C'est au cours des travaux du IVe congrès de l'American Federation of Labor, en 1884, que les principaux syndicats ouvriers des Etats-Unis s'étaient donné deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils avaient choisi de débuter leur action un 1er mai parce que beaucoup d'entreprises américaines entamaient ce jour-là leur année comptable. Arrive le 1er mai 1886. Si la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs américains d'obtenir la journée de huit heures, d'autres, moins chanceux, au nombre d'environ 340 000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder. Deux jours plus tard, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester à Chicago. Une marche de protestation a lieu le lendemain et, tandis que la manifestation se disperse et qu'il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers, une bombe explose devant les forces de l'ordre, faisant une quinzaine de morts dans les rangs de la police. Trois syndicalistes anarchistes sont jugés et condamnés à la prison à perpétuité et cinq autres sont pendus malgré des preuves incertaines. La stèle de l'un d'entre eux, enterré au cimetière de Waldheim, à Chicago, porte l'inscription suivante : «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui». Trois ans après le drame de Chicago, en 1889, la IIe Internationale socialiste réunit à Paris son deuxième congrès. Les congressistes se donnent pour objectif la journée de huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé). Jusque-là, il est habituel de travailler dix ou douze heures par jour, le décret de 1848, réduisant à 10 heures la journée de travail n'ayant résisté que quelques mois à la pression patronale. Le 20 juin de la même année, les congressistes décident que sera «organisé une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d'appliquer les autres résolutions du congrès. Mais le 1er mai 1891, dans une petite ville du nord de la France, la manifestation rituelle tourne au drame. La troupe tire à bout portant sur la foule pacifique des ouvriers, faisant dix morts dont 8 de moins de 21 ans. L'une des victimes, habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée. Avec ce drame, le 1er mai s'enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens. La journée de huit heures et la semaine de quarante-huit heures L'horizon paraît s'éclaircir après la première guerre mondiale. Le 23 avril 1919, le Sénat français ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant, à titre exceptionnel, une journée chômée. Le traité de paix signé le 28 juin 1919 à Versailles fixe, dans son article 247, l'adoption de la journée de huit heures ou la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n'a pas encore été obtenue» ! Les manifestations rituelles du 1er mai ne se cantonnent plus dès lors à la revendication de la journée de 8 heures. Elles deviennent l'occasion de revendications plus diverses. La Russie soviétique, sous l'autorité de Lénine, décide en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée. Cette initiative est peu à peu imitée par d'autres pays. L'Allemagne nazie va encore plus loin ! Hitler, pour se rallier le monde ouvrier, fait, dès 1933, du 1er mai une journée chômée et payée. En 1947, le 1er mai devient de droit un jour férié chômé et payé pour tous les salariés sans conditions, mais il n'est pas officiellement désigné comme fête du Travail. Ce n'est que le 29 avril 1948 qu'est officialisée la dénomination «fête du Travail» pour le 1er mai.