Le tourisme dans notre pays peine réellement à décoller. «Nous ne pouvons faire du tourisme quand de jeunes agriculteurs se convertissent au tourisme pendant la période estivale»a constaté amèrement Abdallah, un ancien plagiste de la prestigieuse ville de Caen en France. Il est l'un des premiers investisseurs à s'implanter à Palm Beach, et ce, malgré la mauvaise période qu'a connue notre pays. Abdallah est un symbole de courage, un vrai professionnel. Mais le «pro» a les mains ligotées. «La situation ne fait qu'empirer. Nous constatons une régression flagrante à chaque saison estivale, et les pouvoirs publics ne prennent pas les mesures nécessaires pour donner un souffle qualitatif et quantitatif à l'activité touristique. Nous dépendrons toujours du pétrole», a ajouté le plagiste. Un simple regard, de loin, de ce qui se fait à la station de Palm Beach dans la périphérie algéroise indique la situation catastrophique de ce secteur. «Le tourisme est d'abord une culture, un art de vivre, avant qu'il ne soit une activité commerciale lucrative», avoue un estivant. «Chez nous, nous ne pouvons pas parler de tourisme, car ce mot est trop grand, mais de trabendo balnéaire», poursuit-il. La saison estivale de cette année est jugée par les vacanciers et autres plagistes de mauvaise. Elle ne ressemble pas à celle des années précédentes. Les causes, selon ces différents acteurs, sont multiples. Il s'agit entre autres du climat et de l'événement de l'année : la Coupe du monde. Mais il y a aussi le niveau de vie des Algériens qui est en baisse. «Le citoyen ne peut se permettre une journée en bord de mer, car le budget minimal d'une journée est de 2000 DA», a avancé Abdallah. Bien que des moyens existent : des chaises, des tables et des parasols sont implantés tout le long des plages. Selon Abdallah, ce mode de fonctionnement fait partie de la fuite des estivants vers d'autres pays, à l'image de la Tunisie. Pour mieux comprendre ce mode d'emploi critiqué de part et d'autre, Le Temps d'Algérie a tenté de faire la lumière, en prenant un échantillon d'un «non-tourisme». Découvrons… De l'agriculture au tourisme, dites-vous ? «Oui, de l'agriculture au tourisme. Vous êtes étonnés ?», lance Sofiane, investisseur touristique. Ce jeune est rentré au pays après des études poussées en tourisme dans l'une des plus prestigieuses écoles de tourisme de France, et avec un porte-monnaie bien plein. Il a voulu se lancer dans un secteur qui reste inexploité jusqu'ici dans notre pays. Mais l'amateurisme et le laisser-aller des pouvoirs publics ont réussi à décourager le spécialiste. «Je pars en Tunisie pour investir dans un village touristique, ce métier me passionne et pour tout l'or du monde je ne l'abandonne pas.» Le jeune Sofiane se désole de la situation du tourisme en Algérie, surtout que notre pays recèle des richesses énormes en la matière. «Nous avons un pays magnifique, nous avons un espace saharien, balnéaire et montagneux, et je peux vous assurer que nous sommes l'un des rares pays au monde à cumuler les trois axes du tourisme. Malheureusement ils sont tous mal gérés, et quand ils le sont, c'est par des agriculteurs, je ne suis pas contre les agriculteurs mais chacun son métier.» Après l'abattage, la plage ! Ce n'est nullement un fait divers ni une mise en scène, mais une triste réalité. Fouad que nous pouvons rencontrer à Palm Beach est boucher dans un abattoir. Après les heures de travail, de 6h à 12h, le jeune retrouve ses amis et associés à la plage de Palm Beach. Le jeune homme et trois de ses amis ont investi des sommes importantes dans l'achat de chaises, de tables et de parasols qu'ils louent aux vacanciers sur la plage. «Nous louons la chaise à 50 DA, la table à 100 DA et le parasol à 200 DA la journée. Nous avons aussi des transat (chaises longues) à 300 DA pour une journée», a avoué le jeune homme. Son ami lui emboîte le pas et admet : «Nous ne sommes pas autorisés à faire ce commerce, d'ailleurs la