Parti en campagne contre les ennemis de l'islam, Nouredine M. a dû se rendre compte que là où il avait tenté de lever haut le fanion du djihad (en Géorgie, à Islamabad, en Tchétchénie, en France et autres Hollande), il n'y avait que des missions impossibles. Et c'est flanqué de deux avocats de renom qu'il avait échappé aux dix ans de réclusion criminelle requis par le procureur général. Et à Alger, le magistrat de la criminelle n'entend jamais à l'audience sans bien examiner le dossier. Meriem Dekkar, la présidente, qui est aux deux tiers de sa carrière, ne s'est pas heurtée à un mur. Loin de là ! Aidée certes par ses deux conseillers et les deux jurés tirés au sort, elle a eu le plaisir d'avoir en face un étincelant avocat, maître Tidjani Aïssaoui, qui avait été collègue de la juge du jour, et un non moins brillant second conseil, maître Chadli Zouina, qui a su jouer sur toutes les touches du «piano» : code pénal et ses redoutables articles bien élaborés et incisifs dans de pareilles affaires liées au terrorisme, des affaires qui n'ont pas l'air de finir. Loin de là ! Meriem Dekkar, la présidente du tribunal criminel d'Alger, avait une chance du tonnerre en examinant une affaire relative à appartenance à un groupe terroriste de Nouredine M., 36 ans. Ce Chélifien avait souffert le martyre en France où il avait écopé d'une peine de prison ferme de 6 ans en 2006, le 14 juin, pour faux et usage de faux et usurpation d'identité. Devant le tribunal, il a écopé de 9 ans d'emprisonnement, et ce, en France où il devait rendre compte de ses activités en Géorgie, au Pakistan, en Tchétchénie et partout où il s'est rendu combattre, soutenu par un mental d'acier, convaincu qu'il avait quitté la mère patrie pour combattre les ennemis de l'islam. Elle avait une chance du tonnerre en ayant en face d'elle maître Zouina, cet accrocheur conseil qui ne laisse rien au hasard, et maître Aïssaoui qui s'accroche tant et si bien qu'il a réussi à réduire les demandes du procureur général des deux tiers. L'accusé a écopé de trois ans ferme au lieu des dix réclamés par le ministère public dont le représentant s'était installé sur le siège pour déguster un casse-croûte ou fumer un cigare ! Il est vrai aussi que maître Aïssaoui, un juriste hors pair, avait introduit de sacrées questions concernant le passé de l'accusé en Europe où il avait été jugé aussi pour usurpation de nom «Abdelkader au lieu de Nouredine» M., de faux et usage de faux sur documents officiels, mais aussi et surtout d'entreprise individuelle ou collective dans le but de troubler l'ordre public par l'intimidation, le crime et la terreur, un grave crime sévèrement puni en Europe, sur ses gardes et allergique à l'islamisme. Même la peine de neuf ans d'emprisonnement a été appuyée d'une période de sûreté de deux tiers de la peine (malheureusement mesure inexistence en Algérie), soit six années, et l'interdiction d'entrée en France définitivement, c'est dire si maître Aïssaoui savait de quoi il parlait face à la composition du tribunal criminel ! Fidèle à son éternelle démarche, Dekkar, que les deux décennies traversées sans encombre avaient rajeunie, a mené avec beaucoup de tact, de doigté, les débats. Des débats qu'elle avait voulus sereins, surtout lorsque l'un après l'autre, maître Aïssaoui et maître Zouina avaient protesté énergiquement contre ces poursuites d'une autre ère : - «Nouredine a comparu en France. Il a payé sa dette. Que faut-il lui faire ? L'envoyer à l'échafaud ?», avait crié maître Aïssaoui, motivé. «Si le tribunal veut bien aller à l'intime conviction, qu'il y aille, car il y a eu plus que l'absence de preuves pour ce qui lui est reproché en Algérie», avait ruminé maître Zouina. En fin d'audience, les deux confrères quittent Ruisseau les mains dans les poches.