Les journaux espagnols ont qualifié d'«échec» l'opération engagée, jeudi, par des troupes d'élite françaises dans le nord du Mali pour tenter de libérer l'otage français Michel Germaneau, enlevé il y a plus de trois mois dans le nord du Niger par un groupe d'Al Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi), en même temps que son chauffeur algérien lequel avait été depuis libéré. Paris avait pris le soin d'informer Madrid de l'opération lorsque celle-ci était déjà en cours et qui s'est soldée par six morts parmi les terroristes sans avoir atteint son objectif. Le Mali et la Mauritanie, pays d'enlèvement et de séquestration des ressortissants occidentaux qui fréquentent la région du Sahel, auraient été également au courant du déroulement de cette opération à risque. Bamako avait autorisé, auparavant, des unités de l'ANP à poursuivre sur le territoire malien le groupe terroriste responsable de l'attaque contre le poste frontalier de Tinzaouatine. Une fois informées, les autorités espagnoles auraient exprimé au gouvernement français leur «préoccupation» quant aux risques que l'opération militaire française faisait peser sur la vie des deux ressortissants catalans que le groupe de Mokhtar Benmokhtar détient depuis le 29 novembre. L'Espagne qui multiplie, à ce jour, les initiatives diplomatiques en vue d'obtenir la libération de ses deux ressortissants n'a jamais envisagé d'opérations militaires contre les ravisseurs et exclut toute autre initiative qui mettrait en péril la vie des deux otages catalans. Le gouvernement Zapatero a entrepris, notamment, des démarches auprès de la Mauritanie pour que ce pays accepte la proposition de Aqmi d'échanger les deux otages espagnols encore entre ses mains – un troisième otage, une femme, avait été libérée – contre la libération d'un certain nombre de ses membres emprisonnés à Nouakchott. Les craintes de Madrid sont grandes depuis jeudi, alors que la veille le gouvernement espagnol se réjouissait, en privé, du verdict, trop clément, selon les observateurs, du tribunal de Nouakchott dans le procès du groupe de Aqmi qui avait enlevé les trois espagnols. En infligeant une peine légère de 12 ans de prison ferme, mercredi, à l'accusé principal, Omar Ould Sidi Ahmed Ould Hamma, alias Sahraoui, le juge mauritanien avait laissé l'impression d'avoir été instruit d'en haut. Etait-ce la raison de la visite de M. Moratinos, le mois dernier, à Nouakchott où il avait été reçu par le président Ould Abdelaziz ? Le président mauritanien se présentait, pourtant, comme inflexible sur tout marchandage avec les terroristes. Fut-il le cas durant le procès de Nouakchott ? Le quotidien El Pais faisait observer dans son édition de mercredi le déroutant changement d'attitude du procureur général qui avait requis, mardi, une peine de prison à perpétuité accompagnée de travaux forcés pour 4 des 6 membres de Aqmi présents dans le box des accusés, dont Sahraoui, avant de se rétracter, le lendemain et réclamer des peines allant de 5 à 12 ans. Un simulacre de procès qui rappelle le scénario de Bamako. La justice malienne avait prononcé, à la fin de l'année dernière, dans la hâte, la relaxe pour quatre terroristes de Aqmi, suivie immédiatement de la libération des deux otages français détenus par cette organisation terroriste. C'était le lendemain de la visite discrète effectuée par M.Bernard Kouchner dans la capitale malienne.