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Les dessous de la libération de la jeune Française
La France et le nucléaire iranien
Publié dans Le Temps d'Algérie le 19 - 05 - 2010

La libération de la jeune universitaire française, travaillant en Iran, Clotilde Reiss, par la justice iranienne, elle qui était accusée d'espionnage, mise en prison avant d'être mise en résidence à l'ambassade de France à Téhéran
pour avoir envoyé des images et des informations aux services de renseignements de son pays sur les manifestations survenues en Iran l'été dernier, cache des dessous que les autorités françaises taisent à dessein.
Les autorités iraniennes ont négocié cette libération avec brio, avec leurs homologues français, qu'elles considèrent comme ennemis intransigeants du fait des positions tranchées de l'Iran sur Israël. Des négociations qui ont duré une dizaine de mois, le plus souvent dans le silence et le secret absolu,
les Iraniens ont tiré un maximum de bénéfices. Premier point inscrit à l'actif des autorités iraniennes, la justice iranienne a levé l'interdiction de quitter le sol iranien signifiée à la jeune Française en contrepartie du versement d'une amende évaluée à quelque 350 000 euros.
Cette levée lui a ainsi permis de regagner son pays. L'amende a été payée par l'ambassade de France à Téhéran. A ce sujet, l'opinion publique française a appris cette information en se demandant pourquoi les dirigeants français se sont murés dans un silence embarrassant sur cette question, d'autant que personne n'a expliqué qui va rembourser cette somme prélevée sur l'argent du contribuable.
Espionne «volontaire»
La jeune Reiss, 23 ans, qui paraît-il manie bien la langue iranienne, le farsi, est lectrice de français à l'université d'Ispahan. Elle a déjà eu maille à partir avec la justice iranienne en mars 2009, soit un mois seulement après son arrivée en Iran. Elle a été accusée par le ministère iranien du Travail d'avoir exercé son métier à l'université d'Ispahan au noir, lors d'un précédent séjour au pays.
Elle a été ainsi condamnée à une amende d'environ 3000 euros. En réalité, elle est pistée sans relâche par les agents iraniens, pour ses accointances avec l'opposition iranienne dans les milieux universitaires, qui lui reprochent l'intelligence avec une puissance étrangère, la France.
Ces reproches se sont vérifiés lors des manifestations de l'opposition après la réélection du président Ahmadinejad, en juin 2009. Arrêtée, elle est accusée d'avoir diffusé des photographies de manifestants prises au cours d'une émeute à Ispahan. Lors de son procès,
en compagnie d'un grand nombre d'opposants qui était diffusé par la télévision, Reiss a reconnu avoir pris part aux manifestations des 15 et 17 juin à Ispahan et d'avoir rédigé un «rapport» sur ces manifestations à l'intention du directeur de l'Institut français de recherche en Iran , qui dépend du service culturel de l'ambassade de France, selon la presse française.
L'espionne «volontaire», selon un ancien sous-directeur de la DGSE, a également reconnu avoir rédigé par le passé, dans le cadre d'un stage au commissariat à l'énergie atomique de son pays où travaille son père, un rapport sur «les politiques en Iran en lien avec l'énergie nucléaire».
Elle a en revanche expliqué à sa décharge qu'elle avait utilisé «des articles et des informations qu'on trouve sur internet». En France, au lendemain de son retour, son statut d'espionne est sujet à polémique, dans les médias surtout.
Tractations silencieuses juteuses
Rapatriée dans un avion présidentiel depuis Dubaï, où cette femme à qui tout le monde attribue le qualificatif d'«otage» était arrivée sur un vol régulier de Téhéran, Reiss est reçue par Sarkozy à l'Elysée, avant d'être présentée devant la presse pour une brève déclaration qu'on lui a sifflée.
Elle est gentiment «empêchée» de répondre aux questions des journalistes sur le perron de l'Elysée par le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, sans doute de crainte qu'elle révèle quelques détails sur les négociations ayant conduit à sa libération, qui risquent de compromettre les tenants du pouvoir.
Mais la bombe est lâchée par l'ancien sous-directeur de la DGSE, Pierre Siramy, de son vrai nom Maurice Dufrenne, pour qui la jeune femme était «immatriculée à la DGSE». Siramy a même affirmé que Reiss «avait travaillé sur l'Iran au profit de la France pour collecter des informations qui étaient de nature de politique intérieure et d'autres qui étaient sur la prolifération nucléaire».