gendarmerie nationale a saisi il y a quinze jours trois camions de matériel, sur décision de l'assemblée communale de Staouéli et sur ordre de la wilaya d'Alger.» Les trois camions de matériel saisi sont estimés, selon Riad à 30 millions de centimes, sachant qu'une chaise coûte environ 750 DA, une table 1000 DA et un parasol est cédé à 2000 DA. Mais trois jours après cette opération de saisie, les jeunes ont réinvesti la plage avec des chaises, tables et parasols ! La gendarmerie nationale montrée du doigt Toute cette anarchie qui règne à la plage de Palm Beach est visible à l'œil nu, sauf pour les éléments de la gendarmerie nationale qui, à chaque sortie, donne des bilans positifs. «Les gendarmes saisissent nos biens et nous font chanter, mais quand ils viennent en week-end avec leurs familles ils se servent de notre matériel gratuitement, même du pédalo que nous avons payé à 24 millions de centimes. Nous sommes obligés de faire des concessions sinon notre matériel sera saisi», fulmine Moh. Plus explicite, il dit : «Quand nous rendons service aux gendarmes, ces derniers nous avertissent d'une opération de saisie la veille, donc nous prenons nos dispositions pour ne laisser que deux tables et quatre chaises à la plage !» Le volet sécuritaire a lui aussi été critiqué par les familles. Zohra déclare : «Les gendarmes sont là, mais au quotidien des bagarres éclatent et de jeunes voyous viennent nous embêter. Quand nous demandons l'aide des gendarmes, ils nous demandent de déposer plainte.» 245 millions le parking, qui dit mieux ? Durant la saison estivale 2008, les services de la commune de Staouéli ont cédé, dans le cadre d'une concession, le parking de la plage de Palm Beach à un jeune pour exploitation. Le coût de la transaction est de 245 millions de centimes ! Le mètre carré de la plage est quant à lui cédé à 5000 DA. Pourtant, les textes sont clairs, et la loi est une : «Les plages sont ouvertes au public et sont gratuites…» La question que se pose le citoyen est : qui est derrière ce trafic ? Aucune réponse n'a été donnée à ce sujet, car pour ne pas généraliser, de «longues mains» sont derrière ces petits contrats qui font gagner beaucoup. Mohamed a été le bénéficiaire du parking et d'un grand espace de la plage de Palm Beach. Après trois mois de travail, en pratiquant des prix hors norme, le diktat de ses associés sur la plage, en imposant aux familles de louer la table, les chaises et le parasol, Mohamed and Co ont réussi leur affaire. La plage est devenue un luxe, le citoyen lambda est privé du seul loisir que la nature lui a offert en ces temps de grandes chaleurs. Les autorités locales mécontentes A Palm Beach, cette station balnéaire qui «appartient» géographiquement à la commune de Staouéli, les services de l'APC doivent accomplir toutes les tâches nécessaires pour un environnement sain. Mais cette commune n'en tire aucun profit si ce n'est le «réveil» de certains commerces tenus dans la majorité des cas par des privés. Les rentes du droit de place de parking vont à la wilaya d'Alger, les rentes des concessions sont versées à la wilaya et la gestion de ce site revient aussi à la wilaya. Que reste-t-il à la commune ? «Les ordures, le tapage nocturne et les bouchons», a déclaré un responsable de la commune qui a requis l'anonymat. Avant d'enchaîner : «Les années précédentes, la commune profitait des rentes des concessions de ses plages, créait des postes d'emplois pour les jeunes chômeurs de la localité et permettait aux commerçants saisonniers d'installer des tables de vente d'objets de plage. Mais cette année, nous n'aurons que le mauvais côté de la plage.» Le responsable conclut : «De toute façon, nous sommes loin du tourisme, tant que nous continuons à bricoler, nos voisins, eux, continueront à glaner.» Le manque de vision, l'absence de politique et de stratégie touristique fiable et pérenne est, selon tous ces acteurs, la raison de l'anarchie qui règne dans les plages algériennes.