Dans un rapport livré jeudi passé, l'association Cimade a donné un tableau descriptif détaillé sur les conditions de délivrance des visas en Algérie. Le rapport, qui revient sur les différentes étapes de demande de visa, les critères de traitement, les conditions d'accueil des demandeurs, les délais, la réglementation adoptée en la matière, appuyés par des témoignages émouvant des personnes ayant fait et parfois refait l'expérience, relève l'importance du taux de refus des demandes de visas exprimées par les Algériens. «Le taux de refus est extrêmement élevé et très nettement supérieur à la moyenne : environ 35% des visas demandés sont refusés alors que le taux de refus moyen était de 9,6% en 2008 pour l'ensemble des consulats de France à l'étranger», souligne l'enquête. Cimade revient sur les raisons de ces refus récurrents et les imputent à deux facteurs essentiels en l'occurrence : le risque médical et celui migratoire. «Le risque que l'on peut qualifier de médical touche surtout les personnes âgées. Le consulat craint qu'elles ne veuillent venir en France uniquement pour se faire soigner et qu'elles grèvent ainsi le budget de la Sécurité sociale française, et surtout le risque migratoire, dont les critères d'évaluation reposent sur l'âge du demandeur, son insertion professionnelle en Algérie, ses ressources propres et ses demandes antérieures de visas» relève le rapport. Soulignant que la majorité des refus exprimés ne sont pas motivés, le rapport en question reprend une phrase célèbre déclarée à ce sujet au niveau d'un consulat : «Un visa est une faveur, non un droit». La motivation doit obligatoirement être mentionnée dans certains cas, notamment pour les membres de la famille de Français ou de ressortissants communautaires, ainsi que ceux dont la venue en France a déjà été accordée par une administration française : regroupement familial, procédure d'introduction de main-d'œuvre étrangère. Cimade revient sur l'obligation pour tous les pays de l'espace Schengen de justifier le refus d'accorder les visas à partir de 2011. «Cela entraînera un surplus de travail pour les consulats qui commencent à s'en inquiéter. Il en résultera aussi, certainement, un retard dans la notification de la décision», note encore le rapport. Recours : méconnaissance Pour ce qui est des recours, l'enquête menée par cette association affirme que la majorité des citoyens et même des juristes algériens ignorent l'existence de la commission de recours de Nantes contre les refus de visa et encore moins la possibilité de saisir le conseil d'Etat. «L'information sur les possibilités de recours apparaît sur le site internet du consulat d'Alger, mais seulement en allant dans la «Foire aux Questions». Il précise que les lettres adressées aux consulats sont des lettres de doléances et non pas de véritables recours «parfois injurieuses et souvent non argumentées. Ceci s'explique par le manque d'informations sur les voies de recours, par l'absence de structures en capacité d'aider les demandeurs en Algérie et par l'absence de motivation des refus», a précisé le rapport. A ce titre, l'association Cimade souligne que «les recours contre les refus de visa prononcés par les consulats de France d'Algérie sont parmi les plus nombreux, puisqu'en 2008, ils représentaient 23,8% de l'ensemble des recours déposés devant le Conseil d'Etat. Mais cette sur-représentativité des recours contre les décisions des consulats installés en Algérie est à relativiser au regard du nombre élevé de demandes de visas présentées par les Algériens, et surtout du taux de refus trois fois plus élevé que la moyenne. D'autre part, il s'agit essentiellement de recours formulés non pas par des Algériens résidant en Algérie, mais par des membres de leur famille installés en France qui s'adjoignent les conseils d'un avocat français ou d'une association spécialisée». L'enquête précisa que plus de 200 000 demandes de visa sont traitées annuellement par les trois consulats français en Algérie, à savoir Alger, Annaba et Oran, faisant de notre pays un pays demandeurs de plus grand nombre de visas. «En 2008 comme en 2007, le consulat d'Alger figurait parmi les quatre pays où sont délivrés le plus grand nombre de visas, après la Russie, le Maroc et la Chine», souligne le rapport de Cimade. L'association a mentionné un certain nombre de propositions dont celles consistant à «imposer aux consulats une réponse dans le délai imparti, pour en finir avec le régime actuel de refus implicite de délivrance de visa, l'instauration de l'obligation d'une motivation circonstanciée des refus de visa pour tous les demandeurs et prévoir l'obligation pour les consulats de notifier systématiquement par écrit les voies et délais de recours pour permettre aux intéressés de pouvoir contester, s'il y a lieu, la décision de refus de visa». Réagissant aux conclusions de cette enquête, le ministère français de l'immigration a affirmé que tous les refus de visa de court séjour seront motivés. «Cette mesure entrée en vigueur le 5 mars a été décidée en vertu d'une obligation introduite par le Code communautaire des visas (CCV)», souligne le ministère.