L'ancien officier a révélé aussi que «Clotilde Reiss s'était présentée d'elle-même à l'ambassade, dès son arrivée en Iran. Un engagement que les autorités locales avaient découvert avant de l'arrêter en juillet 2009». Aussitôt, une avalanche de ripostes tombe dans les médias français de tout côté pour mettre en doute ces affirmations. L'homme est traité de tous les noms, ses propos sont qualifiés de «ridicules» et de «fantaisistes» et il lui est fait grief de faire la promotion de son livre sur les services secrets, en utilisant cette affaire.
Mieux encore, le ministre français de la Défense, Pierre Morin, rappelle avoir déposé une plainte contre l'ancien membre des services français, le mois dernier, à la suite de la publication du livre 25 ans dans les services secrets. Il lui est ainsi reproché d'avoir violé le secret de la défense nationale, le secret professionnel et divulgué les identités de personnes protégées.
Et si cet homme disait la vérité ?
La semaine dernière, le parquet de Paris a ordonné l'ouverture d'une enquête préliminaire, confiée à la direction centrale du renseignement intérieur, selon les médias. Ces derniers rappellent à l'ancien agent qu'en vertu de l'article 413-10 du code pénal, «la seule violation du secret de la défense nationale par toute personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente d'un secret relatif à la défense nationale, est susceptible d'entraîner une condamnation à 7 ans de prison et à 100 000 euros d'amende».
Et si cet homme disait la vérité ? L'ancien agent qui a quitté les renseignements en 2009 dit tenir ses informations «d'amis» toujours en poste. Au sujet de Reiss, il estime qu'en divulguant son statut, c'est une manière de la féliciter et aussi «pour montrer que la DGSE n'est pas inactive et est présente sur le terrain». Cependant, à la DGSE, un démenti ferme a été apporté à ces allégations.
Second succès réalisé par l'Iran, la libération par la justice française de deux ressortissants iraniens, qui sont aujourd'hui rentrés dans leur pays. Il s'agit d'abord d'un ingénieur iranien, Majid Kakavand, arrêté à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle (Paris), le 20 mars 2009, et condamné à six mois de prison, pour ensuite être assigné à résidence à Paris. Demandé par les Etats-Unis, cet homme a pu quitter la France pour son pays, le 7 mai.
Deux jours plus tôt, la cour d'appel de Paris venait de refuser son extradition vers les Etats-Unis, qui avaient lancé contre lui un mandat d'arrêt international. Il faut rappeler que cet ingénieur iranien est accusé par la justice américaine d'avoir enfreint les sanctions économiques et commerciales infligées à son pays.
Son affaire est simple. «Le département de la justice des Etats-Unis reproche à ce technicien d'avoir, entre 2006 et 2008, acheté du matériel électronique à des sociétés américaines par une de ses sociétés en Malaisie, contournant ainsi l'embargo décrété sur l'Iran. Réexportés ensuite vers l'Iran, ces équipements auraient pu servir à perfectionner des missiles», selon la version diffusée par les médias. Il est en quelque sorte victime de son patriotisme, ce qui n'est pas un crime, bien au contraire, quand il s'agit des ressortissants occidentaux.
Mardi dernier, la France «expulse» vers l'Iran Ali Vakili Rad, condamné en 1991 à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 18 ans, pour l'assassinat de Chapour Bakhtiar, ex-Premier ministre du shah d'Iran. Pour cela, il a fallu que le ministre français de l'Intérieur signe un arrêté d'expulsion permettant à la justice d'entériner sa libération conditionnelle, lui qui l'avait demandée quelques mois auparavant en pleines tractations entre les diplomaties française et iranienne sur ces affaires.
Victoire sur le dossier du nucléaire
Enfin, l'autre victoire obtenue par l'Iran a trait à son dossier nucléaire. Alors que les puissances occidentales ont réagi à l'accord tripartite signé entre l'Iran, le Brésil et la Turquie, au sujet de l'échange d'uranium, soit par des réserves soit en continuant les pressions contre Téhéran, l'Elysée y voit «des signes positifs».
Il faut rappeler que la France est l'un des pays les plus virulents avec Israël, à l'égard du dossier nucléaire iranien. La sortie française à ce sujet devrait être «confirmée» lors du vote prochain de sanctions par le Conseil de sécurité contre les dirigeants iraniens.
Il faut rappeler aussi que l'enrichissement des 120 kg d'uranium à 20%, qui devraient, en vertu de l'accord tripartite Iran-Brésil-Turquie, revenir à Téhéran, sur les 1200 kg prévus, qui seront remis à la Turquie, va rapporter des profits à la France. C'est que ce pays a été choisi pour cette mission bien juteuse.
A présent que les médias français et internationaux évoquent des tractations secrètes entre Paris et Téhéran, l'important pour Sarkozy est de faire remonter sa cote de popularité dans les sondages et de tirer profit pour son pays au bord de la crise économique et financière sans précédent, de ces «marchandages» juteux.


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