Si Mira Naporowska est connue pour sa passion des arts plastiques, elle tente de la perpétuer en offrant ses connaissances picturales lors d'un atelier qu'elle a récemment initié. Sa prédilection des paysages d'Algérie, son pays d'adoption, avec leur luminosité et leur intensité, fait que sa palette reste très colorée et chamarrée, à l'image de nos magnifiques panoramas, contrastant avec les vues de sa Pologne natale. Mira a le sens de l'esthétique très aiguisé, et sa technique, particulièrement dans ses aquarelles, est un ravissement pour l'œil. En bonne enseignante, elle transmet son savoir pour titiller les sens et éveiller les yeux à tant de beauté de la nature. Dans cet entretien, elle rappelle la nécessité de l'art qui permet de transcender les frontières et rapprocher les hommes dans une communion d'esprit et de cœur. Pourquoi avoir eu l'idée d'initier un atelier de peinture ? L'idée est venue un peu par hasard. Il y a 4 ans, j'ai été contactée par Alger Accueil (association culturelle auprès de l'ambassade de France) pour animer des cours de dessin. C'est ainsi que l'aventure a commencé. N'étant pas sûre d'être capable de transmettre mon savoir, j'ai pensé que cela allait durer un temps seulement. Finalement, l'atelier a pris de l'ampleur et, ne voulant plus me limiter uniquement aux membres d'Alger Accueil, j'ai ouvert l'atelier au public algérien, si cher à mes yeux. Pensez-vous que l'on puisse peindre même si l'on n'a pas de don pour le dessin ? Bien sûr. C'est juste un apprentissage. Il y a des techniques pour développer la capacité de dessiner. La personne développera la capacité de regarder les objets, de voir le volume, de tracer la perspective, se rappeler les lois de la géométrie, de son parcours scolaire, apprendre à observer les ombres et les lumières. Ensuite la pratique fera le reste. Pour ceux qui ont le don, la tâche est plus facile afin de parfaire uniquement ce qu'ils ont en eux. Par contre, nous pouvons nous poser la question si, avec la technique acquise, nous pouvons devenir plasticien. Selon vous, la peinture féminine algérienne a-t-elle atteint son degré de maturité ? L'art date depuis des millénaires. L'art s'est transformé au fur et à mesure et a pris diverses formes. Cela dépendait du temps, du lieu, du pays, du climat, de la religion et du système politique et social. Ainsi l'art a créé sa propre histoire. L'homme souhaite de l'art qu'il satisfasse son besoin de certitude. Cela dépend du sujet traité, de son objectif et de son époque. Il a pour but de transmettre sans détour un paysage, un portrait, un événement historique avec une facilité de réception. L'art actuel permet tous les moyens d'expression, de la peinture abstraite à l'image numérique. Devant l'œuvre, c'est au spectateur d'accepter de vivre l'expérience déroutante ou agréable, mais toujours unique, qu'elle propose. Il n'y a pas de société sans art. Nous nous définissons à travers la culture. Elle est en nous et fait partie intégrale de chaque personne. Le goût de l'esthétique et du beau, nous le portons depuis le début. Ensuite, l'entourage familial, l'école, la société nous permettent, à des degrés différents, de développer nos goûts. L'éventail des possibilités est énorme. Pour les uns, c'est l'expression orale, le chant ou la danse, pour d'autres encore l'expression manuelle. Nous sommes créatifs au quotidien en commençant par les habits, le décor de la maison, la cuisine, l'art floral etc. L'art améliore ainsi notre vie quotidienne en créant un environnement qui nous parle, nous entoure de beauté dans des formes et des couleurs qui nous touchent. L'art exprime notre goût ou notre capacité d'acheter ou de voir un objet. L'art est donc non seulement beauté, rêve, goût personnel, ou moteur de créativité mais aussi un outil de travail pour mieux se comprendre et garder sa santé émotionnelle et intellectuelle. Donc les femmes sont très présentes dans l'espace culturel parce qu'elles ont le besoin de s'exprimer. Dans l'art, elles sont au même niveau que les hommes. Le temps est révolu et la femme s'épanouit autant que l'homme, et même plus!!! Etant privée depuis longtemps selon les normes que les sociétés ont dictées, elle développe plus rapidement ses sens, ses talents, ses capacités professionnelles et nous pouvons le voir dans l'art également. L'art est l'image de la liberté. L'artiste crée car il se sent libre. Chaque artiste a son propre espace d'expression avec ses propres limites aussi.
Comment expliquez-vous le fait que les femmes artistes peintres sont nombreuses comparativement aux femmes écrivaines algériennes ? L'expression manuelle est primaire. L'enfant ne connaît et reconnaît que ce qu'il touche avec ses mains. Le verbe arrive plus tard et l'écrit avec l'école. L'expression plastique est à «la portée» plus facile. Pour la littérature, il faut regarder l'histoire du pays si jeune et nous saurons pourquoi. Il faut du temps, de l'instruction pour qu'il y ait plus d'écrivains. Mais comme je le dis précédemment, la femme a pris son destin entre ses mains et elle nous étonnera toujours ! Quels sont vos projets picturaux ? Avec l'automne, je compte organiser l'exposition de mes toiles les plus récentes. Je vous inviterai bien sûr en communiquant le lieu et la date. Pour le moment, je peins…. Entretien réalisé