Les forces spéciales françaises ont attaqué, dans la nuit de mercredi à jeudi, une base d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) à la frontière entre la Mauritanie et le Mali, en vue de la libération de l'ingénieur français Michel Germaneau, capturé le 22 avril par un groupe terroriste au nord du Niger. Au moins 6 terroristes ont été tués mais il n'y avait aucune trace de l'otage français. La France s'implique donc de façon directe dans la guerre contre Al Qaïda au Maghreb islamique en déployant des moyens logistiques considérables. Sous couvert d'une assistance technique à l'armée mauritanienne, dont on sait les moyens très modestes, les Français ont engagé des unités d'élite appuyées par plusieurs hélicoptères et avions de combat. Selon toute vraisemblance, les opérations ont été menées simultanément à partir de la Mauritanie et du Mali, et le groupe terroriste visé, le même que celui qui a exécuté l'otage britannique Edwyn Dyer en juin 2009, aurait été décimé. Probablement, des terroristes ont été faits prisonniers, mais refusent d'indiquer l'endroit précis de détention de l'ingénieur français. Le lieu de l'attaque, tenu secret par les Français, pourrait être la région désertique et inhabitée de Taoudeni, au sud de Erg Chèche. Des sources officielles maliennes ont confirmé un mouvement inhabituel de rotation d'avions militaires à l'aérodrome de Tessalit, plus à l'est et presque sur la même longitude que Bordj Badji Mokhtar, ce qui a amené quelques observateurs à la conclusion que l'Algérie a pris part à l'opération. Un haut responsable de l'armée algérienne a cependant nié toute implication de l'ANP dans cette affaire, précisant que l'Algérie se refusera toujours de combattre le terrorisme en dehors de son territoire. Inquiétudes espagnoles Les informations parcellaires livrées par le ministère français de la Défense sur l'opération, et le fait qu'il en attribue la paternité à l'armée mauritanienne, laissent supposer que la tentative de libérer Michel Germaneau a été un cuisant échec, quand bien même ses unités d'élite ont réussi à éliminer une poignée de terroristes. Pire, ce coup de main pourrait mettre en danger la vie de l'ingénieur français et des humanitaires espagnols dont on suppose qu'ils seraient aux mains du même groupe terroriste. Le journal espagnol El Pais, qui a donné des détails sur l'attaque, affirme que le gouvernement espagnol a été informé de l'opération juste avant son déclenchement et qu'il s'est vivement inquiété pour la sécurité de ses deux humanitaires. Le journal indique également que les Français ont eu recours aux renseignements américains qui auraient localisé la base où Michel Germaneau est supposé être captif. Ces renseignements se sont avérés peu fiables, et la base terroriste en question ne serait en réalité qu'un des nombreux bivouacs que l'Aqmi entretient à travers les régions désertiques du sud-est de la Mauritanie, du sud de l'Algérie et du nord du Mali et du Niger, pour donner l'illusion sur sa puissance de feu et sur l'importance de ses moyens logistiques. Calculs français Si les services de sécurité des pays sahélo-sahariens ne sont pas dupes, les Américains et les Français ne le sont pas non plus. Tous deux connaissent parfaitement les mouvements suspects dans la région ; les premiers grâce à leurs systèmes d'observation par satellite, les seconds à travers, surtout, les «bonnes relations» qu'ils entretiennent avec certaines de leurs ex-colonies. Les informations dont ils disposent sur les réseaux terroristes et mafieux sont d'une importance capitale pour l'Algérie, notamment. Ces données permettraient au commandement opérationnel de Tamanrasset de coordonner des actions militaires capables de neutraliser toutes les bandes affiliées à l'Aqmi. Apparemment, les Occidentaux ont préféré faire dans la rétention, la France surtout qui vient de faire cavalier seul en lançant une opération beaucoup plus motivée par des considérations de politique interne que par le souci de soutenir des gouvernements «amis», en lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Les implications du geste de Paris seront très lourdes de conséquences, et le gouvernement de Fillon risque de payer fort les frais de son échec de jeudi.