. « Il y a des syndicats qui se sont positionnés contre le gel de cette action parce qu'il y avait un sentiment général que Sidi Saïd, qui a demandé à rencontrer les membres de la coordination, n'avait pour préoccupation que l'arrêt de ce mouvement de protestation et non pas la prise en charge des revendications socioprofessionnelles contenues dans la plateforme de septembre dernier. » Nous ne contestons pas la crédibilité et la bonne volonté de Sidi Saïd, mais il se trouve que depuis notre appel aucune autorité n'a daigné nous répondre ou prendre contact avec les travailleurs. Nous voulons que l'UGTA revienne à ses véritables adhérents. Si nous sommes réunis autour de cette structure, c'est uniquement pour des objectifs socioprofessionnels. Il y a une grave situation de laisser-aller, de dilapidation des biens des travailleurs, de détournement du patrimoine de l'organisation. Des pratiques qui n'honorent nullement la mémoire de Aïssat Idir et de Abdelhak Benhamouda », a-t-il lancé. Selon lui, il y a un « immense décalage » entre les discours des responsables de la centrale syndicale et la réalité du terrain. M. Badaoui s'est interrogé si l'organisation va traîner avec elle ces « graves problèmes » pour fêter ses 50 ans au mois de février 2006. « Il est temps de revendiquer une véritable réforme de l'UGTA. Nous n'appelons pas à une scission, mais au renforcement des rangs grâce aux syndicalistes honnêtes et intègres qui existent encore au sein de l'organisation » ; a-t-il noté avant de donner la parole à M. Bedia, membre de la commission exécutive nationale (CEN). Ce dernier n'a pas manqué de revenir sur certains événements ayant secoué l'UGTA, notamment le ralliement par de nombreux travailleurs de l'éducation au Snapap, un syndicat autonome. « Nous avons opté pour la coordination parce que les structures organisationnelles sont verrouillées et non représentatives. Il y règne un climat de dictature et des pratiques policières. Des syndicalistes ont été harcelés, emprisonnés, réprimés, licenciés de leur travail et aucune réaction n'a été enregistrée pour y faire face. La coordination n'appartient pas au port, mais à tous les travailleurs qui veulent bien défendre leur outil de travail... », a-t-il déclaré sous les applaudissements de la salle. L'ancien chargé de l'organique de l'union de la wilaya d'Alger, M. Morsli, a rappelé à l'assistance que la réunion tenue au siège de la centrale syndicale par le chargé de l'organique la semaine écoulée s'est déroulée dans la clandestinité, puisque de nombreux membres de la commission exécutive de la wilaya et des unions locales n'ont pas été conviés. Le représentant du syndicat de la BEA a, quant à lui, réaffirmé le soutien des travailleurs de la banque à la coordination, en insistant néanmoins sur ce qu'il a qualifié de « dérives » du chargé de l'organique de l'UGTA. Reprenant la parole, Ahmed Badaoui a expliqué que la force d'un syndicat « ne réside pas dans ses appareils, mais dans son ancrage au sein de la base ». Allusion faite au chargé de l'organique qui avait réuni les secrétaires de certaines unions locales d'Alger pour une démonstration de force destinée à se donner une légitimité. La création de la coordination reste, pour lui, contraire au règlement de l'organisation. Ahmed Badaoui a mis en garde contre « toute action » qui viserait à concrétiser les décisions contenues dans la déclaration qui a sanctionné la réunion de l'union de la wilaya. « Dans cette déclaration, les participants à la réunion ont habilité le chargé de l'organique pour prendre toutes les mesures disciplinaires à l'encontre des membres de la coordination. Nous mettons en garde quiconque osera toucher aux syndicalistes. Notre structure n'a rien d'illégale. Elle a juste contourné les blocages et le verrouillage qui caractérisent le cadre organisationnel habituel. De nombreux syndicalistes nous ont appelés de plusieurs régions du pays pour nous exprimer leur soutient et pour nous apporter leur solidarité. Les travailleurs comptent beaucoup sur notre structure, il y va de la survie de l'UGTA. Les compressions, les problèmes des retraités, de la Fonction publique, du chômage, du bradage des entreprises économiques sont autant d'ingrédients qui présagent une situation sociale très dangereuse pour le monde du travail. Nous savons que le train est parti, mais au moins nous aurions tenté de préserver nos acquis... », a-t-il conclu. Les syndicalistes se sont entendus pour se revoir le 8 novembre prochain afin de décider des actions de protestation à mener d'autant que le délai accordé au secrétaire général de l'UGTA a expiré sans pour autant qu'il y ait un quelconque acquis.