Tripoli, la capitale libyenne, a perdu ses petits matins bouillants d'ardeur, les principales artères de la ville étant quasi désertes, contrairement à l'accoutumée. En effet, l'arrivée du ramadhan a entièrement bouleversé le rythme de vie de Tripoli et des autres villes libyennes, devenu plus lent et plus calme le jour et volontairement plus trépidant et animé la nuit. Ainsi, une ambiance spécifique à ce mois béni a commencé à marquer depuis son début Tripoli. Les Tripolitains ont en effet veillé jusqu'à une heure tardive et les cafés des quartiers populaires n'ont baissé leurs rideaux qu'aux premières lueurs du matin. Mois de culte, de méditation et de recueillement, mais aussi de solidarité et d'entraide, le ramadhan s'est moulé, au fil des ans, dans les traditions en devenant une occasion de bombance avec l'augmentation de la quantité et de la qualité de la nourriture. En ce mois de jeûne en effet, le nombre de mets présentés lors de la rupture double, voire triple. Les buffets sont mieux garnis. Malheureusement la plupart de ces mets vont dans la poubelle. Les Libyens, à l'instar des populations des autres pays du monde arabo- musulman, consacrent beaucoup de temps aux nuits de ramadhan, que ce soit pour l'adoration de Dieu ou pour veiller. Les mosquées ne désemplissent pas, les gens viennent faire leurs prières et se recueillir. Les spectacles, les achats dans les grandes surfaces et dans les souks, les matches de football et même les visites familiales se font désormais la nuit. Le poisson à toutes les tables Toutefois, la frénésie de la consommation connaît généralement un certain fléchissement dans la seconde quinzaine du mois sacré. A cette période, les gens freinent les achats de nourriture et pensent aux vêtements pour l'Aïd El Fitr, la fête de la fin de ramadhan. Pendant le ramadhan, les Libyens se pressent toujours au marché central de Tripoli pour s'approvisionner : poisson frais, produits exotiques mais aussi gâteaux, pâtes et galettes de la tradition culinaire libyenne, remis au goût du jour. Des mets traditionnels tels que les crêpes, les galettes, les sucreries, les gâteaux, les pâtes, le pain et autres faisant partie du patrimoine culinaire libyen sont proposés aux clients par des vendeurs ambulants qui occupent tout le hall d'entrée du marché. On y trouve aussi des vendeurs de volaille et d'oiseaux dont le gazouillement aigu domine la clameur des visiteurs. La poissonnerie, qui occupe un grand espace ovale au cœur du marché central, propose une très grande variété de poissons à des prix abordables. La sardinelle, la silure, la morue, le thon, les crustacés, le calmar, la seiche et bien d'autres espèces de poissons sont disponibles en quantité. Le retour de certains mets traditionnels dans le menu du mois de ramadhan représente une occasion de perpétuer certaines habitudes alimentaires en voie de disparition et de promouvoir les aspects culturels du patrimoine culinaire du pays en les léguant aux générations futures.