Le cimetière du petit village de Taberkoukt, hameau situé non loin du barrage de Taksebt, était noir de monde hier. Ils étaient des milliers à venir assister à l'enterrement du jeune gardien de nuit du siège de l'APC d'Ath Aïssi, tué lors de l'attentat kamikaze perpétré avant-hier à l'aube contre la brigade de gendarmerie de cette localité de la daïra de Beni Douala, au sud-est de Tizi Ouzou. Le dépit, la consternation, voire l'état de choc permanent se lisait sur tous les visages, surtout que personne n'a pu jeter un dernier coup d'œil sur le visage de la victime décapitée par l'explosion. La consternation était à son comble. C'est qu'ici, on ne réalise toujours pas ce qui s'est passé aux premières heures de cette «maudite» matinée du 25 juillet. Tout le monde, du moins ceux que nous avons interrogés, avait cru à un tremblement de terre. «Je dormais quand une explosion d'une rare intensité a secoué ma maison avec la force d'un séisme», nous dira Dda Chavane qui habite à 300 m du lieu de l'explosion. Il ajoutera : «Juste après, je suis sorti et j'ai entendu mes enfants qui criaient à l'étage supérieur. Toutes les vitres de ma maison on volé en éclats. Mêmes les portes ont été endommagées. Plusieurs demeures ont été sérieusement touchées. Il y a même des maisons dont les toits et les plafonds se sont effondrés», ajoutera-t-il avec un dépit indescriptible. A Ath Aïssi, comme partout dans la wilaya de Tizi Ouzou, on ne parle que de ce qui vient de se passer. On se pose surtout de nombreuses questions auxquelles on ne trouve pas de réponse. Comment, par quelle aisance le kamikaze est-il arrivé tranquillement jusque devant le siège sans être repéré, bien que les principaux axes routiers soient surveillés en permanence par les services de sécurité ? A quoi servent les barrages filtrants ? Où le véhicule qui a servi dans l'attentat a été bourré de matières explosives ? Faut-il revoir la stratégie sécuritaire dans la région ? Toutes ces questions reviennent dans toutes les bouches en plus de celles liées au bilan de cet attentat. En effet, en l'absence d'information officielle sur le bilan de cet attentat, et outre le fait que certaines sources non officielles avaient annoncé que deux gendarmes sur les dix qui ont été blessés ont succombé, les spéculations vont bon train à ce sujet. Le colonel du groupement de Tizi Ouzou avait indiqué sur place qu'il n'y avait qu'une seule victime civile lors de son déplacement sur les lieux en compagnie du wali et des autorités militaires. Durant la journée d'avant-hier, on avait annoncé la probable venue du ministre de l'intérieur Daho Ould Kablia. Les traces sont toujours là Les séquelles de ce terrible attentat qui a terrorisé toute une région resteront sans doute gravées dans la mémoire des habitants d'Ath Aïssi. Les dégâts sont considérables. Le chef-lieu de la commune, les alentours de la brigade (ex-siège de l'APC) sont effacés de la carte, le siège de la mairie et de la poste fortement touchées ne fonctionnent plus, bien que le siège ait été inauguré seulement le 5 juillet de l'année dernière, les dizaines de boutiques et autres cafés maures détruits offrent un visage de désolation. Le parc roulant de l'APC a été complètement détruit par le souffle de l'explosion. Même le camion citerne flambant neuf acquis par la commune est hors d'usage. Tristesse et désolation sont partout malgré le travail titanesque entrepris avant-hier par la mobilisation de l'ensemble des engins et camions des entrepreneurs de la région pour déblayer le terrain. Les dégâts provoqués sont considérables. Pour l'instant, il est pratiquement impossible de les quantifier. Le choc provoqué chez la population est tel qu'il faudrait plusieurs semaines pour que la vie reprenne son rythme normal. Jusqu'à hier, Ath Aïssi est restée comme stigmatisée, paralysée par l'ampleur du drame qui vient de la secouer. Par ailleurs, hormis l'identification de la marque du véhicule utilisé par le kamikaze (une camionnette de marque Mazda), rien de nouveau n'est à signaler sur l'identité de l'auteur. Ceci en attendant peut-être les résultats des tests ADN qui seront effectués sur le membre inférieur (pied) du kamikaze récupéré par les éléments de la police scientifique à plusieurs dizaines de mètres du lieu de l'attentat. Comme on ignore toujours le type d'explosif utilisé.